Tout à fait d'accord avec ton ressenti Nirm :
Le 1er tome de Rio laissait présager une série prometteuse. Dans une cadence infernale, nous suivions le parcours chaotique d’un jeune garçon et de sa sœur, Rubeus et Nina. Le début de ce nouvel opus sous-titré les yeux de la Favela, nous informe que dix ans se sont écoulés depuis l’adoption des deux protagonistes par un riche couple américain. Louise Garcia et Corentin Rouge font de ce deuxième tome un affrontement oppressant entre police corrompue, bandes rivales et hautes instances gouvernementales. Reflet de la société brésilienne, en somme.
Le climat pesant se ressent dès les premières cases. Au sein de l’ONG Céu Azul implanté dans la favela Beija Flor, on retrouve « Le Rat » (pivete dont on avait fait la connaissance précédemment), tenant en respect un membre de l’Organisation. Ce dernier subit la colère du gang qui tient cette favela, pour ne pas avoir, soi-disant, partagé l’argent versé par le patron de Céu Azul, John White. Cette séquence dresse un un tableau bien terne mais réel. Les favelas sont soumises aux lois de ces narco-trafiquants qui alimentent la pression et la peur.
Il ne fait nul doute que Nina et son frère ne se sont pas adaptés de la même façon à leur nouvelle existence. Il faut dire que le changement est radical. Issus eux-mêmes des bidonvilles brésiliens, la chance leur a fait croiser le chemin de John et Carolyn White, riches expatriés américains, lesquels les ont pris sous leur aile. La décennie passée a façonné deux enfants devenus de jeux adultes diamétralement opposés. En tout cas par leur mode de vie. Nina s’est clairement adaptée à ce changement de cap. Elle n’oublie pas d’où elle vient mais elle a accepté le confort qu’on lui a offert. Le jeune âge et la protection sans borne de son frère à l’époque, ne sont certainement pas étranger à cet acquiescement.
L’innocence de Rubeus, elle, a disparu le jour où il a vu mourir sa mère devant lui. Ce n’est donc pas au milieu de la bourgeoisie qu’il va pouvoir se reconnaître. Exceptée sa mère adoptive, il n’était pas prévu qu’il fasse partie de la famille puisqu’il était censé avoir succombé aux balles de Jonas (capitaine de la Police dans cette histoire), lors du massacre de Candelária. Le retour surprise du gamin de neuf ans auprès de sa sœur à l’orphelinat ne donna pas d’autre solution que de les adopter tous les deux.
Et puis arrive cet événement soudain. Par l’impulsion du Gouverneur qui donnera carte blanche à Jonas pour assurer la sécurité des White, le flic ripoux se servira de Minotauro, un autre chef de gang d’une favela voisine, pour éliminer Mozar. Une embuscade malheureuse verra Nina se faire enlever par l’une de ces bandes. Rubeus va jouer alors un rôle déterminant pour l’une d’entre elles et ainsi la déresponsabiliser aux yeux du monde.
Il n’empêche. Nina va devenir une monnaie d’échange.. dérisoire… contre un escalier…
Mené tambour battant à l’image de son prédécesseur, ce nouvel album de Rio a le mérite de garder la même intensité. Louise Garcia dépeint intelligemment les inégalités sociales évidentes. Mais surtout, elle n’épargne pas le lecteur par les quelques actes d’une réelle violence. L’atout supplémentaire de cette série réside dans la crédibilité de l’histoire (avec peut-être un bémol, le moment où Jonas et Rubeus se croisent, sans que ce dernier ne le reconnaisse. Étonnant…). Tous les protagonistes tiennent un rôle bien défini et qui a son importance.
Corentin Rouge contribue à la belle réalisation de cette série. Son trait est particulièrement bien adapté à l’ambiance anxiogène relatée. Toujours aussi à l’aise avec ses personnages, il ne donne aucun répit face à la gravité de la situation.
Rio : les Yeux de la Favela, offre un beau résultat. Sans parler tout à fait de confirmation, cet album est une vraie continuité avec toute la logique que cela implique. Quelques indices distillés (comme une éventuelle entente entre Mozar et le Gouverneur ?), devraient donner matière à de probables rebondissements dans l’avant dernier tome.
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