Juste une chose pour Ben : la difficulté n'est pas tant d'écrire en 3 parties, c'est surtout que vous n'ayez pour le moment que la première...
Or, la construction de l'histoire tient évidemment compte de ce qui va suivre. Pour nous (les auteurs), l'histoire ne s'arrête donc pas du tout là par hasard ou "au milieu de nulle part". Je suis évidemment désolé si c'est l'impression que ça t'a donné mais voilà, nous assumons totalement cet arrêt à ce moment précis du récit. Même si, peut-être que pour toi, ça ne prendra du sens que plus tard.
De même pour la longue scène des tranchées (qui commence quand même à la planche 42, soit aux 2/3 du récit, hein, pas juste après le premier tiers...). C'est voulu, pour plein de raisons qu'il m'est encore difficile d'évoquer ici sans spoiler tout le reste. S'il y a bien une chose que je travaille en scénario, c'est bien le rythme auquel je fais avancer mon récit, car c'est, pour moi, là-dessus que tout repose. Maintenant, je comprends tout à fait qu'on puisse ne pas adhérer à cette "lenteur". Mais c'est comme ça que je vois le développement idéal de cette histoire. J'aime toujours prendre le temps de cette immersion du lecteur plutôt que d'enchaîner les rebondissements et coups de théâtre comme Usan Bolt les records du monde...
Et au final, cette immersion m'est surtout nécessaire à l'intrigue. Comprends-moi : je ne peux pas vous raconter des choses sans tenter de vous en faire ressentir le plus profondément possible les causes et les effets. Et ça, ça ne peut pas naître en deux planches, bien au contraire. J'avais d'ailleurs procédé aussi de cette façon dans "Coupures irlandaises" et, à un degré moindre, dans "Un homme est mort". Voire même dans "Les ensembles Contraires", même si là, la comparaison est difficile car le nombre de pages est bien plus important et le récit est plus improvisé. Comment, pour reprendre l'exemple de "Coupures irlandaises" ou de "Un homme est mort", faire comprendre une révolte sans prendre le temps de faire ressentir l'injustice qui la cause ?
Or, l'ennui, le long défilé des journées froides et mornes, des heures interminables à attendre rien d'autre qu'une mort horrible et hasardeuse, le bonheur éphémère d'une lettre de femme, tout ça était le quotidien de tous ces types dans les tranchées. Bien plus que "l'exaltation" des combats (très rares par ailleurs) ou de divers autres moments innatendus.
Notre-Mère la Guerre n'est pas un récit de guerre. Encore moins une intrigue purement policière.
C'est un récit noir. Dont la Guerre est le personnage principal.
Bref, si certains sont plus amateurs de Doyle, d'Agatha Christie (et je puis, très bien l'être moi aussi par ailleurs) ou de Georges Blond, il y a des chances qu'on les déçoive. Car, parmi d'autres, "Notre Mère..." doit bien plus à Manchette ou à Conrad par exemple (dont le coeur des ténèbres avait aussi inspiré "Apocalypse Now").
Voilà, en quelques mots, un mauvais résumé de tout ce qu'il y aurait à dire sur ce sujet passionnant qu'est le rythme propre à un récit.
Mais une dernière fois : je conçois tout à fait une non-adhésion. Je ne pense malheureusement pas écrire des livres susceptibles de plaire à tout le monde à chaque fois. Ce qui m'évitera au demeurant de devenir riche à millions, tarissant ainsi mes sources d'inspirations quotidiennes...
Je sais juste exactement pourquoi je les écris et pourquoi je les écris comme ça. Après, par contre, je ne sais pas si je réussis à attraper ce après quoi je cours (avec lenteur, certes... Mais je cours après quand même
)
La bise,
Kris.