de superboy » 16/11/2019 12:57
Ce titre me faisait de l'œil depuis longtemps et j'ai fini par emprunter les trois premiers tomes en bibliothèque. Pour résumer, j'ai rarement été autant soulagé de ne pas avoir acheté une série. Non seulement je ne suis rentré dans l'ambiance à aucun moment, mais en plus j'ai trouvé ça mauvais, au point que la lecture me fut vraiment pénible.
Le scénario souffre d'enjeux trop convenus, trop flous et trop lointains. Les luttes de pouvoirs entre les différentes factions de ce monde à la veille d'une guerre totale sont inintéressantes à force de rester trop abstraites. Le contexte a beau être très étoffé à présent, il n'est exploité que rarement et maladroitement. Marjorie Liu est dans le teasing constant de ce qui va advenir avec ses dialogues cryptiques et les postures mystérieuses de ses personnages. Au bout de 18 numéros, je ne vois toujours que de la mise en place cachée tant bien que mal par quelques péripéties forcées et sans grandes conséquences, que cela concerne les alliances forgées, les morts de personnages secondaires que l'on aurait pu croire importants ou malheureusement la quête des origines de Maïka. Rien ne fait sens. Le soin du détail apporté à l'univers ne sert pas le récit, il l'étouffe au contraire. Les révélations, anti-climatiques au possible, sont une fin en soi, sabotant l'intrigue une fois mises à jour. Je pense au tome 2 où un personnage important et ancien de ce monde est introduit pour ne servir que distributeur automatique d'informations pour l'héroïne, dans une scène on ne peut plus stupide, qui détruit en un instant le build-up déjà gonflant fait autour de lui précédemment.
L'héroïne, parlons-en. Maïka est un maillon faible de l'œuvre. Tour à tour rebelle de bac à sable et poupée qui fait non, c’est un deus ex machina agité là où le scénario la requiert, réglant les problèmes des autres du haut de sa position d’élue comme dans le tome 3 où, si l’on réduit les enjeux à leur plus simple expression, il suffit qu’elle soit présente pour sauver la situation. Zéro tension. Zéro action. Tout le monde s’ébat artificiellement autour d’elle pour remplir l’histoire. Beaucoup de bruit pour rien.
La voix off qu’elle entretient n’aide pas à la comprendre ni à développer l’empathie. Et cerise sur le gâteau, elle alourdit la narration. Son utilisation est une des pires qui soit, robinet d’eau tiède et de banalités pseudo- philosophiques déconnectées du récit, je me suis cru devant un mauvais épisode de Heroes plus d’une fois.
D’une manière générale, c’est la caractérisation des personnages qui est défaillante. Le trio principal est incapable de porter l’intrigue et en concentrer les enjeux. Les personnages secondaires sont tous poseurs, délivrant sans sourciller des dialogues abscons qui ne prennent jamais de poids, même quand ils ont la chance d’être prophétiques. Aucun ne réussit à vivre en dehors de sa fonction dans l’intrigue. Rien de saillant dans leur personnalité ; rien ne dépasse. C’est consternant de consensualité molle.
Mais c’est le travail de Sana Takeda qui m’a le plus déçu. Alors oui c’est beau, très esthétisant. Sauf que justement, cela tire beaucoup trop vers l’illustration. Ce qui accroche l’œil au feuilletage se révèle être une vraie plaie à la lecture. Le dessin est fouillis et figé. Quand on pose le premier regard sur une planche, rien n’oriente la lecture. Il n’y a pas d’élément mis en avant, tout est de valeur égale et c’est au lecteur de décrypter ce qu’il s’y passe. C’est prégnant dans les scènes d’action où le découpage très elliptique empêche la fluidité et l’immersion. C’est dingue à dire, mais cela m’évoque les films de ce bourrin de Michael Bay dont l’action se disperse sans créer de cohérence dans le mouvement. Il se passe effectivement des choses, des coups pleuvent, des éclairs volent, mais leur sens n’est jamais révélé par la mise en scène de Takeda, visiblement mal à l’aise dans l’exercice. Il y a du mieux dans le tome 3, mais à la marge seulement et ce n’est toujours pas bon.
Les couleurs contribuent à ce sentiment. Encore une fois, elles sont très esthétiques, mais pas pratiques du tout. Elles brouillent les valeurs de plans et écrasent complétement l’action. Le lecteur y plonge comme en apnée, sans certitude de ramener quelque chose valable de sa pêche.
Au final, ce dessin très hermétique, aux cadrages trop étriqués, travaille contre le world-building de Liu, ne rendant jamais la géographie des lieux très claire et créant une atmosphère étouffante, à rebours de l’étendue de l’univers qu’il est sensé décrire.
Grosse déception et incompréhension totale quant au succès critique de cette série. Du coup, j’aimerais vraiment avoir des arguments concrets et développés de la part des gens qui ont aimé. Un tel décalage entre mon avis et sa réception publique me chiffonne.