de the frog » 23/04/2021 20:30
Les freres Rubinstein 2, Le coiffeur de Sobibor
Cadence rapide pour cette serie de 9 episodes annonces selon le scenariste et dont j'espere qu'il pourra la mener a son terme cette fois. Ce deuxieme tome est sorti deux mois seulement apres le premier et le troisieme est annonce pour le mois de juin. Comme disait l'autre, pourvu que ca dure!
A son arrivee au camp de Sobibor en 1943, Moise a la vie sauve car il declare etre coiffeur de profession. Or, le camp en a justement besoin d'un. Il se rememore comment il a appris a couper les cheveux a Paris. Poursuivis par la police a la suite de l'incident qui bouleversa leur vie, Moise et son frere Salomon se sont refugies a Paris ou ils ont ete pris en charge par une entraide juive qui aide les refugies des pogroms pratiques couramment dans l'est de l'Europe. Afin de mieux les proteger, l'entraide a reussi a leur fournir une nouvelle identite. Elle a aussi reussi a leur trouver un travail mais pour mieux les proteger, elle a separe les deux freres qui ne savent pas ou se trouve l'autre. Moise, l'intellectuel devient ainsi apprenti coiffeur, son frere, Salomon, le debrouillard et malin comme un singe sera commis chez un tailleur de la capitale. C'est lui qui arrivera a retrouver la trace de son frere. Et leurs peregrinations de continuer.
Contrairement au premier titre, le scenariste, Luc Brunschwig n'a pas multiplie les allers et retour entre differentes epoques, l'action a surtout lieu a Paris et aussi au camp de Sobibor ou la derniere case nous montre Salomon decouvrant l'effroyable et monstrueuse verite de ce que les nazis font aux juifs. Grace a ce decoupage plus simple, LB renforce le lien indefectible qui unit les deux freres. J'aime beaucoup et aspect du scenario qui pour moi evoque mes propres liens avec ma fratrie, c'est quelque chose qui resonne en moi et j'y suis tres sensible. Nous avions deja vu cela dans la serie malheureusement ecourtee Makabi/Lloyd Singer, egalement ecrite par Brunschwig. Ce n'est pas tout d'ecrire un tel lien, encore faut-il bien le faire et une fois de plus je trouve que le scenariste y arrive merveilleusement bien, il a vraiment le don pour bien characteriser les deux jeunes garcons sans que cela ne tombe dans un pathetique melodrame ridicule et vieillot ou nous lirions une version modernisee, masculine et juive des Deux orphelines. Considerant la maniere dont les dialogues sont ecrits et la nature du scenario, je crois sincerement a l'amour que se portent les deux freres l'un vis a vis de l'autre. Ils vont s'entraider et lutter contre vents et marees afin de surmonter les obstacles qui vont se dresser sur leur chemin. J'ai ressenti cela plus fortement que dans le premier tome. Je pressens que ce sera un des moteurs des tomes a suivre.
C'est une histoire qui a lieu sur fond de la grande (Histoire), la judeite des deux garcons est l'autre moteur. On le sait deja car Moise sera internee dans ce camp de Pologne, on ne sait pas encore du devenir de son frere durant cette periode ou la folie furieuse regne sur l'Europe. On sait des le debut du premier tome qu'ils survivront tous les deux a la Shoah, mais comment? C'est un autre genre de suspense. Je pense que Moise fera partie des evades du camp profitant d'une revolte des prisonniers, fait historique evoque par Claude Lanzmann dans un de ses documentaires sur l'Holocauste.
Le dessin est d'Etienne Le Roux, qui avait deja signe le memorable Memoire dans les poches du meme Brunschwig. BHL et consorts n'y trouveront rien a redire car les protagonistes de confession juive ne sont pas stereotypes, ainsi Moise est blond et a un nez droit, alors que son frere Salomon est brun frise avec un nez en forme de patate et il en est ainsi pour tous les autres qu'on voit. Ce qui prouve qu'il n'y a pas de type juif en particulier, ainsi quand je vois un Falasha, je vois d'abord qu'il est noir, c'est vous dire. A cote de nos amis juifs, les mechants nazis sont evidemment des bons aryens (je crois l'avoir deja fait celle-la). Decors, decoupage, composition des planches sont d'excellente facture. Le Roux illustre le scenario avec soin et attention, il ne veut pas etre m'as-tu-vu, seulement efficace afin de renforcer le propos et ne pas distraire l'attention du lecteur en fioritures diveres. Cela n'en sert que mieux le recit.
Note finale, 4/5. C'est de la BD comme je l'aime, une bonne histoire bien racontee avec des personnages qui ne sont pas des coquilles vides et bien dessinee. J'en redemande.
"Schtroumpfer, voilà ma devise!" Peyo