Deuxième bilan annuel que je fais sur le forum. Après une année faste en terme de lecture (voir le bilan 2020), j'ai dû considérablement ralentir le rythme, de nombreux aléas du quotidien ayant réduit le temps disponible... et également l'envie.
Il y a déjà des bilans plus quantitatifs concernant les comics 2021 et les mangas 2021, je vais essayer de m'attarder sur ce topic sur ce que j'ai retenu de cette année et vous invite à faire de même.
D'abord quelques chiffres, 342 DL2021 (+ quelques uns dont je n'ai pas encore créé les fiches) ont rejoint ma bibliothèque, c'est plus que l'année dernière... beaucoup plus. L'implication de l'ainée dans les choix mangas y ont certes un peu joué. Madame Bolt également accéléré les achats. Et puis un nombre important de nouveaux mangas et de rééditions nous a tout bonnement intéressés.
A ce sujet, je ne vais pas jusqu'à dire que le manga se porte bien en France, mais avec des nouveaux éditeurs (Noeve, Mangestu, NaBan...) qui essaient de se faire une place au soleil et d'autres qui reviennent aux affaires (Panini, Delcourt???), les chiffres de ventes manga ont encore gagné du terrain en 2021. Je crains qu'une bulle manga soit en cours de création et qu'elle explose d'ici quelques temps.
A contrario, d'autres éditeurs historiques (Casterman) ou bien implantés (par exemple Akileos, pas mal de micro-éditeurs) ont progressivement réduit la voilure depuis quelques années, proposant un nombre de titres historiquement bas. Il y a bien sûr le contexte COVID mais il n'explique pas tout. Pourtant l'année 2021 est dans les standards habituels en termes de nombre de nouveautés et rééditions (selon le réseau Canal BD):
- environ 3400 BDs;
- environ 850 comics;
- environ 2050 mangas.
Pas pris le temps d'analyser les chiffres par éditeurs et groupes éditoriaux (d'autres le font bien mieux que moi), mais j'ai la nette impression que Media Participations (Dargaud, Lombard, Kana...), Glénat, Delcourt et Soleil se portent plus que bien et noient le marché sans que ça ne les émoustillent (yannzeman, ce ressenti est pour toi).
Concernant mes lectures à proprement parler, environ 140 bouquins sont passés sur mon chevet, dont 105 DL2021, soit 2,69 BDs par semaine. C'est moitié moins que l'année dernière, et je dirais même que c'est bien peu par rapport à la quantité que je m'empiffre normalement. J'ai d'ailleurs fait très peu de retours sur les forum concernant les one-shots, signe que les coups de coeur ne sont pas bousculés en 2021. Peut-être que es achats étaient mal orientés, peut-être que je n'étais pas dans un bon état d'esprit, peut-être que...
La liste qui suit correspond donc à ce que j'ai retenu des sorties de l'année dernière, avec ou sans commentaires. Je la trouve même nettement moins aventureuse que mes listes des années précédentes. Comme d'habitude, toujours rien de hiérarchisé, toujours pas de critères scénario / détail du dessins / poubelles en 4K (© drabag), ne supportant pas ça.
Un premier cycle qui a donné plus de sensations fortes qu'un rollercoaster. C'est feuillonesque à souhait et toujours aussi efficace, le bordel est solide de bout en bout.
D'un côté, un éden où vivent des enfants pas comme les autres, sous le regard attentionné de scientifiques. De l'autre, un garçon et une fille qui parcourent un Japon post-effondrement peuplé de survivants peu scrupuleux et de monstres, en quête d'un "Paradis". Un trait propre, un découpage à la Otomo, du mystère saupoudré d'humour et de misère humaine, l'auteur s'amuse en plus à installer un jeu étrange entre fan service et troubles du genre. Même si les choses se décantent très lentement, le manga de Masakazu Ishiguro est pour l'instant une bonne pioche.
Si comme moi, vous avez choisi l'édition colossale, vous devez vous sentir floué et avez sans doute coupé tout lien social jusqu'en mars 2022, mois de sortie du dernier volume de ladite édition. Que dire de plus à propos de l'Attaque des Titans ? Le monde entier a retenu son souffle à la veille du dernier tome, voyant se préparer l'inéluctable (ou pas). C'est un chapitre majeur de l'histoire du manga qui vient de se refermer.
Gess, en bon griot, couche sur papier avec une verve romanesque les légendes urbaines qui peuplent son esprit. Un nouveau chapitre, une nouvelle approche, une nouvelle saveur et encore un très bon moment de lecture.
Ce que j'avais écrit à chaud : "ce bouquin me renvoie à quelques souvenirs, ayant été en périphérie de cette culture. L'obsession, les plans de merde, les petites guerres, les soit-disantes valeurs, les petites anecdotes sur la dictature des goûts musicaux, etc... J'ai trouvé ses questionnements et son positionnement à la fin du bouquin très pertinentes. Et enfin la "passation de pouvoirs" à la fin, totalement vraie."
L'expérience s'accumulant, Jonathan Hickman atteint une certaine précision, voire pureté, dans son écriture, malgré ses architectures narratives complexes. Il construit ainsi son chemin à l'écart des cendres de la British Invasion et devient peu à peu un auteur vraiment à part dans les comics actuels.
Si une partie des lecteurs sont restés dubitatifs à propos du dernier volume, il n'en reste pas moins que le collectif d'auteurs a abattu un travail considérable en faisant du Dernier Atlas une uchronie crédible et singulière, brassant un nombre incalculable de thèmes qu'il serait vain d'énumérer. Encore plus que les 5 Terres, la trilogie est taillée pour être une série TV. Mais s'il vous plait, ne l'adaptez pas, la trilogie BD est très bien comme ça.
Est-il utile de rappeler le travail graphique de Fabrizio Dori qui, même s'il est moins chiadé que sur Le Dieu Vagabond, reste éblouissant? Par contre, je trouve dommage que Le Divin Scénario paie de mauvais retours pour cause de trop plein d''érudition. Même si je peux comprendre que le gimmick "Gabriel rencontre une énième figure féminine" peut lasser, Le travail d'écriture est tout de même énorme.
Hickman encore, pour la conclusion de la série qui l'a occupé le plus longtemps (presque 7 ans). Peut-être même celle qui lui a fait passer un cap dans sa progression, lui qui est rentré dans l'industrie du comics sur le tard (à 34 ans avec Nightly News, il a en actuellement 49), lui qui a toujours cherché à s'améliorer. Donc East Of West n'est pas sa grande oeuvre, mais une étape dans une carrière où le meilleur est toujours à venir. Une étape qui reste néanmoins de haute volée.
Ce que j'avais écrit : "Quelle intense lecture pour moi. Etant parent d'une enfant DT1 (diabétique de type 1) depuis 5 ans, ça m'a fait du bien d'avoir lu ce cri du coeur, qui va à contre-courant de ce que le personnel médical nous serine à longueur d'année. Ca change de ces horribles plaquettes fournies à l'hôpital qui assurent que les enfants DT1 peuvent "vivre comme les autres en toute sérénité".
Aucune idée de la plus-value de cette BD par rapport au livre de Pascal Boyer. Toujours est-il qu'elle m'a accompagné et passionné pendant plusieurs semaines en début d'année, sur un sujet pour lequel j'ai toujours été sensible.
Ce que j'avais écrit : "Le trait virevoltant et la multiplication des cadrages de Léa Murawiec m'ont fait bouger dans tous les sens, je me sentais presque malmené par le bruit urbain assourdissant et les courses de Mahel Naher dans ses moments les plus survoltés. (...) C'est un beau bouquin, pondu par une autrice qui n'avait probablement pas de prétentions particulières, et qui à l'image d'un des twists de l'album, va sans doute gagner une popularité soudaine.
Ce que j'avais pour le premier volume : "L'improbable croisement Kaiju / univers carcéral opéré par Zander Cannon est juste stupéfiant. Tout y passe entre, d'un côté, les kaijus / tokusatsus et l'héritage du nucléaire, les mechas, les monstres Lovecraftiens et autres entités horrifiques en tout genre, et de l'autre, l'enfer de la prison, ses trafics, ses gangs façon Bloods et Crips, ses matons, ses groupes religieux, et puis la street cred, les homies, les tough guys, les camés, les macs, les putes bardées de gosse, etc... Le jeu des références est jouissif, Zander Cannon trouvant toujours le moyen d'imbriquer les deux faces intelligemment et avec humour.
Et là, on peut reconnaître sur ce point qu'il est très fort, ajoutant en plus une narration fluide, un apport progressif des enjeux, des twists qui tombent bien, et tout un tas de couches supplémentaires à ce gros bordel.
Depuis Top Ten, je n'avais pas lu d'aussi bon comic book fantasmant sur les TV crime dramas."
Ce que j'avais écrit : "Stanislas Moussé continue d'alimenter sa mythologie et s'autorise cette fois-ci à la revisiter à travers la galerie de personnages aperçus précédemment. Je trouve que ça évolue également, il y a des plans et des découpages que l'auteur n'aurait pas osé dans les livres précédents, et le fil de l'histoire semble moins aléatoire, plus structuré. Sinon on retrouve le bestiaire habituel avec quelques petits ajouts (des vaches bagarreuses, des bouseux...).
Le seul petit regret est qu'hormis quelques massacres, écrasements et découpages en règle, le niveau d'hémoglobine a globalement baissé. P''tet le "livre de la maturité".
L'oeuvre majeure que Matt Kindt ne sera plus capable de refaire, de son propre aveu.
On ouvre une BD et... on se perd au milieu de conversations futiles, au milieu de ces femmes expressives mais sans visage, au milieu d'activités pour tuer le temps et l'ennui, puis on se perd dans une poésie lente, une musique sourde, on se perd dans la nuit, on se perd dans un moment de grâce. On perd toute linéarité, c'est tout l'art de Borja González.
L'éditeur aimait bien souligner l'idée de "métaphore visuelle" à propos du bouquin, et le moins qu'on puisse dire est qu'il est fortement à propos. Ce que j'avais écrit : "j'ai encore en tête une ambiance triste et grisâtre (merci les hachures omniprésentes) aérée par le très bon découpage de Branko Jelinek, et pas mal de passages où le ressenti d'Oskar se traduit par des choix visuels d'une précision et d'une logique irrésistible. Un de mes bouquins préférés cette année."
Merci aux éditions Huber d'avoir publié l'intégralité cette immense oeuvre de Tony Millionaire.
Ce que j'avais écrit : "Les thèmes défilent, sont encapsulés les uns dans les autres (l'immortalité, la starification, savoir montrer une attitude, l'expérience du concert et du dancefloor, "live fast, die young", la pulsation musicale et ce putain de refrain qui revient constamment, la culture pop, etc...). La série n'est pas totalement concept-driven à mon sens, les motivations, envies et contraintes qui animent les personnages prennent le pas au fur et à mesure sur le reste, s'entrechoquant de plus en plus violemment. Ce qui participe également à mon appréciation est que rétrospectivement, la narration est parfaitement construite, rien n'est noyé, tout tient à sa place et sans fioriture, jusqu'à la moindre ligne de dialogue (et c'était franchement pas gagné avec Kieron Gillen)."
Alors en préparation de son futur hit Préférence système, Ugo Bienvenu co-fonde les Editions Réalistes, pour lequel il sortira des BD's à tirage limité dont Premium + en 2019, puis une suite en 2021, Développement Durable. Les deux ont donc été compilés et mis en couleur pour sortir l'année dernière sous le nom de Total. Ugo se passionne pour un money maker en perte de repères, peut-être en recherche de but ou de projet, son adrénaline. Son psy, pas exempt non plus de soucis existentiels et décisions à l'emporte-pièce, prendra plus de place dans la deuxième partie de l'histoire. Les réflexions d'Ugo Bienvenu semblent plus jetées que sur Préférence système, mais il a cette capacité à montrer cette vacuité de l'existence malgré le tout confort et les riches relations sociales, puis laisse dériver ses personnages sans complexe. De plus, petit format aidant, il est un redoutable page turner. Une de mes grandes lectures 2021.