de the frog » 20/10/2017 23:42
Ou comment les Brunschwig se suivent et ne se ressemblent pas. Fort heureusement.
Apres l'enorme deception ressentie apres XIII Mystery, j'aprehendais la lecture de cet album qui selon les mots memes du scenariste a ete engendre dans la douleur. En effet, il s'est explique longuement ici meme. Cette aprehension a ete de courte duree car tres rapidement durant ma lecture et malgre la tristesse de l'histoire qui y est racontee, je retrouvais le sourire de celui qui est en train de lire une bonne BD.
Le plus curieux dans cet album est le fait qu'on pourrait presque le lire sans avoir lu les deux precedents tellement le lien qui les y unit est lache. J'ecris bien presque car je me suis rendu compte pendant que je lisais que ce troisieme tome est bien loin de ce que l'on pouvait attendre a la conclusion du premier. J'ai la tres nette sensation que Brunschwig etait parti sur une certaine idee pour le premier livre, qu'il en a change le cours pour le deuxieme, pour arriver a une conclusion completement differente de ce qu'il avait prevu pour ce troisieme tome. La preuve en est avec le titre general qui n'a plus aucune signification maintenant. Je trouve cela tres interessant car cela donne plus de vie a un recit dont la structure et les etapes narratives auraient ete soigneusmeent elaborees des le debut. C'est comme si les personnages avaient leur mot a dire en definitive. Il parait que cela est frequent chez les ecrivains, on part sur une idee, puis on bifurque sur une autre en cours de route. Il en est ainsi du premier roman de Rene Belletto, Le revenant, accessoirement son meilleur.
Comme d'habitude avec Brunschwig, et je crois que je vais me repeter l'ayant ecrit a plusieurs occasions lorsque je chronique un des ses ouvrages, le moteur de l'action dans ce recit est l'humain. La structure narrative de cet album (comme pour les deux autres) a beau s'apparenter a un roman policier car construit selon la methode du retour en arriere et de la presence d’un mystere, quelle fut la vie de Sidoine Letignal jusqu'a son mariage avec Rosalie?, on est plus dans le drame psychologique chere a la classification des films dans feu l'hebdomadaire Une semaine de Paris-Pariscope qu'autres choses. J'ai aime cette histoire qui ne vous emmene pas toujours la ou vous pensiez, j'ai aime tous ces personnages qui tous ne sont ni bons, ni mauvais, Sidoine en tete car lui aussi a menti et s'est menti a lui-meme une bonne partie de sa vie. Les acteurs de ce drame ne sont pas manicheens, l'epouse de Sidoine, Rosalie, a droit aussi a sa redemption apres les deux premiers episodes qui nous la decrivaient comme un monstre d'egoisme. Il s'est passe quelque chose entre tous ces personnages et Brunschwig nous l'a raconte a sa maniere. Ce n'est pas une tranche de vie, mais ce n'est pas une tranche de gateau non plus.
Depuis le premier tome, qui date de 2006, le dessin de Le Roux a beaucoup evolue et dans le bon sens, cela va sans dire, mais cela ira mieux en le disant. Finies les erreurs du debutant qui marquaient ce premier tome, le dessinateur a gagne en maturite en meme temps que ses personnages et cela se ressent. Les physiques des personnages, les decors, la composition des planches et des cases concourent a la reussite de cet album. Le deuxieme tome a déjà 8 ans et malgre ce hiatus, Le Roux a reussi a faire progresser son dessin sans que cela n’affecte les personnages, ils n’ont pas change ou a peine. J’ai ainsi des histoires decoupees en albums dont la realisation s’est etalee sur plusieurs annees et la difference entre les dessins du premier tome et du dernier est parfois choquante, un exemple entre autres est celui de Victor Hubinon dans le dernier cycle des aventures de Buck Danny qu’il ait dessine, je trouve ses personnages tres differents entre La vallee de la mort verteprepublie dans Spirou en 1972 et Ghost Queen qui y est paru en 1978. Le probleme est que dans ce cycle, l’action n’a lieu qu’en quelques jours. Cela est difficle a croire au seul vu du dessin. Avec ce troisieme tome de cette Memoire, Le Roux a echappe a cet ecueil.
La memoire dans les poches est une belle histoire toute simple et bien dessinee. Que demander de plus par les temps qui courent ?
"Schtroumpfer, voilà ma devise!" Peyo