LFB a écrit:Et voici mon "rapport qualité" promis...
Ces quelques lignes, si vous le voulez bien, pour donner suite à un double visionnage aujourd'hui : le film événement "Oppenheimer" de Christopher Nolan et le documentaire "Oppenheimer to end all war" (disponible sur myCanal) de Christopher Cassel. Vous vous doutez qu'avec mes chers coauteurs Didier Swysen et Denis Rodier, nous attendions avec impatience ce moment qui remet forcément notre Bombe dans l'actualité, qui plus est la semaine de sa sortie conjointe aux Etats-Unis et au Japon ! "Amusant" aussi, alors que nous avons commencé notre projet, en 2015, de constater que huit ans plus tard les planètes s'alignent pour faire de cet été 2023 un "atomic time" - et que, modestement, nous en faisons partie tout de même…
Voici donc ma contribution au débat et désolé s'il y a quelques spoilers…
Oppenheimer, le film donc. Nolan est un réalisateur majeur, dont j'ai adoré Interstellar, Memento, et beaucoup apprécié Batman begins et The Dark Knight. Moins convaincu en revanche par Tenet, et pas du tout par Inception et Batman rises… Mais bon, comme toujours chez lui, on ne pourra qu'avoir été ébloui par un montage brillantissime (en tout cas non linéaire et bien complexe), un travail sur le son prodigieux et une "intelligence" globale tout au long du film qui en fait un produit haut de gamme pour les spectateurs. La première partie du film, montrant le parcours d'Oppie jusqu'à Los Alamos est passionnante et comme tout le monde sait que c'est le personnage que j'ai préféré mettre en scène dans La Bombe, je me suis régalé à voir comment étaient montrés les grands faits de sa vie. Je me doutais que l'épisode de la pomme au cyanure serait présent, je l'ai malgré tout trouvé trop rapide et trop isolée. Il aurait fallu montrer d'autres épisodes (il y en a !) où la personnalité pour le moins tourmentée de Julius Robert était visible à cette époque… Ensuite, on rentre dans le vif du sujet avec la période Los Alamos et la construction de la bombe, qui culmine donc avec l'essai Trinity. C'est intense, dense, et la reconstitution est superbe, bien sûr. J'ai bien aimé les confrontations Oppie/Groves, portées par deux acteurs fantastiques, et je crois que nous en étions arrivés un peu à la même chose dans La Bombe… A vous de nous dire !
Arrive alors le meilleur moment, l'essai Trinity, superbe de montée en puissance et qui nous procure une incroyable surprise au niveau du son… franchement je ne m'attendais pas à ce choix artistique qui est osé et qui fonctionne "merveilleusement"…
Ensuite… eh bien c'est là que le bât blesse, et je pense que c'était le "piège" qui attendait forcément Nolan. Déjà, qu'on le veuille ou non, à partir du moment où l'essai Trinity représente l'acmé, eh bien on ne peut que "redescendre" de ce climax (surtout qu'il reste une heure de film…). Ce ne sont pas des auditions devant un petit comité dans une petite salle qui servait de rangement qui font remonter le rythme. Cette dernière partie est évidemment trop longue, avec la sacro-sainte règle hollywoodienne qu'il faut un "ennemi" au héros, en l'occurrence Lewis Strauss. Le genre de film "à procès" comme je les appelle, qui est souvent un genre en soi, mais qui menace toujours de sombrer dans une relative langueur répétitive… Et encore, je dirais pourtant que ce n'est pas totalement le cas ici car ce personnage de Strauss permet au moins d'exposer la dualité, la complexité d'Oppenheimer qui, en effet, a peut-être trompé beaucoup de monde sur sa vraie nature…
Le film, globalement, est très américano-centré, et les justifications des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki rejoignent tout de même tous les discours officiels qu'on peut entendre depuis plus de 75 ans. Nolan n'est pas loin d'être parfois un peu plus subtil et de vraiment permettre de hurler à l'injustifiable, mais se ravise aussitôt en se rappelant sans doute qu'il ne faut pas, sans doute, heurter trop son public et ses producteurs…
Je persiste à avoir été étonné de n'avoir pas vu une seule séquence "véritable" consacrée à Hiroshima. Je ne peux pas croire qu'il n'ait pas voulu aussi "recréer" ce moment clé de l'Histoire. Est-ce dû à un manque de budget, sans doute déjà très important, ou alors une vraie (fausse ?) justification sur le fait de rester au plus près de son personnage principal et de s'interdire justement toute "dérive spectaculaire" ? Je le lui demanderai les yeux dans les yeux le jour où j'aurai peut-être la chance de le rencontrer…:)
Pour finir, je dois aussi avouer que je n'ai pas été convaincu par les "apparitions" du personnage d'Einstein. La fameuse scène "au chapeau qui vole" et "au dialogue secret" entre les deux m'est apparue un peu vaine et pas si forte que ça (et pourtant mise en exergue à fort renfort de montage annonciateur)… Je peux comprendre la tentation scénaristique d'introduire à ce point un personnage aussi fort qu'Einstein mais j'ai eu l'impression que c'était hélas un peu artificiel. Il faudra que je demande à mon ami Etienne Klein ce qu'il en pense, ça m'intéresse (je me permets de révéler qu'on est en train d'écrire un roman graphique sur le grand bonhomme, sortie en 2024, infos à venir très bientôt...)). Cela débouche en tout cas sur une mini séquence finale, dont je me permets de dire qu'on la voyait venir grosse comme une maison, forte certes – mais trop courte !
Le documentaire "To end all war" est donc un bon complément au film, même s'il gagne, dommage pour lui, la palme de la plus mauvaise affiche de l'année. Entendre et revoir le vrai Oppie, découvrir plein de photos plutôt méconnues, se rendre dans des lieux aussi iconiques que son bureau à Los Alamos, et surtout entendre quelques intervenants prestigieux, comme le petit-fils du savant ou Richard Rhodes, dont le travail d'enquête sur cette période a été si important… Il y a un curieux choix graphique de séquence en animation qui a été fait et qui ne fonctionne pas toujours à mon avis. Là encore, on ne s'appesantit pas trop sur les décisions concernant le largage des bombes sur le Japon, pour rester sur l'homme. Parfois, avec ce contexte de guerre contre l'Allemagne nazie et ces "avancées technologiques" qui ont justifié le travail de ces scientifiques, c'est assez pratique de mettre la poussière sous le tapis sur un rôle sujet à débat aux Etats-Unis…
En définitive, et cela me rassure forcément, je dirais que notre Bombe est la synthèse idéale mais surtout "supérieure" au film et au documentaire. Le fait que notre personnage Leo Szilard n'apparaisse qu'une minute maximum dans le Nolan est déjà la preuve que nous avons apporté d'autres séquences, d'autres points de vue, d'autres "coulisses" à l'intérieur du projet Manhattan, d'autres personnages tout aussi forts que Lawrence, Teller ou Groves… Nous avions voulu aussi faire un livre "universel" avec tous les continents ou presque impliqués et surtout le Japon, avec un vrai focus sur Hiroshima, la vie de cette ville avant le 6 août 1945, et comment même le bombardement en lui-même s'était déroulé… A ce titre, c'est peut-être aussi M. Nolan qui seraient intéressés de nous rencontrer, non ?
jc_denton a écrit:N'ayant pas encore l'album, cette version collector me fait de l'oeil, mais j'hésite à cause de 2 choses. D'abord le poids de la bête, qui me paraît rendre la lecture difficile. Et la mise en gris : en regardant quelques planches sur le net, je suis naturellement plus attiré par celles en pur N&B. Des retours sur ces deux points ?
junjun a écrit:Hello, je viens de voir sur la page FB de Glénat, une édition collector et limitée de La Bombe, avec une jaquette exclusive !
Hormis la jaquette il y a quoi de plus que l'édition classique ??
Pas trouvé d'infos sur le site Glénat...
Metal.Hurlant a écrit:Pourquoi la version avec jaquette n'est pas dans la bel
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