Edinaute depuis novembre 2011, je vais vous faire part de mon opinion sur Sandawe, en toute objectivité, avec quelques précisions sur les questions soulevées ces derniers jours:
Retour sur investissement sur 5 ans > En pratique, tout se joue sur les 2 premiers mois après la sortie. Si Tome 2 il y a (Chevalier Mécanique, Sara Lone, Spyware), il ne sortira pas 5 ans après, mais 1 ou 2 ans après. Donc à moins d'un série à rallonge façon Titeuf (chose que ne fais pas encore Sandawe), tout est déjà joué dans les quelques mois suivants la sortie. Et d'après les expériences actuelles, si l'album n'a pas plu, il s'est peu vendu, et l'investissement du Tome 2 est à l'arrêt.
Limitation de l'investissement > Limite à 20 % du budget total. Pour un projet "standard", par exemple Pyraths qui est le dernier mis en ligne, cela représente 7800 euros. Donc à part pour les Rockfeller, je ne vois pas trop où est la limitation...
Précisions sur l'investissement > Les calculs montrent que les points morts hauts sont très élevés (10 - 15 000 ventes pour retour sur investissement). C'est envisageable pour un best-seller déjà bien installé (ou une énorme surprise comme il arrive 2-3 fois par an), pas pour une nouveauté. Avec un calcul grossier, seul 10% de l'investissement initial revient dans ta poche.
Le marché actuel de la BD est ce qu'il est, et personne n'y échappe. Et des petites structures comme Sandawe doivent jouer des coudes pour se faire une petite place. Déjà, les albums sont bien mis en place (libriaires + centre commerciaux de Tours, Fnac de Paris), de la publicité est faite sur internet (ActuaBD, réseaux sociaux, forums). Maintenant, il faut que chaque album trouve son public et qu'il soit bon, tout simplement. de plus en plus de monde achète après avoir lus des chroniques, donc s'il est mauvaise ça n'incitera pas à l'achat. En même si elle est bonne (Maudit Mardi), ce n'est pas synonyme de succès.
Donc du point de vue de l'édinaute, je considère (après, ce n'est que mon point de vue) que nous sommes plus dans une démarche de mécénat artistique, c'est-à-dire financer et promouvoir des créations qui nous plaisent, avec un pré-achat de la future sortie.
Après quand on parle de "retour sur investissement", il faut prendre en compte les bonus selon les paliers d'investissements, qui sont finalement des retours en "nature". D'où mon point suivant...
La grille des bonus > Ils sont ce qu'ils sont et, sur les derniers projets en lignes, ont été modulés. Personellement, seuls les bonus 20€ et 50€ m'intéressent. 20€ car on reçoit chez soi la BD, un bon moyen de la découvrir, et un petit retour sur investissement. Disons que les 5-6 € de "perdus" vont dans la démarche de mécénat éxpliquée plus haut, et puis de voir son nom dans l'album.
Problème: sur certains nouveaux projets, les paliers ont changé... et désormais c'est 30€ pour recevoir l'album. Et là, ça devient cher juste pour tester et découvrir.
Pour 50€, on a un cahier de 8 pages, avec cachet, numéroté, avec ex-libris numéroté et signé. Pour un collectionneur, cela permet d'avoir un tirage limité à un prix un peu plus élevé que ce qu'on peut trouver ailleurs, mais correct (compte-tenu de ce que j'ai dit plus haut).
Après les paliers 100 (contenu ne m'intéressant pas), 250 (trop cher pour une dédicace, je préfère patienter et rencontrer l'auteur en festival), 500 (trop cher pour une reproduction), 1000 (pas dans mes moyens... ça paye la réfection de ma salle de bains !) ne me concernent pas. Une vingtaine d'édinautes misent régulièrement ces sommes sur la plupart des projets, c'est donc 1- qu'ils le peuvent (et tant mieux, le plupart des projets n'ont pu voir le jour que grâce à ces personnes) et 2- qu'ils ont de bonnes raisons de le faire. Mais bon, on est loin du commun des mortels
Autre chose, en investissant lors des opérations, il est possible d'avoir des bonus supplémentaires. Par exemple, pour 20€ tu peux avoir un tiré à part numéroté signé sur Yo-Yo, qui se combinera ensuite avec le palier 20€ (album chez toi). Pour 50€, une pochette d'ex-libris sur Lance Crow Dog. Etc... Bref, si les bonus t'intéressent, il y a moyen de cumuler. Personellement, j'ai participé à quelques opérations à mes débuts sur le site, mais finalement je préfère investir uniquement sur ce que j'ai envie: un album de BD. Et puis avoir un bonus d'une BD qui pourrait ne pas sortir et d'auteurs inconnus ou débutants (Complot sur Vénus récemment), ça ne sert pas à grand chose...
Les projets et leur durée > Sandawe a l'avantage de proposer des projets très variés de la BD franco-belge. Thriller, Heroic Fantasy, Polar, Humour noir, Tout public. Seulement, après 3 ans d'existence, 1 seul album de BD "tout public" est sorti (Maître Corbaque) surtout en raison du faible budget et de l'effet "nouveauté" du tout 1er album au monde financé et édité par crowdfunding. Toutes les autres sorties ont été plus sur des domaines classiques. Les édinautes de Sandawe ne sont pas des lecteurs de BD occasionnels, au contraire ce sont des amateurs éclairés voire de grands collectionneurs... et ils n'ont pas les goûts de ce qui se vend par palettes...
Et c'est là qu'intervient la question de la viabilité des projets et de leur durée de financement. Bloquer plusieurs dizaines ou centaines d'euros sur des projets pendant plusieurs mois ou années, ce 'nest pas évident. En effet, si on sort de l'argent de sa poche, c'est pour avoir un retour +/- immédiat. Attendre avec le risque de ne rien avoir en retour (à part récupérer ses billes), cela devient frustrant puis lassant quand le projet est au point mort.
Au début, j'ai ventilé mes investissements (20 à 50€) sur plusieurs projets, même si je n'étais pas plus entousiasmé que ça, juste "pour voir". Outre les albums qui ne sont jamais sortis, j'ai finalement recentré au fur et à mesure sur les projets qui m'attiraient vraiment en tant que lecteur, avançant régulièrement et ayant de grandes chances de sortir rapidement... la lassitude prend vite le pas ! De plus, la qualité n'a pas toujours été au rendez-vous, donc un peu refroidi. Comme un éditeur qui signe un projet, on 'en voit que le pitch, les dessins préparatoire, quelques planches. Et parfois la surprise est bonne, parfois mauvaise. Depuis je préfère garder mes sous, voir comment les choses évoluent sur les quelques projets qui m'attirent vraiment (actuellement, il y en a 2) et ne déciderait à investir que si je sens que cet album va vraiment m'apporter quelque chose. Finalement, de position "éditeur" au départ, je me contente dèsormais d'être "futur lecteur".
Un seul projet fait exception dans mon raisonnement:
Yo-Yo Post-Mortem. J'ai eu un coup de coeur pour ce projet en découvrant Sandawe, c'est le premier sur lequel j'ai investi (et ai continué régulièrement ensuite). J'échange régulièrement avec l'auteur, j'essaie de le faire découvrir autour de moi et dans les forums, je fais un suivi des dernières infos, etc. J'y ai donc investi plus que de raison, avec la volonté de voir cet album dans les librairies (chose qui sera effective en octobre
).
Le suivi d'une création artistique > Dernier point, c'est cet aspect qui me plaît le plus dans cette expérience. Nous pouvons échanger avec les auteurs, voir leurs étapes de créations, doutes, etc. Pas besoin d'investir pour voir la plupart des articles des blogs, mais quand on est dans le projet, cela lui donne une saveur toute particulière. Et j'aime bien voir l'envers du décor, aussi bien dans la démarche artistique (scénario, recherches, crayonnés, corrections) qu'éditoriale (publicité, relations avec les média, festivals, imprimeurs, analyse des chiffres).
Voilà mon approche de Sandawe, qui a fortement évolué en 1 an 1/2. Mes attentes ne sont plus les mêmes et finalement plus terre à terre. Sandawe est ce qu'il est, avec ses qualités et ses défauts, et finalement j'ai modulé mon approche de façon à n'avoir qu'un bon retour de cette expérience. Je ne m'attends plus à revolutionner la BD, de me faire de l'argent, d'avoir des tonnes de bonus, de participer à 20 sorties par an, etc. Tout ce que je veux, c'est suivre au quotidien un projet qui me plaît avec un auteur qui y croit, et enfin lire une bonne BD à laquelle je me suis pleinement associé.