Les qualités de ce dessin animé dépassent mes espérances. Mes craintes initiales sont désormais totalement dissipées, envolées, évaporées. Elles ont rejoint les neiges d'antan et appartiennent au passé.
Vous en déduirez sans difficulté que je suis définitivement conquis par ces quelques minutes de pure jubilation qu'Arte nous procure quotidiennement.
Aujourd'hui, nous avons eu droit au gag du lyrisme. Un gag étoffé intelligemment.
Car c'est la force, l'un des mérites de cette série télé. Au lieu d'affadir certains gags en les étirant artificiellement, elle les enrichit par des décors inédits, des mouvements parfaitement étudiés et reproduits, auxquels s'ajoutent quelques jolies trouvailles scénaristiques.
Ainsi de la pin-up qui passe devant CdG et son aide de camp ; la séduisante jeune femme semble inspirer, transporter notre général qui s'imagine en pleine dictée de ses mémoires. Mais la réplique bien terre à terre de Lebornec sur la place offerte par une carte postale porte un coup d'arrêt aux tournures emphatiques et lyriques du général, amenant tout naturellement une nouvelle chute (de reins) fort drôle et savoureuse à la séquence, différente de celle de l'album.
La musique s'accorde parfaitement à l'animation. La voix de Lebornec est géniale, tant elle renforce l'effet comique
(tout comme sa tronche d'abruti, qu'on doit au talent de Ferri). Dès lors, je me trouve dans d'excellentes dispositions et suis nettement moins enclin à rechercher (par pur réflexe) le timbre de voix du général. D'autant que les animateurs ont su créer les gestes intermédiaires, les indispensables mouvements forcément éludés par Ferri dans sa BD
(art elliptique s'il en est), permettant de caricaturer avec beaucoup de justesse la gestuelle caractérisque (notamment par son amplitude singulière) de l'illustre chef de la Résistance et fondateur de la Ve République.
Après la délectation procurée par chaque mini-épisode, je me replonge rapidement dans l'album pour comparer. Et c'est là, véritablement, que je prends conscience du travail des adaptateurs et comment ils ont su exploiter au mieux une BD déjà très réussie.
Qu'il me soit permis d'oser une analogie avec le sort enviable du roman de Graham Greene "The third man". Le bouquin était une petite merveille en soi, c'est indéniable. Mais le film que Carol Reed en a tiré, avec son casting exceptionnel, la complicité de l'écrivain en personne pour l'adaptation, la musique obsédante d'Anton Karas, les clairs obscurs inquiétants empruntés au cinéma expressionniste allemand d'avant-guerre, ont carrément sublimé le court mais intense suspense de Greene.
Eh bien, toutes proportions gardées, ce que cette adaptation pour la télé parvient à faire de la BD de Ferri, est assez comparable. Elle apporte une plus value véritable alors que tant de dessins animés sont trop souvent réducteurs.
"De Gaulle à la plage" (la BD) ne pouvait pas subir meilleur sort. J'imagine que des réimpressions ne devraient pas tarder à garnir les rayons des librairies, confinement ou pas.