de JoeBis » 04/11/2024 16:13
Retour en vrac sur ce nouvel album :
* la question de la couleur : on sait que pour les albums de Pratt, la couleur n'est généralement pas terrible et qu'il faut privilégier le noir et blanc. Avec Pellejero, on en a déjà discuté sur ce fil photos à l'appui, c'est beaucoup moins vrai ; les deux versions sont intéressantes, avec bien sûr le N&B en priorité si on ne peut en acheter qu'un. J'ai seulement lu le n&b pour l'instant
* le dessin : comme toujours avec les Corto de Pellejero (sauf peut-être le premier tome de rodage), c'est de haut niveau. Il nous a souvent gratifié de fulgurances, c'est-à-dire de cases vraiment exceptionnelles, comme ce profil de Malte se changeant en visage dans Equatoria. Est-ce le cas sur cet album ? Oui, absolument, comme par exemple la page 38 (version N&B) ou la dernière planche. La nouvelle apparence de Corto en début d'album est une réussite. J'hésite à me prendre le tirage de tête, j'en ai deux de Pellejero déjà, ses dessins le méritent.
* j'ai été un peu déçu par l'utilisation d'une technique utilisée plusieurs fois par Pratt (et par Pellejero), le "dezoom", où sur des cases successives le point de vue se transforme et s'éloigne. De mémoire on a cela dans les Ethiopiques, avec des boules de billard sur Tango, la giraffe sur Equatoria, ... Et bien ce dezoom qui occupe toute la page 22 n'est pas très réussi à mon sens, l'image ne se transforme pas et la séquence n'est pas très belle, les noirs sont bizarres. A voir en version couleur. Cela m'a inquiété pour la suite de la lecture. Bien mal m'en a pris ! L'album se termine sur un des plus beaux dezoom de toute la série, qui commence même sur la page précédente pour créer un effet de surprise, c'est une réussite totale.
* le scénario est bien de par son contexte historique particulièrement intéressant. Au final comme dans beaucoup d'albums de Corto, c'est plus un fil prétexte à de belles séquences. Et cet album manque un poil de séquences poétiques pour emporter ma pleine adhésion. On s'infléchit vers l'historique, mais cela semble être voulu, le scénariste le mentionne en interview. Pour moi Equatoria restera la référence de la reprise, car on y trouve tous les aspects clés de Corto (exotisme, scènes poétiques, personnages secondaires marquants, fulgurances graphiques, séquences silencieuses ...). On aurait aussi pu se dispenser du personnage du journaliste. Le retour de Banshee souffre forcément de l'exceptionnelle séquence sur la plage des Celtiques, c'est forcément moins bien, mais peut-on le reprocher à Canales ? La chronique de bdgest se lamente de la réutilisation de Banshee au lieu de la création de nouveaux personnages, mais Canales a déjà créé beaucoup de nouveaux personnages très réussis (Afra dans Equatoria, la sirène pour Tarowean), c'est bien d'alterner avec des retours.
Au global je considère cette reprise de Corto Maltese par Canales et Pellejero vraiment excellente (au contraire de la reprise moderne de Vivès et Quenehen). J'irais même jusqu'à penser qu'en "dégustation à l'aveugle", certains des albums passeraient tout à fait pour des originaux.
A noter également la sortie en libraire des Voyages de Corto Maltese par Geo, ouvrage à jour jusqu'aux Nocturnes berlinois. Je l'ai feuilleté sans l'acheter, j'ai beaucoup aimé les cartes des trajets.