de zanzibar » 01/10/2007 15:15
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Construire un feu
De Christophe Chabouté
Qui remercier pour un tel titre ? Jack London qui avait écrit l’histoire, ou Chabouté pour avoir su interpréter la nouvelle ? Outre le fait que l’auteur raconterait le récit d’un aventurier, ce qui m’a particulièrement accroché c’est cet emploi du mot hostile. Dès le départ l’auteur construit son titre autour de cet environnement hostile. Il ne s’agissait pas de nous dire qu’au Nord du Canada il fait froid, mais peut-etre que ce titre délaisserait les arguments supérieurs au placard ( exemple : réalisme,…) pour savourer le quotidien d’un de ces chercheurs d’or.
[spoiler]L’intelligence de Chabouté réside en plusieurs points précis. Tout d’abord dans cet emploi de l’hostilité environnementale à la fois insidieuse et quotidienne qui façonne bien plus que des coupes du monde de la satisfaction ; mais aussi ,en plus, en partant d’un global pour en venir à l’intime entre le lecteur et l’aventurier avec des termes comme : « mon ami » puis pour en revenir à cette globalité ( j’ai beaucoup apprécié cela ! ce yoyo malin).
Deuxièmement dans un cheminement plus général : celui du feu visible qui jalonne et ponctue le récit mais aussi le maintient d’une voire plusieurs flammes d’espérances psychiques permettant de garder l’esprit en alerte ( la morale du vieux gars de Sulfur Creek !), et toute sa lucidité. Le jeu de la chaleur de Chabouté est donc double : à la fois humaine et animale, mais aussi technique ( faire un feu, fumer.). Le feu fait partie de ces éléments qui captive la conscience tout en apaisant ! ! ! Une connaissance qui permet, ici, de s’en sortir parce qu’un monde hostile à la vie ne veut pas dire sans vie. Bref et en d’autres termes un savoir basé sur des gestes précis qui sauvent et entretiennent…la vie.
Autre point important c’est celui des voix. Une voix off importante, une voix intérieure très présente mais par contre pas un son audible. Un titre mutique quoiqu’en dise les mutiques qui se trompe de mutisme. Dernière petite subtilité de la part de Chabouté que je situais mal avant ce titre, c’est sur la ( grande !) question de l’inexorable, car on aurait pu craindre que le titre se termine sur une mort totale. Pas du tout ! Meme si l’aventurier obtient la sérénité dans une mort lente, le chien qui le suivait est encore vivant. Une petite malice qui suffit à ne pas terminer son titre sur une mort plombante trop facilement répandue.
C’est parce que Chabouté s’attarde sur l’environnement quasi monochrome, les gestes ( une très grande précision, je le rappelle !), les mouvements, et les pensées du jeune aventurier qu’il réussit son pari de nous transporter dans une région très isolée de la fin du 19 eme siècle. Bravo à Chabouté, un auteur terriblement doué, pour avoir su réadapter et remoduler la nouvelle de Jack London en BD. Une belle adaptation fine et malicieusement humaine totalement incompatible avec une monstruosité trop lisse ou supèrieure. [/spoiler]
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Mieux vaut être un crétin qui baise qu'un génie qui se masturbe.--Jean Yanne