de jolan » 26/12/2023 18:46
Le Détroit de la faim – Tomu UCHIDA – 1965
Au début, j'ai eu très peur de me taper trois heures de film avec ce jeu grossier et outrancier, le fameux jeu à la japonaise que je déteste tant (habituellement pour représenter des samouraïs, des brigands, des brutes, bref des hommes, ici pour identifier des voleurs et meurtriers). Mais fort heureusement, on ne les voit que dans les toutes premières minutes et vont disparaître rapidement. Se développe ensuite un long récit, qui s'étale sur plus de dix ans, en trois phases très distinctes. Car nous avons en fait trois films en un, d'à peu près une heure chacun.
D'abord les événements de cette journée de septembre 1947 lors du typhon, avec le vol, l'incendie, les meurtres, puis la fuite en bateau des trois brigands. Puis l'enquête sur les corps repêchés inconnus. J'avoue que là, j'étais un peu perplexe. Sont tous crétins ou quoi ? C'est quoi cette enquête sans intérêt auquel le vieux flic ne pige rien, et qui semble tenir lieu de trame principale ? Si on doit se taper tous les errements de l'enquête qui part dans tous les sens pour rien, ça va être d'un ennui colossal. Fort heureusement, là encore, on montre quelques balbutiements, puis on passe à la deuxième partie, ma préférée.
Nous retrouvons le gentil brigand, seul survivant de cette nuit morbide, qui revient peu à peu à la vie, et rencontre une jeune geisha qui tombe immédiatement amoureuse de lui. Il s'enfuit, lui laissant une grosse somme d'argent, et nous suivons ensuite le parcours de la demoiselle pendant quelques temps. J'ai beaucoup aimé cette structure narrative qui bifurque d'un personnage à un autre. Cette partie permet de découvrir plus en détail le Japon de l'immédiate après-guerre, en pleine reconstruction, avec ses différentes strates et classes sociales entremêlées, avec en arrière-plan de petits rappels des événements et remous politiques d'alors. C'est ce fond général, cette description, cette ambiance, qui m'a le plus intéressé, bien plus que l'enquête, qui occupe la troisième partie, dix ans plus tard, et qui n'a que très peu d'intérêt, et dont on ne saura pas beaucoup plus, nous faisant lanterner sur des détails pendant des heures pour rien.
Côté réalisation, c'est assez disparate. A la fois il y a de très jolis plans, sur la campagne, la ville, le pays, de beaux décors, de beaux cadres naturels dans un somptueux noir et blanc, mais aussi quelques mouvements de caméra chaotiques – alors qu'ils sont d'une simplicité folle - lors de scènes qui ne le sont pas (scènes de dialogues dans les différents commissariats, à la source thermale, la manifestation en arrivant à Tokyo), le plan le plus ambitieux (le travelling par-dessus les toits, quand elle fuit la police) étant paradoxalement plutôt réussi.
Sinon, belle prestation des acteurs, à commencer par la petite Sachiko Hidari, très enfantine et émouvante, et le bourru Rentarō Mikuni, renfermé et meurtrier pour je ne sais quelle raison - il ne semble pas le savoir lui-même - mais fondamentalement bon. A la fin, j'étais amusé de retrouver (et de découvrir en fait) l'acteur Ken Takakura (que j'avais découvert en fin de carrière dans « Black Rain », puis plus tard dans « Yakuza », qui a dû beaucoup inspirer Ridley Scott).
Ayant passé un très bon moment devant cette belle découverte, ce sera un poil au-dessus de la moyenne.
12/20
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