Gaultier: marrant ton avis, car je ne m'y retrouve pas du tout
Comme j'ai écrit une critique élogieuse de cet album je me sens un peu obligé de répondre:
J'ai l'impression en revenant sur les dessins de crève coeur que tout s'est fait dans l'urgence, dessins imprécis, justes esquissés par endroits, décors souvent absents ,quelques décors ( les vues de toits) noyés par trop de traits pour cacher...cacher quoi ? mains définies par triangle de construction, cases floutées, couleurs d'appoint, blanchies.
L'impression d'urgence, de rapidité c'est ce qu'on trouvait déjà dans le "canard qui aimait les poules"; mon sentiment est que Nine adopte pour chaque bd un style de dessin en fonction du projet: ici il est dans la même optique qu’un Sfar et ses recommandations quant au dessin "narratif" qui ne cherche pas à faire "beau" (je reprend ses termes mais ça ne veut pas dire que je partage son opinion). Ce que tu relèves comme étant des défauts, moi je trouve que c'est au contraire ce qui fait la force du dessin de Nine sur cet album. Nine c'est un virtuose de l'imprécision (c: L’impression de flou par exemple, c’est quelque chose d’assez fascinant (et là je parle bien de son dessin, pas du rendu de l’album altéré par la mauvaise repro). En reparcourant l'album je trouve qu'il a donné le ton juste, en en faisant suffisamment, sans toutefois tomber dans l'excès de soin. Ce qui saute aux yeux c'est l'extraordinaire fluidité du dessin qui "coule" littéralement du début à la fin: ne pas oublier qu'on est dans une histoire au rythme assez soutenu, on est pas dans un album "contemplatif".
S'il y a une scène assurément moins réussie que les autres je dirais que c'est celle du cachots qui tombe parfois dans un manque de netteté. Mais je trouve toutes ses architectures prodigieuses: pages 21, 41, 43, comme les recherches de costumes (par exemple les gardes en bas de la page 9), ou même sa manière de dessiner les meubles comme s’il s’agissait d’êtres vivants.
En ce qui concerne l'abondance des traits je ne pense pas que cela ôte à la lisibilité, au contraire, son tour de force c'est de faire surgir un dessin "lisible" avec mille traits. Dans son "Gesta Dei" chez Amok on retrouve beaucoup d'illustrations qui procèdent de la même manière. Enfin, je ne pense pas que l'univers Donjon l'ait bridé, pas vraiment quand on voit la liberté avec laquelle il s'est réapproprié tant les personnages (je pense à Jean-Michel qui prend ici une autre dimension), que l'univers de la ville d'Antipolis qu'on n'avait jamais vu et qu'on ne verra plus jamais ainsi !
En ce qui concerne les couleurs en revanche je suis d'accord: elle contribuent à structurer le dessin, à lui donner du volume, à distinguer les différents "plans". Mais le n&b serait intéressant à voir tout de même.
En définitive, qu'aurais-tu espéré que Carlos Nine fasse dans cet album et qu'il n'a pas fait
En ce qui me concerne je n’aurais pas aimé un Donjon réalisé entièrement dans le style de la couverture, ça m’aurait semblé de la virtuosité déplacée …