de sixpieds » 02/02/2008 10:46
A propos de ROBERTO
Quelques extraits d'un entretien avec Edmond Baudoin à propos de son ouvrage Roberto :
"Il y a si longtemps que les questions du racisme pourraient êtres réglés en France et dans le monde. Pourquoi le racisme intéresse tellement les dirigeants. Pourquoi ? J'ai eu envie, quand on m'a proposé de faire ce livre -parce que c'est l'éditeur qui m'a proposé de faire quelque chose la dessus donc c'est pas une idée de moi au départ, c'est une idée qui vient même de plus loin que l'éditeur. Mais comme les choses se sont noyés dans je ne sais combien de chemins bizarres, on va dire que c'est venu de 6 Pieds sous terre. et il fallait le faire vite. Des fois, dans l'urgence, surtout sur quelque chose comme le racisme... pourquoi pas que ce soit dans l'urgence ? parce que c'est un truc qui me met tellement en colère, qui me met une telle haine. Ça intéresse tellement nos gouvernants que ça continue d'exister que oui peut-être il faut le faire très vite.
Ça me semble important que ce livre existe, vraiment. C'est bizarre, ça veut pas dire que j'aurais pas pu faire mieux, là tu parles pas de mon contentement à le faire. je suis fier de l'avoir fait. Je suis fier qu'on me l'ai commandé à moi."
"Dans ce livre je dis vraiment ce que je pense, j'ai vraiment été moi-même et ça me semblait important de la faire. C'est un livre qu'il faut défendre. Roberto c'est mon idée de comment nait le racisme. Au fond, je suis Roberto."
"L'entretien de la haine, c'est une manière de nous gouverner, de nous séparer les uns des autres, de nous dresser même, les uns contre les autres. Il y a toujours urgence de dire les choses. Plus il y aura de gens conscients que l'autre n'est pas notre ennemi et qu'on ne le flingue pas dans la rue comme ça, peut-être ce sera bien. Il y a toujours urgence à essayer de comprendre le monde.
"Je constate que l'histoire de Roberto fait peur. L'histoire qui explique le Racisme au monde fait peur."
"On te dit que tu n'es rien, on te dit que tu ne sers à rien. On te dit qu'on n'a pas besoin de toi. On te dit quand tu travailles que tu es nul, que tu travailles mal. Comment faire ?"
Je voulais raconter une histoire et je n'avais qu'une trentaine de pages pour ça. C'était l'histoire de Roberto, le chemin de sa vie. Roberto était un enfant d'immigré italien. C'est véritablement une saga que je souhaitais raconter : Il est enfant, devient grand, se marie... et je voulais raconter aussi des jeunes gens d'aujourd'hui, mettre la vie de ses trois jeunes gens dans la même histoire ; mais c'était impossible, il m'aurait fallu bien plus de trente pages. Alors comment faire ? Il me fallait vraiment trouver quelque chose. Il fallait que ces jeunes gens puissent dirent leur vie en quelques mots. Mais qu'est-ce que je viens les embêter ? Autant Roberto aurait aimé répondre à des questions, autant les jeunes gens, ils n'aiment pas ça."
"Une fois, j'étais avec quelqu'un dans la rue, et je ne savais pas ce que c'était le slam, je demande : 'Qu'est-ce que c'est cette histoire de Grand Corps Malade ?'. Un jeune homme m'explique que c'est comme de la poésie parlé. Je n'avais jamais entendu ça moi, alors je me suis dit : 'Voilà, je vais faire comme ça, je vais raconter de cette manière-là'. Voilà l'idée du slam pour moi dans l'histoire de Roberto.
Dans la création, quand on fait quelque chose, on est devant un problème et il faut résoudre ce problème et ça c'est fabuleux : trouver la solution pour résoudre le problème.
Je ne crois pas que la création passe, par exemple, par quelqu'un qui sait dessiner parfaitement... il ne va jamais rien faire de bien. Van Gogh ou Cézanne ont changé la peinture du monde parce qu'ils ne savaient pas peindre ni dessiner. Et c'est parce qu'ils ne savaient pas, qu'ils avaient du mal et se sont accrochés. Si l'on a du mal et qu'on se dit, comme les enfants se disent: 'J'arrive pas à dessiner alors j'abandonne le dessin', alors c'est foutu. Mais si on ne sait pas et qu'on s'accroche, qu'on veut, alors on devient celui qui va tout changer parce que justement 'on sait pas', on arrive pas. Et tout les jours on revient sur le même instrument, on essaye de comprendre comment ça marche et on change le monde. Et bien c'est comme ça, il me restait quinze pages et je ne pouvais pas raconter l'histoire de ces gamins en quinze pages. Si tu peux pas, tu peux pas. Et alors, comment je fais ? Si tu veux le faire, il faut que tu trouves une solution, qui fasse que les gens disent : 'Qu'est-ce qu'il nous fait là ?'... Mais c'est juste parce que je suis incapable de faire autrement, car je n'ai pas les pages qu'il me faudrait pour le faire. Et là, le slam, c'était la solution."
L'ensemble de l'entretien constitue la bande-son d'une exposition sur Roberto qui voyagera dans des médiathèques de l'Hérault en 2008.