La question de la commercialisation des originaux au Japon est compliquée, parce qu'il n'y a pas de tradition de vente au Japon. Pour Tezuka, par exemple, il n'y a pas officiellement de planches sur le marché, celles qui s'y trouvent sont soit volées, soit perdues (car confiées à des assistants pour entraînement, par exemple). Je pense que c'est la même chose pour Mizuki.
Pour expliquer cette "tradition" différente, on avance souvent l'argument des impôts et des droits de succession: tant qu'aucune planche n'est vendue, la valeur de l'héritage reste indéfinie. Sinon, il y a aussi l'idée qu'un auteur forcé de vendre ses originaux est dans la dèche, et que donc c'est une solution de dernier recours rarement utilisée. Enfin, il y a aussi le fait que, comme partout dans le monde, les originaux n'avaient aucune valeur pendant longtemps: durant la période des librairies de prêt (kashihon, de la fin de la guerre à 1964, en gros), les auteurs donnaient leurs originaux en échange du paiement, ou distribuaient les planches en guise de cadeau. Léopold Dahan, avec qui j''étais commissaire de l'expo Mizuki, racontait que dans les premiers Garo, on trouvait des inserts du genre "renvoyez cette carte postale et recevez une planche de Shirato Sampei en retour".
Des collectionneurs japonais m'avaient indiqué qu'effectivement la principale raison était cette idée de déshonneur de vendre ses originaux. Puis celle d'un intérêt tardif des collectionneurs. Je suis toujours surpris par le faible prix des planches des grands dessinateurs japonais. A la fin des années 2000, nous n'étions que 2 ou 3 en France à s'intéresser aux planches japonaises, et les prix étaient vraiment très faibles (ils le sont encore mais moins) par rapport au franco belge.