Monde radicalement nouveau interdisant toute orientation, voie de retour incertaine, et rencontre avec une première faune insulaire "mauvaise", au réveil comme au contact : le lecteur avait laissé l’expédition Adamson dans une situation plutôt "délicate"...
Et les puissantes gerbes d’eau qui viennent désormais encadrer à coups redoublés le navire la font virer au "positivement catastrophique" : le Reich allemand possède ainsi un autre accès, l’ennemi déterminé de l’Ancien monde semble vouloir l’être aussi dans le Nouveau, le bateau est une unité de guerre, qui ,pour finir, semble avoir été expressément dépêchée pour couler l’expédition de nos amis…pourtant organisée dans le plus grand secret…
Tandis qu’en Angleterre un fermier parti chercher une vache trouve un U-Boat et la mort, qu’à Londres une porte rend nécessaire d’élargir les accès aux dimensions des canons et que des soupçons d’espionnage sont hautement ignorés, dans l’autre monde, Adamson et son équipe d’aventuriers doivent déployer tous leurs talents pour échapper à la traque. Mais si la ruse et la chance permettent d’éloigner la menace allemande, elles ne sont d’aucun secours contre la diminution des réserves d’eau douce ; et nos héros d’embarquer à bord de canots en direction d’une des îles de l’archipel, déterminés à se ravitailler, quitte à traverser la cité qui s’étend devant eux…
Indéniablement, le scénario constitue l’élément le plus solide de ce tome 3, en dépit de quelques rares imperfections :
S’agissant des aventures dans l’autre monde tout d’abord, le lecteur voit sans surprise mais sans ennui le scénariste réutiliser tous les archétypes du genre « aventure maritime en contrées étrangères » présents par exemple dans Barbe-Rouge : apparition du « navire ennemi impitoyable » se livrant à une traque acharnée fort d’une supériorité à première vue évidente (blindage, portée de l’armement), recours des héros à l’astuce pour compenser le déséquilibre apparent des forces (il faut saluer à ce propos l’ingéniosité du scénariste, qui laisse le lecteur plonger dans le même état d’attente perplexe que le reste de l’équipage, entre le moment où le pilote sans en dire plus réclame d’arrimer une torpille à l’avion jusqu’au dénouement inattendu), mise à profit du relief pour se faufiler, urgence de l’aiguade avec nécessité de débarquer et affronter de nouvelles aventures, apparition de la cité abandonnée.
Les dialogues sont enfin très agréables à lire, bien écrits, mettant en valeur chaque individualité, chaque caractère de l’équipage, toujours nécessaires sans être fastidieux.
Si certains effets sont particulièrement efficaces (cf les deux premières pages : le navire en pleine première page fait croire que la scène se déroule sur terre puisque le navire d’Adamson est normalement le seul présent dans le nouveau monde, d’où, à la seconde page, le désespoir joyeux du lecteur : « Un navire de guerre là-bas…là…. ça sent le sapin, comment vont-ils s’en sortir ? » ), certains semblent un peu ratés :
- Saut du monstre marin. Le fait de le voir avant son saut enlève à mon sens tout effet de surprise et de danger invisible mais omniprésent que pouvait exprimer l’irruption de la bête. Voir, comme l’équipage, la bête sauter, sans signes annonciateurs, « comme ça », aurait sans doute été plus « impressionnant ».
- Navire qui se faufile dans le passage de la falaise : l’épisode est trop court, et si la manoeuvre est certainement risquée du fait de la faible largeur, de la longueur considérable, des écueils à frôler, on ne le ressent à aucun moment, ce qui est dommage : la scène mythique du « franchissement » se réduit à la rapidité banale d’un passage de tourniquet de métro.
S’agissant des aventures dans « notre » monde, le scénario est tout aussi agréable. A côté de certaines situations archétypales parfaitement bien traitées (le-pauvre-gars-qui-n’a-rien-demandé-à-personne-et-qui-déboule-au-beau-milieu-de-l’affaire, cinquième colonne allemande avec submersible débarquant sur la côte anglaise), d’autres passages sont plus originaux (humour sur la valeur des gentlemen de l’armée de Sa Majesté, usage original des tunnels du métro, motif de la porte).
Là encore, quelques imperfections. En fait, une seule : la scène du meurtre. La case du couteau est de trop. Alors que l’effet de surprise est total pour le lecteur (puisque l’homme sur la hauteur du fermier est l’homme au briquet au pied de la falaise, et que l’on ne s’attend pas à le voir surgir, le croyant autre part), la case réservée à la lame est inutile et sans aucun effet. A voir la tête de l’homme au chapeau, et la scène surprise par le paysan, on se doute bien que l’ustensile dégainé ne va pas être une cuillère…
Une nouvelle fois, il faut souligner l’intérêt et la vivacité des dialogues.
Si le scénario est une belle réussite, le dessin est quant à lui plus critiquable.
Parfaitement adapté dans l’ensemble, il est, à mon sens, raté par endroits :
- Pleine page 8 : le navire vu de haut est une belle horreur, et ferait presque penser à une image pixélisée mais trop agrandie par rapport à sa résolution. Cela est valable pour toutes les pleines pages. La page ultime montrant la cité est ainsi illisible.
- Secousse à cause de la torpille : là encore, le dessin n’est pas adapté pour rendre l’effet de secousse, l’onde de choc qui ébranle le navire allemand. Dessiner la passerelle au lieu de la classique salle des machines est à saluer, mais l’effet n’est pas visible.
- Scène du franchissement de l’isthme : les deux ou trois cases concernées ne permettent de ressentir aucune émotion ou tension de l’équipage soudain vulnérable dans un tel défilé, de même que le dessin est difficile à lire quand les hommes, apercevant le monstre sauter, prennent les armes dans un réflexe de défense.
- Quant aux dessins de maisons anglaises, ils sont assez bizarres. Le chaînage d’angle par exemple fait vraiment « peinture approximative à gros points ».
- Certains visages ont un traitement « réaliste » qui fait « bizarre ». Cf le sous-marinier.Visage trop réel par rapport aux autres visages?
Mais ces points négatifs sont-ils cependant à reprocher au trait ou à la mise en couleur?
En conclusion, une Bd d’aventures fantastiques particulièrement divertissante, au style enlevé, riche en rebondissements, aux héros hauts en couleurs : indispensable à lire, en dépit d’un dessin assez particulier qui pourrait cependant à terme menacer la qualité de l'ensemble.
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Joker je réponds, les intelligents aussi, les trolls ben en fait comment dire, allez sucer des courgettes.
Fred Dewilde, auteur.