de TILLIERTON » 23/10/2014 09:43
Une relecture s'avère forcément nécessaire tellement les illustrations sont nombreuses et pour mieux saisir le propos. Les désastres de la guerre de Goya et autres chefs-d’œuvre de l’art occidental élevés en modèle de crimes, il fallait oser… Mais c’est un excellent moyen de faire le tour de l’histoire de l’art ou de la littérature: il y a énormément de références citées ou dessinées dans le décor, reproductions ou couvertures de livres. Je pense aux Chants de Maldoror, de Lautréamont, qui apparaissent dans les mains du personnage principal, Enrique. L’album est aussi une bonne critique du monde universitaire, les rivalités au sein des départements, les colloques aux titres pompeux (ce qui n’est pas sans rappeler David Lodge), sans oublier, contexte basque oblige, une dimension politique (peut-on absoudre l’ETA ou pas ?). Le dessin en noir et blanc avec des " touches " de rouge sert bien le propos. Les touches/éclaboussures peuvent aller de la pomme ou de la boule rouge d'un logo à un tableau (que l'on peut qualifier de "performance criminelle")sanglant.
Le titre mériterait l'ouverture d'un sujet à lui tout seul. Grande richesse dans la narration ainsi qu' au niveau du graphisme et des couleurs de Keko ( mélange du noir pour le réel et du rouge pour le fantasmé). Chaque case mérite une analyse approfondie et le propos est riche en références multiples et aux comics. Il s'agit d'un polar et le personnage principal se retrouve confronté aux conséquences du Maccarthysme en vigueur dans les années 50 aux Etats-Unis et qui trouvent leur ramification jusque dans l'époque actuelle. En allant plus avant, et par une lecture plus attentive, on comprend que celui-ci est victime d'une machination fomentée (c'est mon interprétation) l'empêchant de faire des révélations dérangeantes et cela se traduit par des hallucinations dues aux substances à visée neurodysleptique qu'on lui a fait absorber à son insu. Son délire lui fait associer le temps présent/réel avec les nombreux pôles d'intérêt de ses recherches professionnelles, sa vie intime et ses obsessions existentielles. Le point final est remarquable puisque les pièces du puzzle se rassemblent à ce moment et un examen attentif de la photo exhibée révèle la vérité en nous obligeant à revoir notre jugement qui a pu être mal orienté. Exigeant et essentiel