Merci... Après cette indispensable petite mise au point,
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on va pouvoir parler "En long, en large et en travers" de cette nouvelle tentative d'adaptation en BD de San-Antonio.
Celles au cinéma (Guy Lefranc, Joël Séria et Frédéric Auburtin) furent plutôt médiocres : quatre films (mais trois réalisateurs seulement) étalés de 1966 à 2004.
Celui de Joël Séria (1981) pourtant auteur d'un magnifique "Les galettes de Pont-Aven" avec JP Marielle) et celui de Frédéric Auburtin (2004) avec Lanvin et Depardieu furent calamiteux et méritent de figurer en bonne place au panthéon des nanars.
En gros, pour ce qui est de la BD, ce devrait être la troisième tentative après :
1 - celle d'Henry Blanc (strips quotidiens dans Nous sachons dans les années 60) ; un album chez Vent d'Ouest dans les années 90
2 - et celle de l'éditeur historique, le Fleuve Noir, spécialisé dans le roman de gare.
Ce travail fut confié aux bons soins d'Henri Desclez (animateur d'un studio dans les années 70 et fondateur des éditions Rossel) pour le dessin et de Patrice Dard, fils de l'auteur de la saga, pour le scénario.
On peut d'ores et déjà dire que le départ de Franz, alors débutant et inconnu du public (Jugurtha, Lester Cockney, Poupée d'Ivoire, etc...) mais qui claque assez vite la porte du studio Desclez, sera préjudiciable à cette adaptation.
Patrice Dard était un débutant dans l'écriture de scénarios BD. A cette époque, il avait à son actif l'écriture de plusieurs romans policiers non publiés (dont un écrit à 17 ans) sauf un, d'assister un chibani du roman de genre Gilles Maurice Dumoulin dans l'écriture de la série Vic St Val.
Il avait également participé à l'adaptation (avec le même Gilles Dumoulin) du second film transposant à l'écran les aventures de San-Antonio, "Béru et ces dames" (avec Gérard Barray et Jean Richard au casting), film réalisé par Guy Lefranc tout comme le premier sorti en 1966 sous le titre "Sale temps pour les mouches". Ce long métrage est sorti en salles en 1968 au moment où la popularité du personnage atteignit son apogée pour s'y maintenir quasiment jusqu'au milieu des années 80.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que ces adaptations pour le grand écran n'ont pas laissé un souvenir impérissable chez le spectateur, même s'il s'en dégage un certain charme désuet, à la différence des deux navets postérieurs.
A qui la redoutable tâche des scénarios de la BD dessinée par Sanlaville a-t-elle été confiée ? Redoutable, parce qu'outre les difficultés inhérentes au genre (maîtrise de l'écriture séquentielle, découpage, sens du rythme, rigueur du récit même faintaisiste, etc...), un des obstacles de l'adaptation de San-Antonio (au cinéma ou en BD) provient de la distance qui sera nécessairement prise avec la prose riche et colorée de l'auteur. Ce qui intrigue ou amuse le lecteur d'un roman, ce qui le fait réfléchir, ce qui le séduit, peut s'avérer navrant et complètement plat transposé à l'écran ou dans les vignettes d'une BD.
Est-ce que ce travail est revenu à Patrice Dard ?
C'est peut être souhaitable, car malgré les défauts des premiers films et des albums où son nom apparaît, l'échec ne lui incombe pas totalement. Dans ces projets anciens, il n'avait certainement pas les coudées franches et était par ailleurs un novice. De l'eau a coulé sous les ponts, depuis.
Patrice Dard est imprégné des personnages depuis son adolescence.
Par ailleurs, il possède une solide expérience tant de l'écriture romanesque (son premier roman — ce sera le second en termes de parution — fut publié en 1973 sous pseudo, plusieurs années après son écriture, aux éditions Rossel dans une collection dirigée par A.P. Duchâteau, le père de Ric Hochet) que de celle de scénarios (dessins animés, séries télé, films) ou de pièces de théâtre.
Il vient d'arrêter l'écriture des "nouvelles aventures de S.-A.", lesquelles constituaient une poursuite de la saga depuis le décès de son père, en 2000. Il serait donc disponible pour un tel travail.
Ce n'est donc pas mission impossible, mais l'exercice relève de la gageure. C'est un travail d'équilibriste sur un fil.
Après les échecs successifs au cinéma, certains pensent que toute tentative à l'écran serait vaine et vouée à l'échec. Je ne partage pas cet avis, même si en termes de probabilités, les risques de se planter sont immenses. Mais je crois surtout que tout le monde était jusqu'à présent passé à côté, ce qui n'est pas la même chose.
Je pense que le ton et l'esthétique qui auraient pu convenir à l'écran (au cinéma comme à la télévision) pour y faire vivre le petit monde de San-Antonio est proche de celui adopté par les talentueux auteurs de la série télé des "Petits Meurtres d'Agatha Christie". Série fantaisiste et absolument non fidèle à oeuvre s'il en est (la mère d'Hercule Poirot doit se retourner dans sa tombe), mais exquise, jubilatoire et très agréable à suivre, portée par de brillants interprètes.
![Bravo [:flocon:2]](./images/smilies/flocon2.gif)
Samuel Labarthe (de la Comédie française) qui, en commissaire Laurence, conduit avec "Avril" une jeune journaliste portant fièrement les valeurs féministes, les enquêtes habituellement dévolues au détective belge Hercule Poirot ou à la paisible Miss Marple, aurait à mes yeux représenté une incarnation du commissaire San-Antonio très convaincante.
Et je pense que pour le média BD, la transposition, tout aussi délicate, peut également être couronnée de succès. Ce n'est qu'une affaire de talents et d'originalité ; mais ça n'est pas pour autant une mince affaire !...
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