Oui, en gros c'est bien cela, Morti, tu as parfaitement résumé.
Pour le nombre de romans mettant en scène le commissaire, Frédéric Dard en a officiellement écrit 175 dans la série officielle, plus neuf romans hors-série grand format dont certains ont été illustrés par Dubout ou Roger Sam.
Parmi les romans préférés de Sanlaville d'après l'interview, on retiendra "Les Con" ou encore "Béru et ces dames" (illustrations de R. Sam). Ce dernier titre avait été adapté a l'écran par Guy Lefranc avec Gérard Barray, Jean Richard et Paul Préboist. Mais si la lecture du roman est hautement jubilatoire, on peut se dispenser de voir le film. Selon Sanlaville, la taille des romans hors-série (certains sont de vrais pavés) constitue un obstacle pour une adaptation en BD.
Sur l'ensemble des romans signés Frédéric Dard, la majeure partie publiée au Fleuve Noir (de 1950 à 1976) relève en effet du genre policier, pris dans sa plus large acception (espionnage et fantastique inclus) même si parfois le lien est ténu. Beaucoup de ces romans sont essentiellement des récits basés sur un suspense psychologique.
Mais les premiers romans écrits par Frédéric Dard sous son nom, dans les années 40, n'étaient pas forcément des romans policiers.
En parallèle, toujours dans ces années 40, Dard, pour la presse écrite a écrit sous son nom ou sous des pseudonymes variés (comme l'avait fait auparavant Georges Simenon, le premier modèle de l'auteur) des écrits courts en tous genres : articles, chroniques, contes, nouvelles, critiques littéraires et cinématographiques, etc...
Le premier pseudonyme de Dard semble être Fred Dysert (une découverte à mettre au compte de Lionel Guerdoux et Philippe Aurousseau) pour une courte nouvelle policière publiée en août 1939 dans l'hebdomadaire de bandes dessinées Jean-Pierre (une publication Disney). Ce texte, légèrement remanié et retitré "Le monocle" sera à nouveau publié sous le nom de l'auteur dans la revue "L'an 40" (en juillet 1940) ainsi que sous le pseudonyme Frédéric Charles dans la revue humoristique légère "Oh !" (en 1949).
Mentionnons une tentative avortée de BD, en 1943, avec le début d'un scénario pour "Les aventures d'Isidore Boutonnet", dont le dessin devait être confié au dessinateur-peintre-sculpteur Paul Philibert-Charrin.
Après quelques planches, ce projet restera sans suite du fait de la réquisition du dessinateur par l'occupant nazi, l'infortuné dessinateur étant expédié en Autriche dans le cadre du S.T.O. (service du travail obligatoire).
En revanche, de cette expérience, Philibert-Charrin publiera en 1946 un ouvrage préfacé par F. Dard.
Ce dernier, en tant que scénariste d'Isidore Boutonnet réalisa un véritable découpage, esquissant chaque future vignette avec des dessins sommaires et le texte sous chaque dessin. Cela constituait déjà un brouillon de BD sur lequel le dessinateur pouvait se baser pour son travail graphique. On ne connaît à ce jour que l'équivalent de huit strips de trois cases grâce au travail de chercheur effectué par Lionel Guerdoux et Philippe Aurousseau. Ces strips sont tous reproduits dans leur ouvrage "Berceau d'une oeuvre Dard" et sont accompagnés du scénario original
dessiné par F. Dard.
http://www.toutdard.fr/book/berceau-dune-oeuvre-dard/Pour revenir aux BD que Sanlaville se propose de réaliser, ce dernier a prudemment choisi de débuter par un roman où hormis San-Antonio et Bérurier, n'apparaissent pas les autres protagonistes constituant la grande famille qui évolue dans l'entourage du fameux commissaire. Cette attitude est intelligente. En se limitant au minimum, Sanlaville se réserve ainsi la possibilité de travailler sereinement l'apparence physique des autres personnages importants, sans se précipiter. Par ailleurs, il n'a pas voulu courir le risque de louper pour ses débuts un bouquin plus réputé de l'écrivain. D'où son choix d'un roman lambda.
Dernier point : que ceux qui trouveraient les scènes légères de ces Gones un peu soft, se rassurent. Sanlaville n'entend pas en rester là, ni s'auto-censurer. Considèrant que la BD est le dernier média dans lequel on peut tout raconter et tout montrer, il avoue avoir très envie de cultiver l'exagération par la suite. Donc, patience... Si le succès est au rendez-vous de ce premier titre, Sanlaville n'hésitera pas à s'attaquer à des oeuvres plus ambitieuses ni à se lâcher complètement. C'est ce qui ressort de l'interview déjà évoquée.