Acheté et lu. Une bonne impression après cette lecture, avec quelques réserves.
On sent une réelle volonté éditoriale de s'adresser à un public peu adepte de la BD adulte/alternative, chaque histoire est précédée d'une courte notice biographique qui explique en quelques lignes ce que recherche l'auteur. Le mot adulte est ici très important, par les thèmes traités ( sexuels notamment ) et car il s'agit de son public cible, il ne s'agit pas de la BD destinée aux lecteurs de 7 à 77 ans, mais bien d'un public adulte qui cherche dans l'art un moyen de traiter de questions à propos du rapport à soi, aux autres, au monde. Un public qui a parfois délaissé la BD au profit du roman et du cinéma, le but de cette revue étant de leur démontrer la capacité de la BD à traiter de ces problèmes, tout en conservant sa spécificité, c'est-à-dire la capacité à s'adresser à une part plus inventive, plus enfantine du lecteur grâce à la force visuelle des histoires et leur côté faussement naïf.
Pour le contenu en lui-même, il est très varié. Il n'y a pas de cohérence thématique, ni stylistique, ni narrative. Une histoire peut traiter de l'antiquité, la suivante d'aujourd'hui, une autre d'un monde indéterminé. Certaines histoires se développent de manière classique, en racontant un épisode de vie, d'autres sont davantage proche de la libre association d'idées et laissent beaucoup de place à l'interprétation du lecteur. On passe d'une narration à l'aide de phylactères classiques à des histoires dépourvues de bulles, l'une est une succession de cases sans texte, l'autre au contraire un texte illustré. A ce niveau-là, il n'y a pas de miracle, certaines histoires laisseront de marbre, d'autres seront plus stimulantes. Je ne crois pas qu'il y ait un réel intérêt à ce que je critique chaque histoire, ça marche ou ça ne marche pas, soit ça évoque quelque chose dans notre parcours de lecteur, soit rien du tout. La boite de pandore de Mangin, Toulhoat et Bajram m'a par exemple plu, j'ai apprécié l'imbrication de ces deux récits en si peu de pages, et cette évasion du lecteur n'est pas sans rappeler ce que cherchait à transmettre Moebius quand il essayait d'illustrer ce qu'est créer. Les auteurs choisis sont connus, mais les histoires composées sont récentes et inédites en français ( c'est en tout cas ce qu'avance la revue ), bref il ne s'agit pas d'un catalogue de classiques de la BD alternative, mais plutôt d'un état des lieux des différentes possibilités graphiques et narratives que la BD explore aujourd'hui. Les histoires courtes sont complètes, certaines possèdent une vraie chute, d'autres ont une fin plus ouverte, mais il n'y a pas d'affreux cliffhanger pour vous faire acheter la revue suivante
Pas de grosse déception en soi. Toutefois, je me demande si une telle absence de cohérence ne sera pas préjudiciable au fil des volumes pour cette revue. Le rythme de publication est heureusement bien choisie, un volume qui paraîtrait plus régulièrement avec une pagination plus faible donnerait trop l'impression d'une revue qui ne sait pas choisir ce qu'elle veut. Mais va-t-on vraiment s'attacher à une revue qui manque à ce point d'identité, qui semble n'être qu'une compilation ? Faire un état des lieux de diverses tendances deux fois par an me semble une bonne idée, mais sauront-ils faire les bons choix éditoriaux sur le plus long terme ? Pour le moment, on puise tout de même dans des noms installés ( parfois inutilement ronflants, personnellement je ne vois pas bien l'intérêt de l'unique planche de Spiegelman ), il faudra bien remplir chaque semestre 250 pages, une impression de répétitivité et de non-innovation serait fatale, donc il faudra dénicher des auteurs moins connus, et que cela forme un tout innovant et vendable capable d'intéresser à la fois le lecteur de BD, mais aussi donc ce lecteur adulte non-bédéphile. Autre grief, la couverture sans doute, que je ne trouve pas spécialement recherchée. L'allusion à ce fameux épisode entre le bloc Ouest et Est est amusante, mais cela ne va pas plus loin. Je trouve qu'elle participe à ce manque d'identité de la revue, elle ne parvient pas à définir ce qui va se trouver à l'intérieur, le slogan est bof et sans réel rapport à une quelconque identité à nouveau, à nouveau l'impression de compilation fourre-tout domine. La maquette intérieure est également très neutre, les histoires sont simplement imprimées et introduites par la courte notice. Evidemment, ce n'est que le premier numéro, et certains reproches sont précisément ce qui s'élabore au fil des volumes.
Bref, plaisante lecture, j'ai apprécié la majorité des histoires, mais je ne me suis pas spécialement encore attaché à la revue en soi. Prochain numéro en automne 2016, histoire de voir si Pandora parvient à imposer son style, à naître au milieu de ce fourre-tout