Pax Romana ne comporte bien qu’un seul tome, composé de quatre chapitres.
Dans Pax Romana, Hickman est à la fois scénariste et dessinateur.
Ce fut, avec Nightly News, la première BD publiée de Hickman. Il se fit remarquer du public et de la critique, ce qui lui a ouvert les portes de la Marvel. Aujourd'hui, même s’il continue à produire de jolies choses pour Image (East of West), il signe des runs brillants sur Nick Fury et ses Secret Warriors, Les Fantastic Four et actuellement sur les Avengers.
Certains critiques reprochent à l’auteur, d’être, dans Pax Romana et dans l’ensemble de son œuvre, trop nébuleux, trop verbeux, trop « intello », trop prétentieux. D'autres le considèrent comme un génie.
Effectivement, son approche de l’art séquentiel est différente de celle de Bendis ou de Johns plus portés sur le spectacle. Hickman aime les ellipses, les dialogues longs, les appendices, les dissertions, au risque de larguer le lecteur qui ne suit pas avec une extrême attention. Il choisit délibérément une narration complexe, fragmentée proche de celle d'un roman à clefs. Bref, on l’aime ou on le déteste.
Dans Pax Romana, il utilise à merveille le thème du voyage temporel et de la reconfiguration de l’histoire, déjà utilisé dans le roman classique,
De Peur que les Ténèbres..., de Lyon Sprague de Camp, où un occidental se retrouve déjà dans l’Empire Romain vers 310. Celui-ci, afin d’empêcher les Invasions Barbares et le Moyen-Age, détruit le christianisme et donne à Rome des avancées technologiques décisives, comme la poudre à canon et des aérostats pour régner durablement sur le monde.
Dans Pax Romana, nous sommes dans une ligne temporelle différente de la nôtre, au XVème siècle.
l’Empire de Rome domine la Terre, il a conquis la lune et Mars. Le jeune empereur Constant IV est reçu par le "Pape génétique" qui va lui révéler un secret détenu par seulement trois personnes :
l’histoire humaine a été réécrite par des gens venus d’un monde futur alternatif, celui où nous vivons.
Notre monde, en 2050, est exsangue, pollué, surpeuplé, perpetuellement en guerre.
Le Vatican sentant que l’Islam va triompher du christianisme, envoie, après des hésitations, une équipe de militaires et de prêtres chrétiens, armés d’ogives nucléaires et équipés des dernières avancées techniques (dont le génie génétique), dans le passé, sous le règne de Constantin (l"empereur qui fit du Christiannisme la seule religion tolérée de l'Empire), afin de rectifier l’histoire et de créer un empire chrétien et catholique éternel.
Seulement voilà, tous les membres de la mission ne partage pas cette vision des choses.
Que faire ? Favoriser la seule foi catholique ou bien chercher, afin d’éviter les guerres de religions et les massacres, à unir toutes les croyances possibles en une seule Eglise ? Faut-il prendre le pouvoir directement à Rome en renversant les Empereurs, ou bien ne faut-il que conseiller les Empereurs légitimes ? Faut-il en écarter certains ? Etc.
Hickman, en quatre épisodes, montre comment la volonté utopiste, réelle et sincère, de l’Armée Eternelle, venue du futur, se confronte à la réalité.
Dans toute organisation humaine, il y a, en effet, nécessairement des dissensions intérieures qui conduisent à des séparations. Et, en ces temps lointains, les futuristes doivent compter avec des conflits avec les locaux stupéfaits de voir des tanks, des hélicoptères de combats et des jeeps débouler sur leurs champs de bataille…
Certes, un Empire "Eternel" sera forgé, mais Hickman est suffisamment malin pour que le lecteur s’interroge longuement : Oui, la paix mondiale existe dans cette nouvelle temporalité, oui il n’y a plus de guerres de religions, le progrès fut constant et dès l’an mil on y maitrise le génie génétique. Oui, mais à quel prix ?
N’a-t-on pas annihilé la liberté humaine en imposant par la force des croyances et des technologies futuristes ? N’a-t-on pas détruit des peuples entiers au nom de la sauvegarde de Rome et du "bien commun" ? Alors, ce nouveau temps, est-il bon ou mauvais ? Pire ou meilleur que le nôtre ? Est-ce un paradis accéptable ?
Au lecteur de trancher.
Je saluerai aussi le graphisme de Hickman qui nous offre des planches splendides, lisibles, malgré l’importance des textes.
Pax Romana, comme Nightly News, annoncé par Urban (quoique sans date) est une œuvre à voir et à lire. Mais, cela reste une oeuvre de Hickman, n'hésitez pas à aller consulter certaines pages sur Wiki ou dans votre encyclopédie préférée, relatives aux débuts du Christiannisme, à Constantin, au Concile de Nicée, aux premières "hérésies" chrétiennes, pour mieux comprendre cette oeuvre touffue.
On y retrouve déjà les thémes favoris de l'auteur, comme la critique de l'orgueil scientifique et de la rationnalité excessive (cf. Projets Manhattan ou sa vision très négative de Reed Richards dans son run Fantastic Four/FF qui veut "résoudre tous les problèmes" sans se préoccuper des conséquences morales que cela entraîne), celle des autorités constituées, celle du pouvoir qui corrompt inexorablement, etc.