LA PREVIEW, dernier livre de la trilogie :
Adrián Cuadrado est conseiller en communication du Parti Démocratique Populaire, force dominante de l'échiquier politique espagnol vouée à la corruption, aux magouilles financières, aux coups tordus, à la manipulation des consciences et des suffrages. Roi du storytelling, Adrián est l'un de ces spin doctors chargés de produire la lumière qui illuminera le meilleur profil d'un candidat, en fera un produit désirable pour les électeurs. Menteur par vocation, par profession et par nécessité conjugale, il est l'heureux détenteur d'une double vie, entre son épouse et ses deux enfants à Vitoria, et sa maîtresse torride à Madrid. Pour l'heure, sa mission est de faire entrer dans le grand bain national le jeune élu local Javier Morodo, dont l'homosexualité assumée offrira un gaywashing au Parti, trop longtemps accusé d'homophobie. Tâche élémentaire pour Adrián, que vient compliquer la découverte inopinée de trois têtes coupées de conseillers municipaux artistement conservées dans des bonbonnes en cristal. Qui est derrière ces meurtres baroques ? Quel lien les rattache à une opération autour des palais en ruine qui constellent la cité basque ? Soudain, la vie d'Adrián l'imposteur se détraque, menaçant de faire mentir sa devise, selon laquelle « le menteur est un dieu dont le verbe crée des mondes ».
Avec ce tome ultime, la très sombre « Trilogie du Moi » acquiert sa dimension finale. Celle d'une ode lovecraftienne à la ville où l'auteur vit depuis des décennies, où tous les fils se nouent, toutes les trajectoires se recoupent, tous les conflits se terminent (mal le plus souvent) pour tracer le portrait d'une Vitoria noire, gothique, mythique. Celle aussi, majestueuse, d'une cathédrale de papier dédiée à nos modernités perturbées.
Angel Molinos, docteur en psychologie et écrivain raté, basé à Vitoria comme le héros de Moi, assassin, travaille pour l’Observatoire des Troubles Mentaux (OTRAMENT), centre de recherche affilié aux Laboratoires Pfizin de Houston, qui suit l’évolution des maladies mentales et teste de nouvelles molécules sur des cobayes humains. Sa mission est d’identifier de nouveaux profils «pathologisables» afin d’aider Pfizin à élargir sa pharmacopée.
Les nuits d’Angel sont hantées de cauchemars. De retour dans son village natal, que des rumeurs d’homosexualité l’ont forcé à quitter à l’âge 16 ans, il retrouve son père atteint d’Alzheimer et renoue avec l'homme, devenu moine, qui l’a initié à l’homoérotisme. Il comprend que son métier est lié à ce trauma : il crée des catégories d’«anormalité mentale» pour se venger de l’étiquette homosexuelle qui a bouleversé sa vie. Rentré à Vitoria, il décide de rallier la cause d’un collègue qui prétend dénoncer les pratiques d’OTRAMENT. Mais le lanceur d’alerte a disparu, et Angel trouve devant sa porte la main coupée de ce dernier. Ses employeurs auraient-ils décidé de se débarrasser de lui? L’inventeur de fausses folies serait-il en train de devenir fou?
Cette histoire de Big Pharma découpant nos vies et nos psychés pour optimiser ses profits pourrait se dérouler partout, mais ses tonalités politiques ajoutent un volet au portrait sans fard de l’Espagne contemporaine qu’Altarriba trace de livre en livre. Et la mystérieuse ville basque de Vitoria, au centre de sa «Trilogie du Moi», devient pour lui ce que Dublin fut pour Joyce ou Providence pour Lovecraft, le lieu mythique d’où sourdent toutes les peurs, toutes les hantises qui habitent ses héros.
Enrique Rodríguez Ramírez est professeur d’Histoire de l’Art à l’université du Pays Basque (où Altarriba a enseigné la littérature française). À 53 ans, il est à l'apogée de sa carrière. Sur le point de devenir le chef de son champ de recherches, en proie aux rivalités académiques, il dirige un groupe d'étude intitulé : « Chair souffrante, la représentation du supplice dans la peinture occidentale. » Bruegel, Grünewald, Goya, Rops, Dix, Grosz, Ensor, Munch, Bacon sont ses compagnons de rêverie et la matière de son travail. Mais sa vraie passion, dans laquelle il s'investit à plein, est plus radicale : l'assassinat considéré comme un des Beaux-Arts.
Par le scénariste de "L'art de voler", avec Keko au dessin :
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