Après les 53 tomes des Terres d'Arran, j'ai profité du confinement pour me relire les 2 premières saisons des Maîtres Inquisiteurs. Et je dois dire qu'un peu comme pour Nains, la relecture a été intéressante car elle m'a permis d'appréhender différemment et davantage certains tomes.
D'emblée je dois dire qu'à la première lecture, j'avais adoré la saison 1 de bout en bout. Mais il faut aussi reconnaître que je l'avais découverte par le biais du coffret, donc j'avais pu tout dévorer d'une traite. Et si j'avais également bien aimé la saison 2, je la trouvais un ton en dessous... en sachant que je l'avais lu cette fois-ci au "tome par tome", à la sortie de chacun sans relecture du précédent.
De fait, la relecture des deux saisons d'une traite m'a permis de voir que les deux saisons forment vraiment un ensemble, il y a une vraie fluidité et une réelle continuité sur ces douze premiers tomes. C'est un énorme point positif je trouve. En revanche, contrairement à la première lecture, j'ai trouvé que les deux saisons se valaient, là où je plaçais la première bien au-dessus de la seconde en terme d'intrigue.
Surtout, j'ai constaté que les deux saisons se complétaient à merveille tout en se ressemblant d'un point de vue narratif.
Complémentaires, parce qu'alors que la première saison pose les bases de l'univers, de la géographie au système politique, la deuxième saison déroule un fil plus intimiste, davantage au coeur du monde des Inquisiteurs que du reste de l'univers. Puisque l'univers est désormais "acquis", la saison 2 a pu s'émanciper du "devoir de présentation" pour se concentrer davantage sur la vie des Inquisiteurs. Je trouve que les Inquisiteurs de la saison 2 font moins super-héros que ceux de la première, ils sont davantage humains, avec leurs limites notamment en terme de pouvoir (hormis Orlias, cas à part). Mais pour permettre une telle saison 2, il fallait bien une saison 2 qui apportait tout ce qu'il fallait.
Ressemblantes, parce que systématiquement, les 4 premiers tomes des saisons se suivent selon une mécanique redoutable de logique, qui suit un fil rouge, tandis que le 5e tome est une sorte de "prequel" au dénouement, apportant les dernières pierres à l'édifice, qui auraient manquées sans lui. Enfin, le tome 6 est le cross-over regroupant les enquêtes et les interrogations soulevées durant les autres tomes.
Ainsi pour la première saison,
les 4 premiers tomes sont bâtis de manière à ce qu l'on puisse tout de suite bien appréhender l'univers, en nous emmenant un peu partout. De la Confrérie des Chênes et ses forêts (notamment celles des Soupirs) avec Obeyron jusqu'aux îles parsemant les mers avec Mihaël, en passant par les terres des nains avec Sasmaël et celles des Mokhan ainsi que le Petit Gottland avec Nikolaï. Cette mise en perspective de l'univers par le biais de 4 tomes m'a sauté aux yeux à la relecture, et c'était vraiment grisant de redécouvrir tout cela. On a l'impression d'être au Moyen-Âge en plein coeur du bassin méditerranéen... alors que l'on trouve de la magie, des nains, des elfes et des orcs. C'est vraiment très bien construit je trouve, surtout les fins d'albums qui amènent tout de suite sur l'inquisiteur suivant.
Vient ensuite le tome 5 avec Aronn, qui nous amène doucement vers le dénouement en nous révélant le retour avorté des dragons et nous dévoilant ce que l'on envisageait depuis le début : il se trame quelque chose d'important, qui dépasse les simples enquêtes habituelles.
Enfin, le tome 6 vient confirmer ce "quelque chose d'important qui se trame" en nous embarquant dans un conflit d'importance continentale. Et malgré la victoire attendue des Inquisiteurs, le tome se conclue de belle manière tout en apportant une pierre pour la suite : le monde sera à rebâtir, l'Inquisition à reformer.
Du côté de la saison 2
les 4 premiers tomes suivent la logique de la reconstruction d'Arès et de l'Inquisition, telle une suite logique de la saison 1, tandis que les deux derniers viennent conclure l'histoire. Et selon le même procédé narratif, les 4 premiers tomes servent le même but : il n'est plus nécessaire de faire découvrir l'univers, les bases ayant déjà été posées, mais il convient d'expliquer les étapes de cette reconstruction. On retrouve donc une ressemblance frappante dans la structuration du propos, même si cette 2e saison va plus loin et fonctionne un peu en 3 "diptyques" quelque part, encore davantage qu'en "4-1-1"
Ainsi les tomes 7 et 8 traitent de la nécessité de renouveler les effectifs décimés de l'Inquisition, en allant rechercher les mages "recalés", jugés trop dangereux et par conséquent exilés (tome 7) Le tome 8 vient renforcer cette idée, en expliquant que l'Inquisition ne pouvait plus seulement se contenter de recruter des mages si elle voulait continuer d'exister, d'où la présence de Synillia l'épéiste dans ses rangs. Une sorte de "diptyque" sur le recrutement et sur la "Nouvelle Inquisition"
Les tomes 9 et 10 viennent poursuivre cette idée, avec d'abord la découverte d'une ressource potentielle dans le tome 9, l'Adonaïs, qui permettrait d'instiller de la magie chez des non-mages, ce qui aurait une utilité évidente au vu du nouveau recrutement opéré par l'Inquisition. Ensuite dans le tome 10 avec la découverte d'un ouvrage sacré lié à cette ressource, le Bakel-Ephraïm, qui donne des indications sur comment opérer concrètement lors de cette "conversion magique". De nouveau une sorte de diptyque sur "les armes de la Nouvelle Inquisition".
Enfin les tomes 11 et 12, qui viennent conclure la reconstruction de l'Inquisition, tout en apportant des idées pour l'avenir : l'Impératrice Assynia se serait réincarnée au sein du corps d'une petit fille mokhane, Akia. Dans le tome 11, Zakariel est envoyé pour la sauver et la ramener à Adrael, mais il rencontre une résistance importante... qui vient se confirmer dans le tome 12, où le "mage de l'ombre" de cette résistance se dévoile enfin, et révèle au grand jour son jeu. A la fin du tome 12, on peut dire qu'en quelque sorte la reconstruction n'est pas achevée : l'Adonaïs n'a pas marché tout à fait comme prévu, du moins cela a des répercussions, l'un des sièges de Juge n'est pas pourvu, Orlias étant mort, et la petite Akia-Assynia, étant laissée de côté, a encore des choses à dire vraisemblablement...
Une très belle relecture de cette saison 2 donc, encore davantage que durant la première fois. Mais là où j'ai été le plus bluffé, c'est de voir à quel point la construction des tomes de la saison 2 suivaient un but précis tout en offrant au lecteur deux autres pistes à chaque fois :
1) Le fil rouge, avec l'idée de la reconstruction : les recrues, de différents types (7 et 8), leur "amélioration" potentielle (9 et 10) et l'arrivée d'une nouvelle opportunité pour l'avenir en la personne d'Akia-Assynia (11) malgré les limites de l'Adonaïs (12).
2) La poursuite de la découverte de l'univers, puisque cette fois-ci les terres de l'Est, Léonie et Tibérian, ainsi que le Nappan au-delà du Fleuve sont présentées, tandis que les terres Orcs et Naines sont davantage détaillées (des Nains du désert, très original par ailleurs, cela change).
3) La vie des inquisiteurs, avec des entrées encore plus intimistes (Bakael et Zakariel notamment), et surtout une plus grande variété : une femme non-mage (tome 8), un nain (tome 9), des exilés à foison (tomes 7 et 11). Seuls Orlias et Habner m'ont fait un peu penser à Nikolaï et Obeyron dans leur attitude, pour le reste il s'agissait vraiment d'une nouveauté bienvenue.
Quant aux débuts de la saison 3, le seul tome 13 m'avait plutôt plu en première lecture et sa relecture (assez proche de la première pour le coup, puisqu'il date d'octobre dernier) a été de même : ni mieux, ni moins bien.
On suit la nouvelle génération qui a grandit : d'adolescent, Iliann est devenu adulte. Accompagné par Gal'ween (l'elfe compagnon d'Orlias), il mène une enquête sur la disparition de Bromm, un inquisiteur déjà vu plusieurs fois durant les saisons précédentes. Jusque-là rien de particulièrement original, on suit la même logique plaisante mais désormais habituelle, on retrouve même une similitude avec d'autres tomes, comme celui sur Sasmaël, où la disparition d'un maître inquisiteur est de nouveau la clé de l'enquête.
Sauf que pour le coup, l'intérêt du tome ne réside pas tant dans l'enquête en elle-même que dans tous les à-côté, qui sont pour le coup très nombreux pour un simple tome introductif à une nouvelle saison. Et cela je ne l'avais pas totalement perçu à la première lecture :
1) Le bon en avant dans le temps, qui laisse entrevoir que les jeunes pousses d'Orlias sont désormais des maîtres accomplis, ou presque (comme Iliann du coup)... tout en nous offrant la possibilité d'une (encore) nouvelle génération d'ado-mages en devenir. Sans compter qu'Akia-Assynia devrait être désormais une adolescente, et que des questions vont se poser sur sa nouvelle place : où vit-elle (encore chez les elfes ou pas) ? A-t-elle pris conscience de sa vraie personnalité ? etc.
2) Le rappel de la paix précaire avec la Confrérie des Chênes, permise par le bluff d'Obeyron tout autant que par l'intelligence de Mante de Rocheray durant le tome 6... sauf qu'Hubert de Roman ne semblait pas enclin à une paix durable. Donc quand Hubert a eu vent de la présence d'un inquisiteur sur son territoire, il est intervenu... avec une fin malheureuse, puisqu'il en est mort. On retrouve donc le spectre d'une potentielle future guerre, à nouveau. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'il ne s'agit pas d'une guerre "plaquée", au contraire : elle trouve ses racines dans une géopolitique intéressante, que l'on retrouve depuis le tome 1 (c'est toujours plaisant de retrouver des liens comme cela plusieurs années et plusieurs tomes après je trouve).
3) La fin du tome, qui nous révèle le "fil rouge" de la nouvelle saison : une conspiration (de nouveau) pour faire chuter les Inquisiteurs, appuyée par les restes de l'Ordre noir déchu (saison 2) et la Guilde des Assassins (saison 1), à savoir les deux "méchants" des premiers cycles. En rajoutant la mort d'Hubert et la montée des tensions avec la Confrérie, on imagine aisément le côté bombe à retardement.
4) La découverte d'une partie de la Forêt des Soupirs jusque-là non étudiée : les marécages du Sud. On poursuit donc la découverte de l'univers, par petite touche (on est loin des parfois 3 ou 4 villes au sein d'un même album d'Elfes ou de Nains). D'ailleurs, les dessins de ces forêts et marécages ainsi que du village de pêcheur sont le gros point fort de l'album 13 pour moi. C'est ce qui rend sa relecture aussi plaisante, bien que je ne sois pas fan de tout ce qui tourne autour de la lycanthrophie, des monstres et de la violence un peu "gore".
Au final, j'ai trouvé que cette série méritait une relecture par "cycle/saison", ne serait-ce que dans une logique d'évolution narrative plus suivie, qui donne tout son sens. Le nombre de fois où je me suis fait des "ah mais oui" en relisant, voyant les petites astuces et les petits liens que je n'avais pas forcément perçus de prime abord.
Et, de la même manière, j'ai constaté que la construction de l'univers était un peu plus lente que pour les Terres d'Arran (toute proportion gardée vis-à-vis des tomes bien sûr). Globalement, le nombre de lieux/régions visité(e)s par cycle est bien moins importante que pour Elfes ou Nains, et la carte de l'Oscitan ne se complète pas beaucoup au fur et à mesure en comparaison de celle d'Arran.
Un ajout avec la forteresse de Yargoss pour la saison 2 mais c'est presque tout je crois.
Et c'est ce qui donne vraiment envie de retourner dans cet univers : le mystère, le fait qu'il demeure encore bien des choses à découvrir.
Or ce mystère, je ne le trouve plus vraiment dans les Terres d'Arran, en tout cas beaucoup moins : un peu comme dans Warcraft, où les auteurs sont contraints de remettre au goût du jour des îles et de les agrandir, puisque les principaux continents ont déjà été découverts et écumés. Alors certes pour Arran,
la nouvelle carte et les nouvelles terres devraient apporter de la nouveauté
, mais disons que le fonctionnement en vase-clos demeure depuis un moment. J'ai le sentiment que les Maîtres Inquisiteurs offrent davantage de respiration à ce niveau-là. Certaines régions n'ont été aperçues qu'une seule fois en treize tomes, et encore juste par le truchement d'une ville portuaire ou d'un village reculé.
A suivre avec le tome 14 en juin normalement du coup
"Mais la plus belle des victoires, mon fils, est de faire battre le coeur de ton peuple.
Je te confie cela, car lorsque ma vie s'achèvera,
Toi, tu seras roi. »
Terenas Menethill II