TOME 1Christophe Bec a voulu donner un peu de dynamisme à l'intrigue de Conan Doyle en faisant partir l’expédition pour l'Amérique du Sud directement dès les première pages, mais la progression du récit se retrouve au contraire considérablement alourdie par des flashbacks (aux tons sépia désuets) et des dialogues explicatifs pour compenser l'absence de véritable introduction digne de ce nom. Les 6 premiers chapitres du roman original - très important pour l’œuvre originale dans son entièreté - ont été purement et simplement balayés d'un revers de main.
Le scénariste de
Carthago présente ses personnages en quelques cases, résume leurs motivations en quelques phrases, comme s'il partait du principe que le lecteur connaît forcément toute l'histoire. Par conséquent, difficile de s'attacher à nos explorateurs, et surtout au jeune héros Malone qui parait ici totalement anecdotique et distant.
Par contre, on ne peut pas reprocher à Bec d'avoir respecté la progression des explorateurs une fois arrivés en Amazonie. Les hommes remontent les affluents du fleuve en canoë, s'enfoncent dans la jungle, font face aux dangers de la faune locale, découvrent des paysages montagneux mystérieux avant d'arriver au plateau mythique. Le puriste regrettera la modifications de certains éléments comme l’absence du scélérat Gomez (qui trahit les aventuriers dans le roman) pour un nouveau personnage plus sympathique, Pablo; et le fait que les héros accèdent au sommet du plateau par une simple échelle à la place de l'arbre coupé et disposé en travers d'un ravin (symbolisant ainsi un pont entre l'ancien et le nouveau monde). Mais passons sur ces détails car le scénariste distille le suspens de manière équilibrée.
Nos héros contemplent donc leurs premiers dinosaures avant que le lecteur ne referme l'album. Un cliffhanger efficace.
Côté graphique, les dessins de Faina et de Salvatori n'aident pas vraiment à se plonger dans cette aventure. Quoique très détaillé, le trait est malheureusement bien trop rigide et académique, les personnages ont des expressions totalement figées et les couleurs sont un tantinet froides. On a parfois la désagréable impression de lire une BD désuète des années 70. Peut-être aurait-il fallu prendre un dessinateur avec un style plus moderne, plus expressif, je pense notamment à Brice Cossu ou Nicolas Sure avec lequel le scénariste a déjà travaillé. Mais c'est une opinion tout à fait personnelle.
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TOME 2Bec délaisse complètement le fil du texte original pour bâtir sa propre intrigue. Ce n'est même plus un élagage du roman de Conan Doyle, c'est une
réécriture...Et l'on se retrouve encore avec des flashbacks sépia, cette fois pour étoffer la relation entre Malone et sa fiancée Gladys (qui était totalement insignifiante dans le Tome 1).
Il y a toujours cette « froideur » dans la façon dont les héros interagissent. On a vraiment l'impression que tout le monde se déteste, se tire la gueule; et ça m'a mis mal à l'aise durant toute la lecture quand on sait que l'esprit d'équipe et de bonne camaraderie est au cœur du roman original...Difficile à dire si cela vient des dialogues creux de Bec ou du trait rigide de Faina et Salvatori; peut-être des deux.
Même les amateurs de bébêtes préhistoriques resteront sur leur faim. Quelques dinosaures font de courtes apparitions en début d'album, puis nada. Le hic, c'est que le Spinosaurus ne sera véritablement décrit qu'en 1934 (avec des fragments d'os); et que Quetzalcoatlus ne rentrera pas dans les cahiers paléontologiques avant les années 80. Il est tout à fait improbable que des explorateurs du tout début du 20ème siècle puissent reconnaître ces deux espèces au premier coup d’œil.
On referme ce Tome 2 sur un cliffhanger avec la révélation des « hommes-singes » et d'un mystérieux « homme en armure dans un bateau à hélice » (hein ?
), mais on a l'impression qu'il ne s'est pas encore passé grand chose de véritablement exaltant. Pour l'instant ces deux volets sont assez anecdotiques et on est loin du formidable hommage au père de Sherlock Holmes tant espéré.
Je suis curieux de voir comment l'auteur compte boucler son histoire avec les 50 pages qu'il lui reste dans le Tome 3 sans bâcler le tout...
“Mille millions de mille milliards de mille sabords de tonnerre de Brest ! C'est de l'eau !”