Je sais que ca n'interesse pas grand monde, que beaucoup sont persuadés que les pharmaciens gagnent des dizaine de millier d'euros par mois (ce qui est le cas pour quelques uns, je le reconnais), mais dans l'ensemble la situation francaise n'est pas bonne, avec des recommandations qui préconisent la fermeture de 6000 d'entre elle (sur 21000) dans les 5 ans à venir. On demande aux pharmaciens de faire des économies sur le médicament depuis des années mais maintenant on atteint un etat de rupture. Je me permet donc de vous faire suivre une lettre adressée à la ministre de la santé et qui analyse bien l'état actuel. A vous d'en juger
Lettre ouverte à ma ministre
Madame la Ministre,
Une nouvelle fois le médicament est mis à contribution dans le PLFSS 2013, et cette contribution excessive est encore un mauvais coup porté à l’économie officinale qui subit depuis 2010 son troisième plan de réduction de prix. Le niveau des économies demandées dans ce nouveau plan va accélérer les pertes d’emplois entamées en 2008, réduisant ainsi à néant les créations consécutives à la mise en place du droit de substitution en 2000.
Si le rapport de l’IGAS sur la rémunération des pharmaciens publié en juin 2011 a constaté la stagnation si ce n’est la régression des bénéfices des PME officinales de 2000 à 2006, ce rapport a oublié de signaler que cette stagnation est essentiellement due à la politique d’embauche des pharmaciens qui ont utilisé les remises supplémentaires obtenues grâce aux génériques pour embaucher et faire augmenter les effectifs de près de 15% sur cette période.
De 2001 à 2006 la création moyenne a été de 2 500 emplois supplémentaires par an avec une pointe de 4 500 emplois en 2001 consécutive à la mise en place des 35 heures, mais après une stagnation de 2 ans le réseau officinal a commencé à perdre des emplois à partir de l’année 2008.
Cette inversion de tendance est due aux difficultés de plus en plus importantes rencontrées par les pharmaciens pour substituer, entrainant de facto une baisse du niveau des remises fatale à leur politique de l’emploi.
L’opposition latente du corps médical aux médicaments génériques, qui ne peut s’expliquer que par le manque de formation sur le médicament et la méconnaissance qui s’en suit, a introduit un doute sur l’efficacité et la qualité des médicaments génériques au niveau des malades. Le manque d’investissement des médecins dans la politique des génériques a fait reculer le taux de substitution privant ainsi le réseau officinal de la valeur ajoutée nécessaire pour continuer à embaucher. Depuis 2007 les différents PLFSS ont apporté leurs lots de mesures comme les boîtes trimestrielles, les TFR, les baisses de prix ou l’augmentation de la décote des génériques qui, associées à la baisse de la substitution, ont abouti à une baisse de rentabilité, l’IGAS et l’IGF relevant dans leur rapport commun sur la maîtrise de l’ONDAM que l’EBE des PME officinales avait perdu prés de 5 points en 3 ans. Les revenus des pharmaciens sont les bénéfices de leur PME et en diminuant la valeur ajoutée apportée on prive les pharmaciens chefs d’entreprises de toute possibilité d’investir et de maintenir le niveau de l’emploi comme toutes les PME confrontées à une crise économique.
En agissant à la fois sur les prix et les volumes le PLFSS 2013 va engendrer une nouvelle perte de marge, et si ce plan est voté en l’état, l’année 2013 sera peut-être l’année record pour la pharmacie en termes de perte d’emplois comme l’année 2001 l’avait été pour la création.
25% des ordonnances que nous dispensons nous apportent une rémunération moyenne de 22 € et 75% une rémunération moyenne de 6,50 €, la rémunération moyenne globale étant actuellement de 10,40 €, point mort de la rentabilité des ordonnances, ce qui signifie que 75% de nos dispensations n’atteignent pas le seuil de rentabilité.
90% de la progression des dépenses de santé sont dues aux malades en ALD dont le nombre suit une progression moyenne de 3,8% par an du fait du vieillissement de la population, ce qui se traduit pour la pharmacie par une augmentation du nombre des ordonnances à forte rémunération qui contribue au maintien précaire de l’équilibre économique officinal.
En faisant supporter aux médicaments les plus chers la totalité des économies, on diminue le niveau des rémunérations les plus fortes, les plus faibles ne variant pas. Si pour le PLFSS le médicament est la variable d’ajustement, pour la pharmacie cette variable d’ajustement est l’emploi, et les pertes d’emplois provoquées par les derniers PLFSS ont diminué la qualité de la prise en charge des ordonnances les plus compliquées dont le nombre est justement en progression.
En n’appliquant pas une politique volontariste auprès du corps médical pour le générique, les gouvernements précédents ont privé la solidarité nationale de plusieurs milliards d’€ d’économie depuis 2007, préférant adopter une politique tarifaire dont la seule vertu a été d’allier la dégradation économique des officines à la diminution de la qualité de prise en charge des malades chroniques.
En programmant la plus grosse baisse tarifaire jamais réalisée avec le PLFSS 2013, vous accentuez les dégâts économiques provoqués par vos prédécesseurs, alors que le simple respect par le corps médical de l’obligation qui leur a été faite de prescrire en DCI dans le répertoire des génériques permettrait d’obtenir le même niveau d’économie pour le poste médicaments sans accentuer la dégradation de l’économie officinale et contribuant ainsi au maintien de l’emploi.
Est-il acceptable dans la situation économique actuelle de continuer à provoquer des pertes d’emploi dans le réseau officinal par le simple fait que le corps médical, le moins bien formé d’Europe pour le médicament selon l’IGAS, soit dans l’incapacité de comprendre ce qu’est réellement un générique ?
Est-il acceptable que la solidarité nationale prenne en charge les 40% de consultations aboutissant à la prescription de médicaments que les médecins ont classé eux-mêmes comme inutiles ou inefficaces et que l’on retrouve pour la plupart dans l’automédication non remboursable.
L’étude des rapports publiés par la DREES montre que si la dépense de santé par habitant est d’autant plus importante que la concentration des médecins généralistes est élevée, les revenus des généralistes sont à l’inverse d’autant plus faible que la dépense de santé par habitant est élevée.
Si les déserts médicaux causent un problème en termes d’accès aux soins, la surconcentration médicale, due à la liberté d’installation, cause un problème en termes d’inflation des dépenses. Dans les régions ou la densité des généralistes est supérieure à la moyenne nationale le pourcentage des consultations donnant lieu à la prescription de médicaments inutiles ou inefficaces dépasse les 50%, du fait que la surpopulation médicale facilite l’obtention d’une ordonnance, sésame nécessaire pour l’assuré pour se faire rembourser, cette surpopulation ayant pour conséquence première un nombre de consultations journalières inférieure à la moyenne nationale.
Les quelques 180 millions de consultations donnant lieu à des prescriptions de médicaments inutiles représentent un coût dépassant les 4 milliards d’€ pour la solidarité nationale alors que les médicaments prescrits dans ce cadre ont un coût inférieur à 1,3 milliard, soit un rapport supérieur à 3 pour les honoraires médicaux et une part de prés de 80% pour l’honoraire dans la dépense globale.
La faiblesse du prix de ces médicaments associée à des taux de remboursements réduits et à l’application de la franchise de 50 centimes par boîte fait que la Sécurité Sociale n’effectue aucun remboursement pour les produits prescrits dans le cadre des pathologies concernées par ces consultations mais débourse les frais de gestion.
La rémunération de ces prescriptions est inférieure à 2,50 € ce qui pénalise fortement l’économie des officines en faisant chuter la valeur ajoutée moyenne apportée par les ventes, la dégradation économique étant d’autant plus forte que la concentration médicale est élevée.
En ne tenant pas compte de la façon dont se répartissent les dépenses il est impossible de prévoir les effets économiques des PLFSS sur les professions de santé concernées, le paradoxe étant, par exemple, que si le déremboursement des médicaments inefficaces ou inutiles était mis en place cela entrainerait des économies pour la Sécurité Sociale basées sur la seule diminution du nombre des consultations pour les médecins généralistes, ce qui, pour ceux situés dans les régions en surconcentration, comme la région parisienne, reviendrait à diviser par 2 le nombre de leurs consultations provoquant ainsi une nette diminution de leurs revenus.
Dans un tel cas de figure l’économie officinale souffrirait moins que l’économie des cabinets médicaux qui se retrouverait privée du carburant qui l’alimente : le médicament inutile remboursable.
La simple consultation des différents rapports ou statistiques gouvernementales mis à notre disposition montre que la politique de santé repose le plus souvent sur des affirmations dénuées de tout fondement.
La population française augmente tout en vieillissant, de 2000 à 2010 elle a augmenté de 6,84% alors que les volumes des médicaments consommés n’ont augmenté que de 3,62% sur la même période. Peut-on alors parler de consommation excessive puisqu’il est constaté que 90% de la progression des dépenses de santé est due à l’augmentation régulière du nombre des malades chroniques. Si en 10 ans le total des unités dispensées annuellement a progressé de 120 millions, le nombre des unités dispensées pour les seuls traitements chroniques a progressé de 300 millions, la consommation apparente étant plus faible du fait de la politique de déremboursement pour les médicaments.
Avec la consommation élevée est associée l’affirmation d’un médicament trop cher, le prix des génériques serait, entre autre, trop élevé comparativement à nos voisins européens, mais dans le rapport sur l’évolution de l’ONDAM il est fait référence à une étude anglaise de février 2012 qui montre que le médicament français est le moins cher d’Europe.
Avec une rémunération à la boîte pouvant varier de moins de 2 € à près de 3 € selon les pharmacies, pour une rémunération moyenne, seuil de la rentabilité, située à 2,35 €, le pharmacien français possède une des rémunérations à la boîte parmi les plus faibles d’Europe très éloigné du minimum de perception de 3,88 € du pharmacien belge ou de 8 € du pharmacien allemand.
La rémunération à la boîte est calculée depuis 20 ans avec une marge dégressive lissée, qui permet de réguler la valeur de la marge en fonction du prix d’achat fabricant, le taux de marge baissant quand le prix fabricant augmente. La baisse des prix a donc entraîné depuis 2010 une augmentation du taux de marge de base, augmentation accentuée par la politique de substitution. En expliquant que la pharmacie n’a pas trop souffert économiquement et qu’il faut faire baisser le taux marge de la distribution, l’IGAS et l’IGF montrent dans leur rapport commun une profonde méconnaissance de l’économie officinale.
Le résultat de mes recherches, effectuées pour la réalisation d’une thèse sur la modélisation économique du réseau officinal, montre que le modèle économique officinal n’est plus un modèle commercial depuis la mise en place d’une rémunération non linéaire il y a 20 ans. Ce manque de linéarité invalide les propositions contenues dans les différents rapports publiés depuis, en particulier le dernier paru sur le financement de l’ONDAM : la proposition de diminuer de 10% le nombre de pharmacie en abaissant la marge de distribution est irréaliste puisque les coûts de distribution sont différents selon les officines, les plus grosses ayant déjà les coûts de distribution les plus faibles.
Il faut donc s’appuyer sur d’autres critères et comprendre la mécanique économique du modèle officinal pour établir des propositions cohérentes.
Même s’il est évident que le réseau des officines doit être restructuré, il doit l’être en fonction de l’intérêt des malades en corrigeant les effets négatifs de la politique dérogatoire aux créations qui a été menée pendant des années et non dans le vain espoir de réduire la dépense en médicaments.
Dans les faits il existe 2 réseaux d’officines qui reçoivent journellement le même nombre de clients et qui ont une structure économique totalement différente :
- 1 réseau de pharmacies de proximité qui représente 85% des officines (soit un peu plus de 19 000) et qui dispensent plus de 90% des traitements chroniques. Le chiffre d’affaires moyen de ces officines est de 1,2 millions d’€ pour une fréquentation moyenne journalière d’un peu plus de 100 patients.
- 1 réseau de pharmacies commerciales situées dans des zones de grande consommation, créées uniquement par voie dérogatoire, qui représente 15% des officines (soit un peu plus de 3 000) et qui dispensent 140 des 180 millions d’ordonnances contenant des médicaments inutiles ou inefficaces. A l’inverse des pharmacies de proximité, les pharmacies commerciales ont une fréquentation dictée par une logique de consommation. Le chiffre d’affaires moyen de ces officines est de 3 millions d’€ pour une fréquentation moyenne journalière dépassant les 450 clients.
L’hypothèse, retenue par l’IGAS et l’IGF, selon laquelle les grosses pharmacies pourraient absorber une réduction des coûts de distribution est rendue dangereuse et irréaliste par le fait que la plupart des gros chiffres d’affaires, en étant situés dans des espaces de grande consommation, sont éloignés des centres de vie donc des malades, que la qualité de dispensation y est dégradée et que leur clientèle est composée essentiellement de consommateurs. Ces pharmacies, fragilisées par la faible valeur ajoutée apportée par leurs ventes, ne doivent leur salut qu’à l’existence et au maintien du monopole sur le médicament et sont prisonnières d’un chaland ne leur permettant pas d’avoir l’objectivité nécessaire pour développer une démarche de professionnel de santé.
Le modèle économique suivi par les pharmaciens est un modèle structurellement déficitaire car il s’appuie sur le développement de ventes dont la valeur ajoutée apportée est très largement inférieure à la moyenne de la valeur ajoutée apportée par les ordonnances, c'est-à-dire que la politique commerciale des officines est financée par la solidarité nationale et qu’il est donc illusoire de croire qu’un développement des ventes annexes ait pu compenser ou puisse compenser les pertes de marges dues aux différents PFLSS.
Tous les rapports publiés que ce soit par la DREES, l’IGAS ou la Cour des Comptes convergent sur le fait qu’au niveau macro économique les revenus des pharmaciens sont conditionnés par la situation géographique du lieu d’implantation, les écarts de rémunération entre régions pouvant atteindre les 50% comme entre la Picardie et la région parisienne, et par la concentration des officines.
La concentration des pharmacies suit l’évolution de celle des médecins généralistes, les 2 concentrations augmentant du Nord au Sud, les revenus des 2 professions suivent la même évolution, inverse à celle de la concentration, en diminuant du Nord au Sud.
Cette évolution parallèle des revenus et des concentrations pour les 2 professions correspond dans les 2 cas à la même évolution de la dépense de santé par habitant : les revenus baissent quand la dépense de santé par habitant augmente.
Même si la corrélation de la baisse du niveau moyen des revenus en fonction de la dépense de santé par habitant est établie pour les 2 professions, les causes ne sont pas les mêmes mais il existe une interdépendance entre elles.
La surconcentration médicale provoque une augmentation des dispensations rapportant moins de 2,50 € diminuant ainsi la valeur ajoutée moyenne des dispensations et la guerre commerciale que se livre les pharmaciens, plus intense quand la concentration augmente, diminue la valeur ajoutée apportée par les ventes annexes. Les revenus moyens des pharmaciens sont donc plus faibles dans les régions de forte concentration médicale, le modèle économique officinal déficitaire accentuant cette baisse avec l’intensification des politiques commerciales.
Avec 1 médecin pour 330 habitants la France possède une des plus fortes concentrations de médecins en Europe, mais est aussi un des rares pays à ne pas réguler leur répartition territoriale. Avec une concentration inférieure, 1 médecin pour 400 habitants, les allemands ont une meilleure répartition territoriale en ayant institué un système de contrôle des installations ce qui leur permet d’avoir une offre de soins bien mieux équilibrée que la France.
La liberté d’installation accordée aux médecins conventionnés a abouti à une répartition disparate ne tenant pas compte des besoins de santé de la population. Avec un taux de généralistes supérieur à la moyenne européenne, 55% pour la France contre 25% pour l’Allemagne par exemple, la répartition actuelle aboutit à des concentrations où le nombre de généralistes est trop important pour la population desservie, alors que dans le même temps des déserts médicaux se créent et que la relative faiblesse du nombre de spécialistes rend difficile l’accès aux soins spécialisés et donne lieu à des dépassements d’honoraires couteux pour la collectivité.
La disparité des 2 réseaux, officinal et médical, provoque une inégalité d’accès aux soins des citoyens et la diminution de la prise en charge des malades chroniques par la solidarité nationale comme le montre la récente décision de retirer l’hypertension artérielle sévère de la liste des ALD.
Pour être efficient le parcours de soins coordonnés doit reposer sur un réseau de médecins généralistes cohérent et uniforme, ce qui n’est pas le cas avec le réseau actuel. Cette disparité dans le réseau des généralistes provoque une augmentation très importante, dans les zones de surconcentration, du nombre de consultations donnant lieu à des prescriptions destinées à des assurés ne souhaitant pas prendre en charge leur automédication.
La restructuration du réseau des officines doit être accompagnée d’une restructuration du réseau des médecins généralistes pour rendre le parcours de soins coordonnés plus efficient et moins onéreux et par une révision de la politique de prise en charge des assurés.
En faisant porter, pendant des années, l’essentiel des économies sur le médicament avec une communication inappropriée et sans discernement, les gouvernements successifs sont arrivés à faire oublier que le médicament est indispensable dans la politique de prévention des pathologies chroniques. En mettant de coté la seule profession de santé formée uniquement sur le médicament et qui contrôle journellement et gratuitement les interactions de près de 2 millions d’ordonnances, les pouvoirs publics ignorent le travail de professionnels qui sont les seuls en capacité de sécuriser la dispensation des médicaments.
La nouvelle convention liant les pharmaciens avec la Sécurité Sociale institue un honoraire de dispensation qui pourrait permettre de réformer complètement le mode de prise en charge des assurés et d’intégrer les pharmaciens dans le parcours de soins coordonnés.
En supprimant les différents taux de remboursements des médicaments, qui sont le plus souvent incompréhensibles et qui dénaturent la fonction du médicament, pour instituer des taux de prise en charge par pathologies il serait possible en intégrant le réseau des pharmacies de proximité dans le parcours de soins coordonnés de réaliser immédiatement des économies de plusieurs milliards.
Proposer un taux de remboursement de 65% pour les pathologies saisonnières ou occasionnelles (honoraires + médicaments), accessible à la condition que l’assuré ait fait précédemment une démarche d’automédication qui serait prise en charge dans des conditions à définir dans le réseau des pharmacies de proximité, permettrait de diminuer le nombre de consultations payantes destinées uniquement à la prise en charge de médicaments.
Plutôt que chercher à réduire le nombre d’officines d’une façon aléatoire en maintenant une pression économique destinée à diminuer la rentabilité, il serait plus facile de faire le choix de privilégier le réseau le plus important et possédant la meilleure répartition. Dans le cadre de la nouvelle convention et du futur honoraire de dispensation il serait possible de réserver l’honoraire de dispensation aux seuls pharmaciens remplissant leur rôle de professionnel de santé. Il suffirait pour cela de retenir des indicateurs opposables qui existent déjà mais qui ne sont pas utilisés.
En surmontant les corporatismes qui bloquent le plus souvent toute possibilité d’évolution, comme les dernières négociations sur les dépassements d’honoraires l’ont montré, il serait possible de redistribuer les dépenses d’une autre façon sans les augmenter. En continuant à utiliser les mêmes recettes qui n’ont jamais démontré leur efficacité, on a placé la protection sociale dans une spirale qui aboutit actuellement à une diminution dramatique de la qualité de prise en charge du malade qui voit augmenter, de plus, sa part à payer.
Le PLFSS 2013 pourrait être l’occasion de réorienter les dépenses de santé. La totalité de l’argumentation que j’ai utilisée dans ce courrier provient de la lecture des différents rapports publiés ces dernières années. Les hypothèses émises sont établies à partir des constatations relevées dans ces rapports. Si la qualité des rapports ne sont pas à remettre en cause car il donne une image très précise de la réalité de la situation, ils ont par ailleurs le gros désavantage de proposer des solutions sans véritablement connaître le fonctionnement du système, ce qui aboutit à des propositions qui vont souvent à l’inverse de l’intérêt général.
L’analyse objective de notre système de santé montre qu’il n’est plus possible de continuer à appliquer les mêmes méthodes pour limiter les dépenses. Notre population vieillit et l’augmentation des dépenses de santé est inéluctable avec l’augmentation des pathologies chroniques due à ce vieillissement, d’ou l’intérêt d’un réaménagement des dépenses pour améliorer la qualité de leur prise en charge.
Intégrer les pharmaciens de proximité dans le parcours de soins coordonnés permettrait de mettre en place une prise en charge régulée de l’automédication. La diminution du nombre de consultations résultant de cette intégration permettrait d’augmenter le prix de la consultation pour une meilleure prise en charge des pathologies chroniques.
Dans le même temps un gel de la valeur de la marge des médicaments permettrait de conserver la valeur ajoutée nécessaire au maintien de l’emploi en officine et d’améliorer la prise en charge des malades chroniques. Ce gel est techniquement possible puisque c’est ce qui est réalisé actuellement pour les génériques. En procédant de cette façon il serait possible de conserver une baisse des prix d’une ampleur comparable en faisant baisser uniquement le prix fabricant, ceci étant possible à cause de la structure de la marge du médicament remboursable.
L’application immédiate du gel de la valeur de la marge du médicament pourrait être un préalable à la mise en place de l’honoraire de dispensation dont les modalités d’application doivent se discuter avant la fin de l’année.
La modélisation économique repose sur la comparaison d’indicateurs opposables. Le résultat de mes travaux sur la modélisation montre qu’au niveau macro économique le niveau des revenus des pharmaciens et des médecins est tributaire de la moyenne d’âge de la population qu’ils desservent et de leurs répartitions, ce qui aboutit à des écarts dans les moyennes de revenus entre régions pouvant atteindre les 50%.
En retenant essentiellement l’indicateur macroéconomique national pour prendre des décisions, on fait abstraction des indicateurs macroéconomiques régionaux qui sont pourtant les révélateurs de ce qui se passe au niveau microéconomique. Par exemple on lisse ainsi le revenu moyen des généralistes sans tenir compte du fait que la faiblesse relative de leurs revenus moyen est due à la surconcentration médicale.
La réévaluation de la rémunération des généralistes ne sera efficace que si concomitamment la décision soit prise de restructurer leur réseau, la dernière négociation sur les dépassements d’honoraires montrant la difficulté d’appliquer une telle réforme.
Madame la Ministre, le PLFSS 2013 est décrit comme le PLFSS de la continuité c’est-à-dire que rien ne changera et la dégradation de la prise en charge des malades va perdurer. Il y a, comme je viens de le décrire, des possibilités de réorienter des dépenses pour améliorer la prise ne charge des malades, tout en faisant des économies.
Vous avez la possibilité, Madame la Ministre, de faire que le PLFSS 2013 soit un PLFSS du changement ne serait ce qu’en replaçant les pharmaciens dans le parcours de soin et en reconnaissant leur rôle d’expert du médicament.
En souhaitant, Madame la Ministre, que mon courrier retienne toute votre attention, je vous prie de croire à l’assurance de ma considération.
FOLCO Jean-Patrice