de Briolanie » 19/01/2010 19:26
Et Spirou?
Je viens de relire la Vallée des bannis, par Tome et Janry, et ça m'a frappée... Dans toute la série, bien sûr, les allusions au Journal Spirou foisonnent, mais là, il y a une vraie mise en abyme, dans le sens où Fantasio multiplie les allusions à leur statut de héros du magazine et aux publications de ce dernier...
Quand Fantasio est piqué par le moustique et qu'il devient fou, il dénonce son statut de second rôle et de faire-valoir à côté du héros, et devient obsédé par le nom même du magasine dans lequel leurs aventures sont publiées, ironisant sur le "Fantasio magazine" qui ne verra jamais le jour, à tel point que, quand il a complètement perdu sa lucidité, il ne fait plus que crier "Fantasio magaziiiiiine" (ce qui devient un gag récurrent). C'est repris en clin d'œil à la toute fin de l'histoire, sur l'avant-dernière planche, quand ils discutent du carnet de Maginot que Spirou a laissé sur place: Fantasio répond "Dommage... je connais un magaziiiiiine qui l'aurait publié!"
On retrouve un peu ça dans Vito la Déveine, aussi, quand Fantasio déprime, mais sur un mode très différent: Fantasio, qui broie du noir, dit qu'il est le faire-valoir et qu'à ce titre il ne vaut rien, à côté de Spirou qui, lui, est le héros, et donc attire la lumière et les félicitations - ce que Spirou s'empresse d'ailleurs de minimiser, en rappelant à son ami le rôle important qu'il joue dans leurs aventures communes. D'ailleurs, à la fin de l'album, la situation est renversée: Fantasio est heureux d'avoir conquis le cœur de Noa-Noa, et c'est Spirou qui se met à déprimer, se sentant ridicule à côté de l'humour de Fantasio...
Je suis sûre qu'on peut retrouver ça dans pas mal d'albums de Tome et Janry (je reconnais ne pas les avoir tous lus). J'ai l'impression qu'ils jouent volontiers de la conscience des héros de bande dessinée d'être des héros de bande dessinée, et qu'ils s'amusent à le tourner à toutes les sauces, ce qui procure tantôt des gags amusants, et tantôt des ressorts essentiels au scénario (il me semble avoir croisé déjà la frustration de Fantasio de n'être que le second rôle encore ailleurs, mais là, je n'en suis pas sûre).
Je conclus sur Virus, des mêmes Tome et Janry: quand les responsables de Farmarm apprennent que Spirou et Fantasio montent une expédition en Antartique pour porter secours aux victimes de la mystérieuse épidémie, le chef dit:
"C'est inouï! J'arrive à peine à y croire! Où ces jeunes gens s'imaginent-ils? Au cinéma? Dans une bande dessinée?..."
A quoi son subordonné répond:
"C'est l'époque, monsieur! On voit de drôles de choses..."
Qu'en pensez-vous?