Cyclisme : contrôle antidopage « anormal » pour Chris Froome
Par Clément Guillou
Selon les informations du « Monde » et de « The Guardian », le Britannique a subi un contrôle révélant une forte concentration en salbutamol à l’issue de la 18e étape de la Vuelta, en septembre.
Le quadruple vainqueur du Tour de France Christopher Froome a subi un contrôle antidopage « anormal » sur le récent Tour d’Espagne, selon des informations révélées par Le Monde et le journal britannique The Guardian.
Ce contrôle anormal a été confirmé au Monde et au Guardian mardi après-midi par David Lappartient, président de l’Union cycliste internationale (UCI). La perspective de ces révélations a incité le Team Sky et l’UCI à confirmer publiquement mercredi matin l’ouverture d’une procédure à l’encontre du Britannique.
Il devrait, selon toute vraisemblance, être privé de sa victoire au classement final de la Vuelta et donc du doublé Tour de France-Tour d’Espagne, réalisé cet été pour la première fois depuis 1978. L’incertitude demeure quant aux autres conséquences de ce contrôle, mais sa participation aux prochains Tour d’Italie et Tour de France pourrait être remise en cause.
Christopher Froome fait l’objet d’une procédure ouverte par l’UCI après la détection, dans ses urines, d’une forte concentration en salbutamol à l’issue de la 18e étape de la Vuelta, le 7 septembre. L’échantillon B, ouvert en l’absence de Christopher Froome, a confirmé l’échantillon A.
Les avocats du Britannique, aidés d’experts scientifiques, tentent de convaincre la fédération internationale qu’il a agi dans le respect des règlements, raison pour laquelle le contrôle n’avait pas été rendu public jusqu’alors.
Le salbutamol, un bronchodilatateur, est le principe actif de la Ventoline, médicament utilisé contre l’asthme. Cette substance de la classe des « bêta-2 agonistes » ne nécessite plus, depuis 2010, la présentation d’une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT), mais sa prise est réglementée : elle doit être inhalée à dose modérée, de sorte que sa concentration dans les urines ne dépasse pas 1 000 nanogrammes par millilitre. Christopher Froome a largement dépassé cette dose : la concentration retrouvée dans ses urines est de 2 000 nanogrammes par millilitre.
Une porte de sortie
Pourtant, le Britannique, qui ne cache pas depuis 2014 prendre des traitements contre l’asthme, peut espérer une issue favorable à ce contrôle anormal. Le code mondial antidopage offre en effet une porte de sortie aux adeptes des fortes doses de salbutamol : Christopher Froome doit prouver que la substance lui a été administrée par inhalation et dans les doses recommandées, mais que différents facteurs ont provoqué une concentration dans ses urines plus élevée qu’attendue.
« Mon asthme s’est accentué durant la Vuelta, donc j’ai suivi les recommandations du médecin de l’équipe pour augmenter mes doses de salbutamol, a expliqué Christopher Froome dans un communiqué transmis au Monde et au Guardian par l’équipe Sky. Comme toujours, j’ai pris les plus grandes précautions pour faire en sorte que je ne dépassais pas la dose permise. »
L’équipe Sky a précisé : « Pour être clair, il n’y a pas d’accusation de contrôle positif contre Chris. La notification que Chris a reçue de la part de l’UCI détaille un processus clair, qui est en cours et dans lequel Chris s’est engagé. (…) Il y a de nombreuses preuves qui montrent des variations importantes et imprévisibles dans le métabolisme et l’excrétion du salbutamol. »
Lire aussi : Christopher Froome, un asthmatique inséparable de sa Ventoline en course
Le clan britannique avait choisi de garder le silence sur ce contrôle et d’annoncer la participation du natif de Nairobi au prochain Tour d’Italie, en mai 2018. Froome devait alors tenter de remporter un troisième grand tour d’affilée, et ainsi marquer l’histoire de son sport.
Après la Vuelta, Christopher Froome a disputé le championnat du monde de contre-la-montre par équipes et surtout le contre-la-montre individuel, dans lequel il a obtenu la médaille de bronze. Selon Team Sky, Froome et sa fédération British Cycling, dont il portait les couleurs, ont été prévenus ce matin-là du contrôle « anormal ».
La sanction : simple réprimande ou suspension
Il paraît inévitable que Christopher Froome perde le bénéfice de sa victoire sur le Tour d’Espagne : en effet, comme le rappelle le règlement de l’UCI, « une violation des règles antidopage en relation avec un contrôle en compétition conduit automatiquement à l’annulation des résultats obtenus lors de cette compétition », quand bien même le coureur convaincrait de n’avoir commis aucune faute ou négligence. L’Italien Vincenzo Nibali devrait ainsi remporter, sur tapis vert, sa deuxième Vuelta et son cinquième grand Tour.
Mais Christopher Froome, âgé de 32 ans, peut encore espérer remporter une cinquième victoire sur le Tour de France en juillet 2018. En effet, pour un taux de salbutamol dépassant la limite, la sanction peut aller d’une simple réprimande à une suspension de deux ans, en fonction de l’évaluation de la faute du coureur. Dans plusieurs cas relevés depuis une dizaine d’années, la période de suspension va de trois à douze mois, mais le taux de salbutamol retrouvé chez les sportifs a rarement été aussi élevé.
Une éventuelle interdiction de courir commencerait à la date de décision de l’instance de dernier recours, Christopher Froome n’ayant pas été frappé d’une suspension provisoire. Cela signifie que, même si le tribunal antidopage de l’UCI statuait rapidement, le Britannique devrait être suspendu six mois ou moins pour espérer être au départ du Tour, le 7 juillet 2018, à Noirmoutier (Vendée). Il pourrait aussi tenter d’interjeter un appel suspensif devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) et courir en attendant la décision de la juridiction sportive suprême.
L’historique de sa discipline, sa domination et ses progrès spectaculaires après un début de carrière anodin ont conduit Christopher Froome à être la cible de soupçons de dopage, y compris mécanique. Mais c’est la première fois qu’il est pris en défaut de respect du code mondial antidopage, avec une substance fréquemment utilisée mais sujette aux abus.
Menaces sur Team Sky
Signe des hésitations de l’Agence mondiale antidopage (AMA), le statut du salbutamol dans la liste des produits interdits a varié plus que tout autre dans la jeune histoire de l’antidopage. L’absence de consensus des experts promet au cyclisme un feuilleton juridico-scientifique rappelant celui qui avait concerné l’Espagnol Alberto Contador entre septembre 2010 et février 2012, à la suite d’un contrôle positif au clenbutérol.
Le dossier de Christopher Froome pourrait aussi empoisonner le début de mandat du nouveau président français de l’UCI, David Lappartient. Elu le 21 septembre, soit onze jours après l’arrivée de la Vuelta, ce dernier a hérité le jour même d’un dossier brûlant, alors que son prédécesseur, le Britannique Brian Cookson, s’était vu reprocher ses accointances présumées avec l’équipe Sky.
Contacté mardi après-midi, David Lappartient déclare « ne pas avoir à interférer dans ce cas ». « Je ne sais pas quels tests Christopher Froome est en train de passer ni quels éléments il y a dans le dossier, qui est traité de manière indépendante par le service juridique, affirme-t-il. J’ai juste été informé d’un contrôle “anormal” sans que je sache si [la prise de salbutamol] était justifiée ou non. »
Quant à l’équipe Sky, victorieuse de cinq des six derniers Tours de France, elle pensait les nuages autour d’elle dissipés après que l’agence antidopage britannique (UKAD) eut clos une enquête visant son ancien médecin ainsi que le vainqueur du Tour 2012, Bradley Wiggins. La voilà de nouveau prise dans les filets de la lutte antidopage. Si Christopher Froome venait à être suspendu, c’est l’existence même de l’équipe la plus riche du peloton qui serait menacée.