de LEAUTAUD » 30/01/2014 13:22
Assez tôt dans l'existence telle ou telle figure de référence s'offre à nous, souvent liée à nos lectures ( c'était du moins vrai pour ma génération). Pour ma part, c'est en 1960, j'avais 14 ans, que ma route a croisé celle de Cavanna, mon père ramenant à la maison les premiers numéros de Hara-Kiri. Dire ma stupéfaction est peu dire ! J'étais comme envoûté par ces dessins et ces rédactionnels iconoclastes, en plein gaullisme triomphant, dans une société coincée, hypocrite, menteuse, et plongée dans le conflit algérien. Bref, je suis né ce jour là, merci papa !
Ensuite j'ai grandi à l'ombre des publications du Square, j'en ai suivi tous les soubresauts, et même rencontré certains des acteurs lors des procès que leur intentait Marcellin. Cavanna était devenu mon père spirituel, à la lecture de ses romans et surtout autobiographies, et de ses éditos virtuoses et cartésiens dans Charlie Hebdo.
Le hasard a voulu qu'il y a trois ans je découvre sur une brocante ses premiers dessins publiés après-guerre. Je les lui ai envoyé et j'ai reçu en retour une lettre rare, émouvante, argumentée, cavannesque ! Ce petit plaisir tardif échangé avec lui est comme un point d'orgue ponctuant mon long compagnonnage anonyme( sauf à cette occasion) avec lui. Je l'aimais, cet homme balloté par le siècle, qu'il avait traversé lanterne à la main, éclairant les recoins, sans illusion, pugnace, et dans un grand éclat de rire.