de superboy » 02/06/2022 12:42
Oui, j'ai lu la série à l'époque, mais je n'en ai plus ouvert un volume depuis la sortie du quatorzième et dernier. En toute sincérité, je ne me souviens même pas de la fin exacte choisie par l'auteur.
Malgré ces pincettes, je dirais que la mouture de Sadamoto est la plus accessible des trois versions de l'histoire. Plus ou moins débarrassé des obsessions d'Anno, bien présentes mais qui ne cannibaliseront pas l'intrigue contrairement à l'anime original et au rebuild, le manga s'attache avant tout à remettre le scénario dans l'ordre à l'aide d'un traitement plus conventionnel des éléments qui le composent. On gagne en clarté ce qu'on perd en hauteur de vue.
Dans mon souvenir, la lecture est d'une fluidité sans faille, et plus généralement l'œuvre construite avec une connaissance du matériau de base, un soin du détail et l'amour du travail bien fait qui la rendent plus que recommandable.
C'est d'autant plus vrai aujourd'hui que le rebuild a connu sa conclusion et que le chapitre eva est définitivement refermé. Autant d'efforts dépensés sur trois décennies pour raconter trois fois la même histoire, pour ubuesque que cela puisse paraître, a créer une richesse thématique sans fin pour quiconque s'y plongerait aujourd'hui. Entre le désespoir existentiel de l'anime et la conclusion apaisée du dernier film, en passant par le torrent de boue émotionnelle déversé par The End of Evangelion et l'approche plus posée et rationnelle du manga, les grilles d'interprétation se superposent, non par l'effet de la relecture ou d'un énième visionnage, comme pour n'importe quelle autre œuvre, mais plutôt à la découverte de chacune des variations de l'intrigue selon le support, créant à chaque fois un dialogue nouveau avec ses œuvres sœurs. Ce mécanisme de renvoi permanent démultiplie les pistes d'analyse sans en invalider une seule, évitant que la répétition et les contresens ne nuisent à la réflexion.
En cela, Evangelion est devenue une œuvre-somme, qui a bénéficié de la patience, de la réflexion et de l'évolution du rapport que ses auteurs entretiennent à son endroit pour enfin mériter un statut culte à mon sens un peu usurpé à ses débuts. Et le manga, parce qu'il a toute sa part dans ce long processus, mérite largement la luxueuse réédition qui lui est offerte désormais, bien au-delà de l'aspect business de l'opération.