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Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Pour discuter de tous les sujets généraux autour de la bande dessinée, des libraires, des éditeurs et des auteurs

Moi, ce qu’il y a dans les bulles...

J’ai une passion pour les polices de caractères informatiques, quitte à ce qu’elles soient très graphiques, mais pourvu qu’elles soient vectorielles et non manuscrites.
1
4%
Je préfère quand c’est informatisé et simple. C’est beaucoup plus neutre et ça pollue moins ma lecture.
0
Aucun vote
Ce qui m’importe c’est le fond. Je suis complètement insensible à la calligraphie ou à la typo utilisée.
0
Aucun vote
Je n’y suis pas complètement insensible mais ce que je demande c’est surtout que ce soit lisible.
10
40%
Je préfère quand c’est manuscrit. Quelque soit le style de la calligraphie. Cela est moins froid.
3
12%
Je n’aime pas les typos informatisées. J’aime quand l’écriture manuscrite est simple mais élégante.
4
16%
Je n’aime pas les typos informatisées. J’aime quand l’écriture manuscrite est simple et naturelle (voire maladroite). Cela donne du caractère.
2
8%
J’aime quand l’écriture manuscrite est très travaillée, très picturale, faisant corps avec le dessin.
5
20%
Jeux c’est po tro lir alaur jean nez po grant chause afoute dé lètre dent lé bul. Jeux préfaire, nonobstant lézékritur, regardé lé dé seins et quoment sait colorié.
0
Aucun vote
 
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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Bolt » 24/02/2020 11:07

Message précédent :
Est-ce que tu as parcouru le topic de Moi, ce que j'aime, c'est les monstres ou une des interviews d'Emil Ferris? Il me semble avoir lu quelque chose à propos du lettrage.
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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Jopo de Pojo » 25/02/2020 00:52

A propos du débat majuscules/minuscules : j'ai toujours aimé le lettrage d'Adèle Blanc-Sec, que l'on doit à Anne Delobel (délicate coloriste des premiers volumes, par ailleurs), car l'emploi de minuscules (un peu stylisées, en phase avec l'ambiance 1910 des albums) permet de bien séparer les phrases grâce aux majuscules en tête de phrases.

En revanche, toujours été gêné par le lettrage des Blueberry pour la raison inverse (même si le lettrage de Gir fait partie de l'identité visuelle de la série).
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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Stock McFlood » 29/02/2020 12:58

Bolt a écrit:Est-ce que tu as parcouru le topic de Moi, ce que j'aime, c'est les monstres ou une des interviews d'Emil Ferris? Il me semble avoir lu quelque chose à propos du lettrage.


Ah non je n’ai pas vu.
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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede mr_switch » 01/03/2020 12:22

Stock McFlood a écrit:Plus étonnant encore : selon les versions les dessins sont adaptés.
Entre la version USA et FR par exemple, les personnages sont inversés, ce qui a impliqué de redessiner le fil du téléphone qui se retrouve moins bien placé dans la main de la nonne sur la version française :shock:

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Quelqu’un a une idée de pourquoi ??

Je pense que c'est bêtement un problème de sens de lecture. Le damné demande quelque chose, la nonne répond. Le damné doit être à la gauche de la nonne. En VO, la nonne semble répondre avant que la demande ne soit faite. Je pense qu'il s'agit plus d'une rectification à l'occasion de la traduction que d'une adaptation.
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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Stock McFlood » 14/03/2020 18:10

Tu as certainement raison mais ça reste un choix étonnant :-D
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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede nexus4 » 17/04/2024 14:53

Un truc que j'aime bien c'est quand les bulles servent à ponctuer ou rythmer la diction d'un mot. :P
Il y en a un dans le genre dans Lulu femme nue je crois, pour des points d'exclamations.

Ici dans Copenhague.

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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Lartpenseur » 19/04/2024 15:53

Classique mais efficace, se servir des choses pour tracer des lettres : ici le sang pour écrire le mot Maman (et on comprend pourquoi).
Dans (A)Mère de Raphaël Terrier
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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Jimbolaine » 21/04/2024 20:48

Oh, une discussion sur le lettrage. Génial !!!

Stock McFlood a écrit:Et donc il y a un truc que je n’aime pas trop, c’est quand les textes sont écrits à l’ordi, avec une police « type Comic ».


J'avoue avoir une certaine passion pour le lettrage américain, notamment parce qu'il y a des lettreurs chevronnés qui ont commencé de manière traditionnelle (je pense à John Workman, le lettreur attitré de Walt Simonson, à Ken Bruzenak, celui de Howard Chaykin, à Todd Klein, qui a bossé avec Alan Moore ou Neil Gaiman, à Tom Orzechowski, inséparable des X-Men de Chris Claremont et de ses chapelets de bulles…) et qui ont su intégrer tout cela dans l'outil informatique.
Le lettrage, en Amérique, est fait par une personne à part bien souvent. Traditionnellement, soit le lettreur officiait directement sur les originaux et donc passait avant l'encreur et traçait les bulles, les onomatopées et le cadre des cases avant l'encrage, soit il intervenait aprs, et dans ce cas il collait ces éléments par-dessus. C'est passionnant à regarder sur des originaux.

Stock McFlood a écrit:Ou Les lettres dessinées sont-elles récupérées et repositionnées, en évitant de dupliquer la même lettre de façon trop rapprochée pour garder l’effet manuscrit ?


Il est possible de vectoriser son écriture. On fait quelques lignes de lettres, qui sont scannées puis vectorisées. Les logiciels de création de typos permettent aussi d'alterner de manière aléatoire les lettres, afin d'éviter la monotonie. John Byrne ou Frank Miller ont ainsi vectorisé leur écriture personnelle pour en faire des polices particulières. De mémoire, Dave Gibbons aussi, il me semble qu'il en parle dans le bouquin où il dévoile ses secrets.


Stock McFlood a écrit:Ou (mais je n’y crois pas trop), arrive-t-il que quelqu’un prête sa main pour réécrire le texte traduit (avec une écriture toujours manuscrite, mais donc différente) ??


Je ne sais pas si ça répond à ta question, mais je peux citer l'exemple de la traduction de From Hell, de Moore et Campbell chez Delcourt : il y a une scène où l'on peut lire différentes lettres écrites par des correspondants distincts. Et le lettreur a demandé à des personnes différentes de prêter leur écriture pour donner de la variété.

Stock McFlood a écrit:
En français, les textes de très nombreux comics américains et BD étrangères utilisent une police de caractère de type « comic ». (Bien que pour les mangas on peut comprendre :-D ).


En fait, plusieurs polices. Selon les studios de lettrage, la police change. Mais l'éditeur peut aussi demander à adapter des polices. Par exemple, dans les anthologies qu'Urban a éditées (Anthologie DC, Anthologie Superman…) il y a plusieurs polices en fonction des époques évoquées.

Et puis, bien sûr, il y a la possibilité d'utiliser plusieurs polices selon les personnages. Par exemple, une police pour Batman et un autre pour le Joker. C'est très fréquent en VO, et bien entendu répercuté en VF.
On peut jouer aussi sur l'italique (pour les récitatifs, par exemple). Ou la taille (le "corps"). Par exemple, en VO, Tom Strong a un corps plus gros, qui signifie que sa voix porte plus loin (chez Urban, ils ont oublié cette spécificité dans le premier tome mais l'ont répercutée dans le second).


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Re: BULLES ET CALLIGRAPHIE

Messagede Jimbolaine » 21/04/2024 21:27

toine74 a écrit:Pour les traductions, il n'y a pas de règles, certains auteurs doivent exiger de respecter leur typo, d'autres s'en fichent sûrement.


Il se pose aussi le problème des droits. Une police, c'est quelque chose de déposé, de protégé légalement.
En général, le lettreur américain signe un accord avec l'éditeur américain stipulant que ses polices sont exploitables à l'étranger, ce qui fait que le lettreur étranger, français par exemple, peut les utiliser.
Encore faut-il qu'elles existent dans une version accentuée.

Certaines entreprises de lettrage, qui créent des "fonts" régulièrement, pratiquent une sorte d'échange avec des studios de lettrage étrangers : ces derniers ajoutent les accents et créent une version "localisée", qu'ils peuvent utiliser gratuitement sur leur marché après avoir fourni au studio d'origine cette nouvelle version.

Stock McFlood a écrit:Et pour les comics, n’as-tu pas l’impression qu’en dehors des onomatopées, des CLIP! CRAP! des BANG! des VLOP! et des ZIP! SHEBAM! POW! BLOP! WIZZ!, aujourd’hui presque tout est fait sur ordi sans lettrage ? Ou alors est-ce que c’est juste pour les versions traduites ?


Tout dépend de la période concernée. Après 2000, on peut être presque certain que l'ensemble du lettrage (textes, bulles, onomatopées…) est informatique. Avant, ça dépend.
Avant 1990, on est presque sûr que le lettrage est manuel (directement sur l'original ou collé, comme j'ai dit plus haut).
Dans l'intervalle, on a des auteurs qui ont numérisé leur calligraphie, et qui composent leurs bulles sur informatique avant de les imprimer et de les coller sur les originaux. C'est une méthode intermédiaire. Spontanément, je dirais que John Byrne a procédé ainsi sur Next Men ou Wonder Woman, mais je peux me tromper.

Cooltrane a écrit:un truc que j'ai toujours préféré, c'est quand le texte n'est pas en majuscule...


J'ai une préférence pour les bulles en capitales, surtout pour les dialogues.
Pour les récitatifs, ça dépend (et ça dépend aussi de la police utilisée).
Chez Marvel, au début des années 2000, ils ont commencé à utiliser des polices en bas de casse pour les dialogues, souvent dans le but de distinguer des collections (spontanément, je dirais que c'est arrivé dans les titres ultimates, mais c'est peut-être venu après). Je n'aime pas trop. Mais c'est un sentiment personnel, rien à voir avec la qualité des polices créées.


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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Jimbolaine » 21/04/2024 21:33

Pour les amateurs, une petite démonstration de l'expressivité du travail de Todd Klein, qui a travaillé sur le Sandman de Neil Gaiman :

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Son blog est passionnant :

https://kleinletters.com/Blog/

Son site ne l'est pas moins :

https://kleinletters.com



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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Clovis Sangrail » 21/04/2024 23:24

Passionnantes interventions, Jean-Marc. :ok:
Les visuels de Todd Klein sont géniaux.

Cela m'a souvent semblé quelque part paradoxal la façon dont le lettreur est mis en avant dans les comics — au même niveau (ou presque) que le crayonneur, l'encreur et le coloriste ; avec tout ce petit air de taylorisation :? du processus que ça dégage... rythme de parution oblige notamment, on peut imaginer — alors que dans, allez 80% des cas le lettrage paraît in fine hyper standardisé (qu'il soit manuel ou informatique d'ailleurs).

Je reste un adepte du tout manuel (idéalement en majuscules, même si les minuscules d'un Tintin ou B&M ne me gênent pas, au contraire, ils ont du charme), car pour moi le lettrage participe pleinement de l'ambition esthétique d'une BD. Je faisais la remarque sur un autre forum, à propos d'une case du Thorgal-à-venir de Chr. Bec, qu'il a partagée : une belle case, riche en reliefs à coups de multiples hachures... gâchée par une étiquette tapée à l'ordinateur dans la bulle... c'est comme f... du ketchup sur un agneau de 7h.

Le lettrage c'est aussi une part de la personnalité du dessinateur qui s'exprime : cf. supra mon commentaire sur Hergé et Jacobs, mais je pense surtout à Jean Giraud sur Blueberry. C'est tout simplement splendide. Autre exemple, Colin Wilson, dont le lettrage manuel est très inspiré de celui de Giraud : son travail sur Tex ou dans le cadre de comics est lettré de façon informatique : cela donne l'impression de ne "pas être à la maison".

Et comme tu le dis bien, ça participe aussi de la petite histoire, du dessous des cartes de la création d'une œuvre : je pense à Jijé... qui a parfois fait faire son lettrage par son fils (qui le raconte dans les dossiers de l’intégrale Jerry Spring chez Dupuis) : pour se distinguer, chacun barrait les Q dans un sens différent. Ça fait un chouette jeu de piste pour le lecteur.

Après, la vectorisation de la calligraphie des auteurs est un moindre mal (on peut comprendre le gain de temps en particulier et la souplesse d'utilisation) et qui peut faire illusion si c'est bien fait.

Mais le lettrage bien basique par ordi, complètement standard (je ne parle même pas des fameuses polices de type "Comic", à vomir...), ça me gâche une partie du plaisir à la lecture, clairement.
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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Jimbolaine » 22/04/2024 12:35

Clovis Sangrail a écrit:Les visuels de Todd Klein sont géniaux.


J'ai aussi d'autres trucs à montrer, venus de différents lettreurs, faut seulement que je les retrouve…
À l'occasion, je repasserai par-là pour déposer des images.

Faudrait aussi que je m'arrête sur le cas d'Abe Kanegson, le lettreur du Spirit d'Eisner. Cette série est souvent considérée comme l'expression d'une personnalité, et c'est vrai, mais cette personnalité est en lien avec un travail en studio, et notamment avec la collaboration entre Eisner et Kanegson.

Là encore, Todd Klein en parle sur son blog :
https://kleinletters.com/Blog/abe-kanegson-will-eisner-letterer/

Pour ceux qui ne sont pas à l'aise avec la langue de Mark Twain ou qui veulent profiter de belles images, quelques exemples de cette collaboration :

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Clovis Sangrail a écrit:Cela m'a souvent semblé quelque part paradoxal la façon dont le lettreur est mis en avant dans les comics — au même niveau (ou presque) que le crayonneur, l'encreur et le coloriste ; avec tout ce petit air de taylorisation :? du processus que ça dégage... rythme de parution oblige notamment, on peut imaginer — alors que dans, allez 80% des cas le lettrage paraît in fine hyper standardisé (qu'il soit manuel ou informatique d'ailleurs).


Il y a bien évidemment une standardisation, lié à ce "travail à la chaîne", mais s'il devient possible de reconnaître un lettreur au coup d'œil (moi, je reconnais souvent Workman et Bruzenak, souvent Orzechowski, je suis sûr que d'autres amateurs en reconnaissent d'autres…), c'est que des personnalités se distinguent.
Qui plus est, le lettrage américain est souvent la manifestation de deux personnalités qui travaillent en commun. Je vais prendre l'exemple d'un épisode d'Impulse (je n'ai plus le numéro en tête) écrit par Todd Dezago et illustré par Carlo Barberi. Il se trouve que Todd était dans les locaux de Semic à l'époque (donc, à vue de nez, je dirais janvier 2000…). À l'époque, tout se passait par mail et par fax. Todd avait donné à Carlo le numéro de fax de Semic et recevait les pages par ce biais. Là-dessus, il faisait une photocopie sur laquelle il plaçait les bulles et les récitatifs numérotés. Ensuite, il finalisait un fichier texte qu'il envoyait par mail au lettreur (et sans doute à l'éditeur chez DC), tandis qu'il faxait les copies avec bulles numérotées.
Aujourd'hui, ça se passe sur des PDF. Mais l'idée reste la même : le scénariste, profitant des zones laissées libres par le dessinateur, suggère des emplacements pour les bulles (de parole ou de pensée) et les récitatifs (voix off ou didascalies), ainsi que les onomatopées (certains dessinateurs les indiquent, comme Dale Keown le faisait sur Hulk, mais souvent, c'est laissé à la discrétion du lettreur).
Par conséquent, le résultat publié est la conjonction de la sensibilité du scénariste (qui retouche voir écrit carrément ses textes en fonction de la mise en scène du dessinateur) et de celle du lettreur.

Après, ce système explique aussi que certains dessinateurs privilégient la collaboration avec tel ou tel lettreur. Comme je disais plus haut, Walt Simonson a souvent travaillé avec John Workman (sur Thor, par exemple (Workman se reconnaît facilement à l'usage de bulles rondes pour les dialogues, et au fait que ses phylactères sont souvent ouverts sur l'intercase, la gouttière).

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Howard Chaykin, qui a très tôt compris l'importance du lettrage dans la narration, a souvent travaillé quant à lui avec Ken Bruzenak (sur American Flagg, sur Time2, sur Blackhawk… Cela favorise une proximité voire une complicité qui permet donc l'expression d'une personnalité.

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Workman (et Bruzenak dans une moindre mesure) est une forte influence de Robert Kirkman. Quand ses séries (genre Invincible, ou Walking Dead) n'étaient pas encore les succès qu'on connaît, Kirkman faisait lui-même son lettrage. Et il a imposé un style. Je ne suis pas fan de son écriture, mais je trouve son lettrage de première bourre. Désormais, il bénéficie des services de lettreurs professionnels, succès aidant (je ne sais plus qui fait son lettrage ? Russ Wooton ? Ed Dukeshire ? Faudrait vérifier…), qui d'ailleurs suivent son style : je pense que ça reste une étape de la production à laquelle Kirkman attache beaucoup d'attention et d'importance.

Clovis Sangrail a écrit:Je reste un adepte du tout manuel (idéalement en majuscules, même si les minuscules d'un Tintin ou B&M ne me gênent pas, au contraire, ils ont du charme), car pour moi le lettrage participe pleinement de l'ambition esthétique d'une BD.


Je partage cet avis.
Je ferais en revanche le distinguo entre l'ambition esthétique et la manifestation de la personnalité. Je pense que ce qui compte, c'est l'impact narratif. Et que le lettrage doit être au service du récit, de l'album. Si l'auteur a une écriture pourrie, il faut qu'il travaille avec un lettreur.
À ce sujet, j'aurai une question : je ne suis pas aussi familier du lettrage franco-belge que du lettrage américain, et du coup, je me demandais comment les grands classiques (tu cites Hergé, par exemple) fonctionnent. Est-ce qu'il y a, comme on peut le voir sur d'autres étapes (le dessin des décors, l'encrage…) un travail à plusieurs mains ? Si oui, alors ça reviendrait à ce système collaboratif dont je parlais plus haut, qui dans le meilleur des cas conduit à une vraie complicité.

Je trouve souvent que le lettrage est l'enfant pauvre de la "post-production", si je puis dire, en franco-belge. Il y a peu d'albums franco-belge qui me clouent par leur lettrage. J'ai deux exemples en tête où je sens que le lettrage est traité avec le même sérieux que le dessin ou les couleurs, c'est Une bien belle nuance de rouge, de Mauricet, avec des voix off à fonds colorés…

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… ou encore le Siegfried d'Alex Alice, avec des alternances intéressantes de bulles rondes et de récitatifs flottants, des changements de corps de texte pour marquer les murmures et les cris, ce genre de choses. C'est en lisant de tels albums que j'ai la sensation que des choix esthétiques ont été opérés en amont.

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Mais bien souvent, et surtout quand le lettrage est informatique, on sent bien que le boulot est bâclé. Et là, je pense que ce n'est pas dû à la nature informatique de l'outil, mais plutôt à des considérations économiques : le lettrage est sans doute fait en interne, à la toute fin, et quelques détails comme des queues de bulles pas assez marquées ou mal dirigées, ou des césures et des retours à la ligne maladroits, laissent entendre que l'ensemble a été fait rapidement afin de boucler l'album avant impression.
C'est palpable souvent sur des collections thématiques (j'ai des exemples en tête, mais je les garde pour moi afin de ne fâcher personne), où les deux trois premiers tomes font preuve d'une production honnête, mais une fois que la collection est installée (et encore plus à la parution des derniers tomes), on sent que l'étape des relectures s'est concentrée sur l'orthographe, pas sur la lisibilité de l'ensemble.
Et dans bien des cas, en franco-belge, le choix consiste à ne prendre qu'une police, à l'italiser pour les récitatifs, et c'est tout. C'est dommage de ne pas utiliser davantage les possibilités du langage BD.

Pour mes albums, je n'ai jamais souffert d'un lettrage au rabais. J'ai eu quelques discussions pour Grands Anciens, où il a fallu trouver des solutions typographiques parce que l'éditeur ne voulait pas de récitatifs colorés (trop compliqué, paraît-il), et donc, on a travaillé sur les italiques, les guillemets… Pour Fredric, William et l'Amazone, on a eu des échanges réguliers avec Comix Buro pour créer des effets discrets mais présents, et ça donne bien. Pour Webster & Jones, on a beaucoup discuté, avec Laurent, de la gestion des bulles, et il a beaucoup échangé avec Dargaud au sujet des polices.
Donc je n'ai pas à me plaindre, on a toujours trouvé des interlocuteurs pour cet aspect-là du boulot.
Mais en tant que lecteur, il me manque bien souvent un truc, un zest d'originalité.

Clovis Sangrail a écrit:Après, la vectorisation de la calligraphie des auteurs est un moindre mal (on peut comprendre le gain de temps en particulier et la souplesse d'utilisation) et qui peut faire illusion si c'est bien fait.


C'est comme tout, c'est un outil. Ce n'est pas l'outil qui définit le travail, mais celui qui l'utilise. Si ce dernier a mauvais goût, ça peut être catastrophique (je pense à l'obsession de Neal Adams pour les couleurs informatiques trop matiérées, qui gâchent les rééditions de certains de ses Batman ou de ses Green Lantern / Green Arrow : c'est pareil pour le lettrage).
Mais si l'auteur sait placer les textes afin de guider la lecture ou de créer des effets, ça peut devenir un plus évident.


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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Jimbolaine » 22/04/2024 13:35

Clovis Sangrail a écrit:Cela m'a souvent semblé quelque part paradoxal la façon dont le lettreur est mis en avant dans les comics — au même niveau (ou presque) que le crayonneur, l'encreur et le coloriste ; avec tout ce petit air de taylorisation :? du processus que ça dégage... rythme de parution oblige notamment, on peut imaginer — alors que dans, allez 80% des cas le lettrage paraît in fine hyper standardisé (qu'il soit manuel ou informatique d'ailleurs).


A contrario, je trouve que ce travail n'est pas toujours assez mis en avant dans le franco-belge, que ce travail soit effectué par le dessinateur ou par un studio extérieur. C'est peut-être lié, d'ailleurs, au manque de suivi dans la production.

Pour Super-Soldat, Jay, le dessinateur, a travaillé de manière traditionnelle sur ses planches, mais il a lettré en informatique (sous Photoshop, et non avec un logiciel de montage tel que InDesign, ce qui alourdit considérablement ses fichiers).
Exemple :

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C'est Antoine Salmon, le graphiste, qui a proposé la police, mais il a également proposé d'autres idées, comme par exemple les récitatifs de temps et de lieu, en blanc sur fond noir (comme les bandes adhésives noires collées sur les documents, à l'ancienne). Tant et si bien que j'ai proposé que Jay et Antoine figurent sur la première page, à la rubrique "lettrage", au même titre que les scénaristes, le dessinateur ou les auteurs de la couverture (le dessinateur et la coloriste). Ça me semblait normal de saluer leur travail et de ne pas le reléguer à une petite ligne riquiqui quelque part dans les crédits légaux.

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Jay a traité presque tout l'ensemble du lettrage par informatique. Il avait dessiné des onomatopées sur certaines planches, mais pour l'essentiel, les onomatopées ont été créées au même moment, c'est-à-dire à la fin de l'album. J'aime certains effets, notamment ce son de moteur, avec un filet blanc qui distingue bien la bordure de la case et qui semble donner un effet de vitesse.

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C'est Jay aussi qui a proposé d'envahir les pages qui se situent au moment du débarquement d'onomatopées étouffantes, restituant ainsi le vacarme infernal des explosions et des fusillades. Au début, je pensais qu'il allait placer quelques "boum boum" et "bang bang" par-ci par-là, mais en fait, il a voulu restituer l'écrasement des soldats par le son, et donc il a joué la surenchère.

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Personnellement, j'aime beaucoup. J'imagine que les typos informatiques, qui font se cumuler des lettres semblables, ne plaisent pas à tous, mais je trouve qu'en l'occurrence ça rend bien le caractère mécanique et inhumain des armes.

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Ça ne se voit pas complètement sur cet exemple ci-dessus, mais il joue aussi de la superposition des bulles et des sons, qui se chevauchent pour montrer la difficulté de communiquer dans des moments pareils, et le fait que tout ne s'entend pas tellement il y a de bruits.

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Super-Soldat, c'est vraiment un album dont je suis content à ce niveau : on a créé des effets qui me semblent propres à la BD, en tirant parti de ce support, et ça a un impact sur la narration (c'est précédé de planches plus silencieuses, et le déferlement de son rend l'ensemble plus percutant).
En plus, ça a permis au dessinateur de s'éclater. On a beaucoup échangé, listant les trucs qu'on aime tous les deux (genre, les bulles ouvertes sur la gouttière, comme chez Workman) et une fois qu'on s'est mis d'accord, Jay a tout lettré, et franchement, il s'est bien amusé pour un résultat qui plaît à tout le monde.
Tout ça, ça méritait de figurer dans la page d'intro.

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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Solomon » 22/04/2024 13:44

En parlant de lettrage, j'aime beaucoup ce commentaire de Moebius, que j'ai posté des nombreuses fois dans le forum.

To me, the lettering is a form graphology. It reflects your own style and personality. A page of comics without text has its own personality. But when you add the balloons, it suddenly takes up a whole, new different look. For example, I was quite disappointed about the look of my pages The Silver Surfer at first. Without the balloons, I thought they looked too dull, too drab. Then, I lettered them and they changed completely. It became something complete, dynamic. The lettering brought it together.

That's why I don't really understand how an artist can entrust something that is important to a hired hand, no matter how good he may be. A letterer may a professional, but he's very likely someone who has stopped to see lettering as something amusing, but just as another job. To me, it's monstrous to have an important part of the look of a page determined by an outsider.

If an artist's lettering style is truly not legible, then he should learn. I learned my own lettering from Jije, who himself was very influenced by the American masters, like Caniff. I do the best I can. My letter is alive, it dances on the paper. It reflects my personality. To me, the only rule is that lettering should be consistent within its style, that is, all your "s"'s should look the same, etc.

https://comicsalliance.com/moebius-comi ... m=referral




L'une des raisons pour lesquelles j'aime autant la BD franco-belge, c'est que dans le FB il y a toujours eu une tradition d'identité entre le dessinateur et le lettreur. Presque tous les grands maîtres ont développé une façon très personnelle de lettrer, alors que dans le comics américains ou dans les fumetti italiens il y a toujours eu une présence de lettreurs professionnels beaucoup plus invasive. Giraud, Hermann, Bourgeon, Druillet, Edika, Juillard, Peyo, F'murrr, Bretécher, Mézières, Cosey, Derib, Schuiten, Andreas, Régis Franc, Franquin, Jacobs, Comès, Alexis, Fred, Chaland, Ferrandez, Lauzier, Tardi (après la fin de la collaboration avec Anne Delobel), Gotlib... Pour ne citer que des auteurs "classiques" : la liste est très longue.
Dans la BD italienne, par contre, je ne pourrais jamais faire autant de noms : Crepax, Giardino, Pazienza, Buzzelli, Micheluzzi, Gipi... On peut trouver quelques représentants de ce noble métier, bien sûr, mais ils sont trop peu nombreux, surtout parmi les "grands".
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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Clovis Sangrail » 22/04/2024 23:38

Jimbolaine a écrit:J'ai aussi d'autres trucs à montrer, venus de différents lettreurs, faut seulement que je les retrouve…
À l'occasion, je repasserai par-là pour déposer des images.


C'est encore un festival que tu nous as offert là. :lol:
Entre les images et les anecdotes... :ok:

Jimbolaine a écrit:Howard Chaykin, qui a très tôt compris l'importance du lettrage dans la narration, a souvent travaillé quant à lui avec Ken Bruzenak (sur American Flagg, sur Time2, sur Blackhawk… Cela favorise une proximité voire une complicité qui permet donc l'expression d'une personnalité.


La (très belle) planche de Chaykin que tu donnes en exemple démontre vraiment les capacités du médium BD à proposer quelque chose qui lui est propre, au croisement du texte, de l'image, de la mise en scène de l'action mais aussi de l'imbrication visuelle de ces différents éléments et leur contribution à la structure de la planche.

Jimbolaine a écrit:Je ferais en revanche le distinguo entre l'ambition esthétique et la manifestation de la personnalité. Je pense que ce qui compte, c'est l'impact narratif. Et que le lettrage doit être au service du récit, de l'album. Si l'auteur a une écriture pourrie, il faut qu'il travaille avec un lettreur.


Oui, tu le dis bien, le lettrage doit rester au service du récit. Ce qui demande aussi de savoir se restreindre et de ne pas utiliser des effets pour utiliser des effets, parce qu'ils sont "disponibles" ou pour faire le flambeur. À ce titre la planche d'Alex Alice flirte pour moi avec la limite du maniérisme et du concours d'adresse et démonstration de virtuose. Les effets sur Super-Soldat sont intéressants et pour le coup démontrent une bonne cohérence interne.

Dans le même genre, j'avais beaucoup aimé la planche du Conan de Robin Recht où les onomatopées des battements du cœur du héros finissent pas inonder la page. C'est ultra-expressif et apporte un supplément d'intensité à la scène.

Image

Jimbolaine a écrit:À ce sujet, j'aurai une question : je ne suis pas aussi familier du lettrage franco-belge que du lettrage américain, et du coup, je me demandais comment les grands classiques (tu cites Hergé, par exemple) fonctionnent. Est-ce qu'il y a, comme on peut le voir sur d'autres étapes (le dessin des décors, l'encrage…) un travail à plusieurs mains ? Si oui, alors ça reviendrait à ce système collaboratif dont je parlais plus haut, qui dans le meilleur des cas conduit à une vraie complicité.


Aucune idée.
Après, Hergé ayant monté son studio (pour ne citer que lui en exemple, mais d'autres faisaient la même chose, il n'avait pas le monopole du studio), on peut facilement imaginer que le lettrage était réalisé par un membre de l'équipe et pas par le grand chef. Mais on peut être certain que le grand chef avait fixé la ligne et calibré jusqu'au moindre détail les questions liées au lettrage : ce n'était pas fait à l'arrache par un grouillot.

Jimbolaine a écrit:Je trouve souvent que le lettrage est l'enfant pauvre de la "post-production", si je puis dire, en franco-belge. Il y a peu d'albums franco-belge qui me clouent par leur lettrage. J'ai deux exemples en tête où je sens que le lettrage est traité avec le même sérieux que le dessin ou les couleurs, c'est Une bien belle nuance de rouge, de Mauricet, avec des voix off à fonds colorés…


Absolument d'accord. Il n'est pas assez pris en compte par les éditeurs... et les auteurs eux-mêmes je pense, d'ailleurs. Or, c'est un élément-clef d'un album (sauf s'il est muet :D). Je ne sais plus qui disait d'ailleurs (Cosey ?) que dans une BD on lit surtout les textes plus qu'on ne regarde les images. Au-delà du petit côté paradoxe provocateur, c'est assez juste en fait : du coup, la mise en forme du texte doit aussi servir non seulement à rediriger l'œil du lecteur vers l'image mais aussi à transmettre davantage que le pur sens des mots, mais une émotion, une ambition, une intention.

Jimbolaine a écrit:Mais bien souvent, et surtout quand le lettrage est informatique, on sent bien que le boulot est bâclé. Et là, je pense que ce n'est pas dû à la nature informatique de l'outil, mais plutôt à des considérations économiques : le lettrage est sans doute fait en interne, à la toute fin, et quelques détails comme des queues de bulles pas assez marquées ou mal dirigées, ou des césures et des retours à la ligne maladroits, laissent entendre que l'ensemble a été fait rapidement afin de boucler l'album avant impression.


Oui, on dirait que c'est souvent envisagé du seul point de vue utilitaire.
Ce qui est absurde, car même dans un livre ordinaire, selon le choix de police le plaisir et l'expérience de lecture diffèrent.

Jimbolaine a écrit:C'est comme tout, c'est un outil. Ce n'est pas l'outil qui définit le travail, mais celui qui l'utilise. Si ce dernier a mauvais goût, ça peut être catastrophique (je pense à l'obsession de Neal Adams pour les couleurs informatiques trop matiérées, qui gâchent les rééditions de certains de ses Batman ou de ses Green Lantern / Green Arrow : c'est pareil pour le lettrage).


:lol: Me fais pas dériver pas sur la mise en couleur, je suis du genre ayatollah (j'ai une sainte horreur des mises en couleur contemporaines qui donnent l'impression d'être faites à la peinture métallisée piquée chez le garagiste de tuning, avec des reflets partout... hélas, bien trop fréquente dans les comics actuels notamment — ça sabote complètement le trait encré)... :D

Solomon a écrit:L'une des raisons pour lesquelles j'aime autant la BD franco-belge, c'est que dans le FB il y a toujours eu une tradition d'identité entre le dessinateur et le lettreur. Presque tous les grands maîtres ont développé une façon très personnelle de lettrer


:ok:
Je ne connaissais pas le commentaire de Giraud, très juste et clairement exprimé.

Pour rebondir là-dessus avec l'exemple d'Hergé, quand on regarde les premières versions des premiers albums, le lettrage n'est pas atroce, mais pas loin — il jure même avec le dessin qui n'est pourtant pas encore abouti lui non plus. En revanche, une fois qu'il a trouvé son style, tant dans le dessin que dans la mise en forme des textes (tous les textes : les récitatifs, les bulles, les onomatopées, etc. etc.), on sent que c'est arrivé à un point sinon de perfection mais d'équilibre et de cohérence, et que la forme et le fond sont en harmonie.
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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Jimbolaine » 24/04/2024 10:55

Clovis Sangrail a écrit:C'est encore un festival que tu nous as offert là. :lol:
Entre les images et les anecdotes... :ok:


Le privilège du grand âge.
[old]

Clovis Sangrail a écrit:La (très belle) planche de Chaykin que tu donnes en exemple démontre vraiment les capacités du médium BD à proposer quelque chose qui lui est propre, au croisement du texte, de l'image, de la mise en scène de l'action mais aussi de l'imbrication visuelle de ces différents éléments et leur contribution à la structure de la planche.


Oui, j'aime bien.
Je me demande comment ils bossaient.
Il me semble avoir lu quelque part (peut-être un témoignage de Vosburg) qu'ils étaient à l'époque en studio, ou suffisamment proche d'un point de vue géographique pour permettre une telle fusion.

Clovis Sangrail a écrit:Oui, tu le dis bien, le lettrage doit rester au service du récit. Ce qui demande aussi de savoir se restreindre et de ne pas utiliser des effets pour utiliser des effets, parce qu'ils sont "disponibles" ou pour faire le flambeur.


C'est toute la difficulté (c'est pareil à tous niveaux : écriture, dessin). Je peux le faire, je sais le faire, le résultat sera probant… mais est-ce que ça sera utile. Parfois, on le repère en amont et on a la sagesse de freiner, parfois pas.

Clovis Sangrail a écrit:À ce titre la planche d'Alex Alice flirte pour moi avec la limite du maniérisme et du concours d'adresse et démonstration de virtuose. Les effets sur Super-Soldat sont intéressants et pour le coup démontrent une bonne cohérence interne.


Merci.
J'avoue que le lettrage dans Siegfried est une des raisons de mon plaisir de lecture.
Il en fait des caisses, mais je trouve que ça fonctionne bien, dans cette perspective "mythologique / opératique" qu'il a proposée. Ça fait écho à la grandiloquence du sujet. Sur Le Château, il fait totalement autre chose (mais cherche aussi des formes particulières).

Clovis Sangrail a écrit:Dans le même genre, j'avais beaucoup aimé la planche du Conan de Robin Recht où les onomatopées des battements du cœur du héros finissent pas inonder la page. C'est ultra-expressif et apporte un supplément d'intensité à la scène.

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Ah oui, magnifique, je n'y aurai jamais songé, merci pour cet exemple.

Clovis Sangrail a écrit:Après, Hergé ayant monté son studio (pour ne citer que lui en exemple, mais d'autres faisaient la même chose, il n'avait pas le monopole du studio), on peut facilement imaginer que le lettrage était réalisé par un membre de l'équipe et pas par le grand chef. Mais on peut être certain que le grand chef avait fixé la ligne et calibré jusqu'au moindre détail les questions liées au lettrage :


Comme un grand chef dans sa cuisine, quoi.

Clovis Sangrail a écrit:ce n'était pas fait à l'arrache par un grouillot.


Voilà : que l'on apprécie le lettrage informatique ou qu'on préfère une approche traditionnelle, je crois que l'important, c'est d'accorder de l'attention à cette étape. Si l'on fait faire par quelqu'un d'autre, l'essentiel est de créer une communication afin d'obtenir un résultat qui plaît à tout le monde. Pas de laisser un stagiaire de la rédaction exécuter le boulot sous le prétexte qu'il connaît InDesign.
;)

Clovis Sangrail a écrit:Absolument d'accord. Il n'est pas assez pris en compte par les éditeurs... et les auteurs eux-mêmes je pense, d'ailleurs.


Oui, j'en connais beaucoup qui se contentent de placer les textes en haut des cases et zou.
Je peux comprendre, cela dit, qu'on s'intéresse à d'autres choses (pour ma part, je suis un peu "color blind", je n'ai pas souvent d'avis sur les couleurs…).

Clovis Sangrail a écrit:Or, c'est un élément-clef d'un album (sauf s'il est muet :D). Je ne sais plus qui disait d'ailleurs (Cosey ?) que dans une BD on lit surtout les textes plus qu'on ne regarde les images.


Quand j'ai commencé à écrire (notamment dans les pockets Semic), je discutais beaucoup avec Jean-Marc Lofficier. Qui m'avait averti que les scènes muettes, le lecteur a souvent tendance à les survoler, à tourner les pages. Il m'avait conseillé, dans l'une d'elles, de placer au moins un petit récitatif en accroche, ou une bulle ou une interjection quelque part. Mais bon, je n'ai pas écouté… et rétrospectivement, je crois qu'il a raison : ça marcherait mieux si j'avais glissé quelque chose à "lire".
C'est pour ça que les séquences muettes dans les premiers XIII se limitent à une, deux ou trois cases dans une planche qui contient quand même du texte : l'œil du lecteur s'est arrêté, et les cases muettes sont d'autant plus marquantes, par le jeu du contraste.

Clovis Sangrail a écrit: Au-delà du petit côté paradoxe provocateur, c'est assez juste en fait : du coup, la mise en forme du texte doit aussi servir non seulement à rediriger l'œil du lecteur vers l'image mais aussi à transmettre davantage que le pur sens des mots, mais une émotion, une ambition, une intention.


Complètement.

Clovis Sangrail a écrit: :lol: Me fais pas dériver pas sur la mise en couleur, je suis du genre ayatollah (j'ai une sainte horreur des mises en couleur contemporaines qui donnent l'impression d'être faites à la peinture métallisée piquée chez le garagiste de tuning, avec des reflets partout... hélas, bien trop fréquente dans les comics actuels notamment — ça sabote complètement le trait encré)... :D


Je ne sais pas si tu connais les premiers Captain America de Brubaker, mais si ce n'est pas le cas et si un jour tu les découvres, je pense que les couleurs de Frank D'Armata vont te faire pleurer des larmes de sang (dommage, d'ailleurs, parce que c'est une excellente série).
Après, les couleurs, c'est comme le lettrage : il y a un éventail. Dave Stewart, qui s'occupe de celle de Hellboy et des titres dérivés, est beaucoup plus doux et subtil (la légende veut que Mignola lui ait apporté des tomes d'Adèle Blanc-Sec en lui disant "je ne veux pas une couleur qui ne soit pas déjà là-dedans").

Clovis Sangrail a écrit:on sent que c'est arrivé à un point sinon de perfection mais d'équilibre et de cohérence, et que la forme et le fond sont en harmonie.


Voilà, l'équilibre. C'est ça qui crée la personnalité.

Tu évoquais les polices uniformes dans les comics (c'est pas tout à fait vrai, pas si faux non plus…). Moi, en franco-belge, surtout le pan mainstream, je trouve que les bulles se ressemblent. On privilégie les bulles rectangles, et on y colle les textes. Et zou. Et à mes yeux, tout se ressemble. Les grandes collections de fantasy ou de SF adoptent souvent ce mode.
Là où la forme des bulles est importante aussi : les bulles un peu tremblées de Rosinski, par exemple, ont selon moi contribué à l'identité graphique d'une série comme Thorgal. Ça pourrait être un outil pour donner de la personnalité, mais ça devient un moyen d'uniformiser.

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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede nexus4 » 24/04/2024 12:26

Clovis Sangrail a écrit:Dans le même genre, j'avais beaucoup aimé la planche du Conan de Robin Recht où les onomatopées des battements du cœur du héros finissent pas inonder la page. C'est ultra-expressif et apporte un supplément d'intensité à la scène.

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Ca me fait penser à la page d'ouverture d'Immergés, avec le moteur assourdissant à mesure qu'on se rapproche de la salle des machines de l'U-Boot.

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et qui rythme de loin, la vie de l'équipage, sans interruption. Ca permet au Junker de scander ses cases, ses dialogues et montrer la tension de l'équipage, l'exaspération de chaque instant, toujours à deux doigts de se sauter à la gorge.

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Bruit qui disparait pour ceux qui sont à l'air libre, dans la tourelle.

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Entre ça, la chaleur, la crasse, l'entassement des corps et le danger de mort permanent, ca devait être infernal.
Je trouve que c'est très bien rendu, notamment grâce au lettrage.
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Re: Bulles, lettrage et calligraphie - Philactérophilie

Messagede Jimbolaine » 24/04/2024 13:22

Super exemple, merci.
Les saccades du moteur renvoient à celles du texte off. Et inversement.
Très bien joué.


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