Merci beaucoup pour le lien, c'est très instructif
[...]
Dites-nous donc Mr Uderzo quelle était l'ampleur de votre participation aux albums de votre frère, on en dit tout et n'importe quoi ?[...]
MU : [...]Pour répondre à votre question, après avoir travaillé 20 ans dans l'atelier familial comme luthier avec mon père (confection de guitares), il arriva le jour où il voulu prendre sa retraite, c'est là que j'ai formulé le désir de travailler avec mon frère. Tout en travaillant à mi-temps avec mon père, j'ai dû m'entrainer durant un an chez moi, sans être rémunéré, pour acquérir les techniques exigées et une bonne pratique afin de le seconder.
Une fois prêt, j'ai travaillé sur "Tanguy et L'Averdure" en traçant trois albums, tout en oeuvrant sur quelques planches d'Astérix, mais le petit Gaulois prenant de plus en plus d'importance auprès du public, Albert m'a alors demandé de m'y consacrer exclusivement en traçant à l'encre sur ses dessins. J'ai réalisé également les couleurs ainsi que tous les droits dérivés en créant entièrement des visuels adaptés pour ça (petits livres, papiers peints, verre à moutarde etc).
Pour résumer, j'ai donc commencé en
1965 sur "
Astérix et Cléopatre" jusqu'à l'album "
Les lauriers de César", petite interruption de deux ans (de 1972 à 1974) j'ai repris avec "
La grande Traversée" et mon dernier album était "
Astérix chez les Belges",
dont la dernière page se termine par un banquet final (façon tableau de Bruegel) que j'ai entièrement réalisé seul chez moi en une journée. Ce qui me fait, je pense, un
total de 16 albums d'Astérix. D'ailleurs, grâce à ma participation, ont voit nettement que Dargaud sortait deux albums par an au lieu d'un seul comme au début.
Ensuite, après avoir supporté maints "misères" de mon aîné, j'ai voulu faire cavalier seul.
C'est cette indépendance soudaine que mon frère n'a pas supportée et ne m'a jamais pardonnée. Depuis, nous ne nous voyons plus, mais nous nous saluons aux enterrements familiaux.
Petite confirmation au sujet de la planche 35 de l'album Astérix le gaulois, elle s'était bien "perdue" (peut-être pas pour tout le monde) et c'est Goscinny qui m'a demandé de la redessiner puis de la tracer car l'imprimeur se servait d'une page imprimée et, à la longue, elle sortait légèrement floue. On s'en aperçoit au lettrage qui est plus gros, par la suite il a été rectifié pour plus d'unité.[...]
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J'ignorais totalement que vous étiez l'artisan du tableau façon Bruegel d'Astérix chez les Belges, jamais je n'ai lu ni entendu votre frère rendre hommage à votre collaboration et votre talent aussi précisemment, on n'avait juste l'impression que vous faisiez le lettrage.[...]
MU : [...]Votre étonnement sur le sujet est bien naturel puisque, en accord avec son scénariste, mon frère ne parlait jamais de moi, ni à l'époque où, par mon travail je participais à la sortie de deux albums par an, encore moins maintenant. C'est vrai que je réalisais aussi le lettrage qui complétait l'encrage des dessins suivit ensuite des inévitables couleurs, cela faisait partie de mon travail. Depuis, plusieurs avocats m'ont suggéré que c'est probablement la peur que je leur demande des droits d'auteurs qu'on me planquait dans les placards, alors qu'à l'époque je ne pensais vraiment pas à ça, je voulais juste apprendre mon nouveau métier et faire au mieux. Je me serais seulement contenté d'être reconnu par ces deux auteurs que j'admirais pour leur talent.[...]
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Vous êtes un peu le Jidehem d' Albert. Votre cas est encore plus sévère car on semble vous effacez de cette histoire. [...]
MU : [...]Je ne sais pas exactement comment s'articulait la collaboration entre Jidehem et Franquin, mais je pense que la comparaison entre les deux situations n'est pas si mauvaise.
Au sujet des ventes des planches d'Astérix, non, je n'ai aucun pourcentage sur elles!…
Bien qu'ayant encré plusieurs centaines de planches, jamais mon frère ne m'en a offert, pas une seule planche. D'autres ont eu plus de chance que moi.
Bien à vous,
Marcel Uderzo[...]