Pour l'oeuvre elle même, elle est intrinsèquement engagée puisque c'est un témoignage de l'holocauste. On n'est pas dans la dénonciation mais dans la constatation a posteriori. Ce qu'il raconte, c'est l'Histoire avec un grand H.
Des récits engagés, il y a de toutes sortes. Tu peux prendre la lutte syndicaliste avec Un homme est mort ou Les mauvaises gens de Davodeau.
Le premier est le récit romancé d'un fait divers.
Le second est une auto-fiction sur le même modèle que
Maus puisque l'auteur demande à ses parents de lui raconter leur parcours syndical dans la région de Cholet. Même démarche, sur un sujet moins grave, cependant.
Sur les luttes syndicales, tu trouveras aussi Garduno, qui est une analyse du mouvement Zappatiste sur 300 pages.
Le même auteur à aussi fait un reportage sur la Palestine, où il est allé mouiller la chemise avec le groupe ATTAK pour rendre compte de la situation :
Enfin, le même auteur a fait un bouquin très conséquent sur le réchauffement climatique.
Quelques autres exemples :
"Petite histoire de l'empire américain" raconte par le menu comment les USA ont tué, pillé, génocidé pour assurer leur suprématie.
ou en encore "Femmes de réconfort", qui relate comment les japonnais ont organisé des bordels pour leur troupes avec des villageoises.
Et puisque je parlais de Palestine, il y a aussi le Gaza 1956 de Joe Sacco, qui a partir d'un fait précis qui a eu lieu en 1956, est obligé pour situer son récit, de repartir de la création d'Israël vu du coté palestinien.
Voilà, ca ce sont des auteurs engagés. Il y en a bien d'autres. Tout ce qui relève du témoignage, du reportage, du documentaire. Des gens qui ont des choses à dire, à dénoncer, à proclamer.
Je ne suis pas sur que Art Spieglman soit le plus engagé de ce point de vue. Il ne dénonce pas ce que l'on savait tous déjà. Le cantonner au rôle de celui qui dit que le nazisme c'est mal, ce serait passer à coté de son oeuvre. Il relate, il met en image l'indicible. Je dirais même que son engagement est presque postérieur à son oeuvre dans la mesure où, constatant son importance, il est devenu le gardien de la mémoire qu'elle recèle. Il refuse la dispersion de son oeuvre (c'est un block unique, traduit dans toutes les langues en format identique (sauf japon pour des questions de texte vertical), il refuse toute utilisation commerciale (aucun poster avec des cases agrandies, et encore moins de figurines) ou partisane, même si la moindre la moindre de ses apparitions est, de facto, un acte politique puisqu'on est dans la démarche du Souvenir.
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Pour ce qui est des planches, il y a une analyse qu'Art Spiegleman fait dans Métamaus qui m'a frappé. il parle d'une planche où il représente ses parents avec des masques de cochons (les cochons, ce sont les polonais dans
Maus) qui demandent de l'aide à un autre cochon (polonais, donc). Détail important, sa mère a une queue de souris. Art Spiegleman dit qu'il a dessiné cette queue pour montrer qu'il était difficile pour sa mère de se faire passer pour une polonaise parce qu'elle avait des traits sémites très marqués (cf, photo). Et je me suis dit que c'était presque choquant pour nous français de lire ça. Qui de nos jours dirait "Ah ben avec son blair, pas étonnant qu'il s'appelle Levy". C'est inconcevable. Alors que l'auteur de
Maus dit ça de sa propre mère. Sans parler de l'ambiance actuelle assez détestable, je pense tout bêtement que c'est parce que eux, les américains, n'ont pas la culpabilité de la déportation et de la collaboration même si il est de notoriété publique que le père Kennedy ou Ford étaient antisémites. C'est un récit de vainqueur, l'Histoire lave plus blanc.
Pour en revenir à l'engagement, il indique clairement par cette planche que les polonais étaient soit antisémites, soit avaient trop la trouille pour héberger des juifs (vu qu'on risquait de se prendre un coup de Luger dans la tempe, on comprend que ce soit délicat). Sur ce sujet de l'attitude des polonais pendant la guerre, il a du s'en expliquer (et certainement pas s'en excuser) lors de lapromotion de l'ouvrage lorsque l'oeuvre a été traduite en polonais.
Tu trouveras tout ça mieux dit, dans Metamaus.