Mogwai a écrit:Je sais plus où j'avais fait la remarque, mais dans WWII, les histoires sont complètes et ne sont pas coupées ou réécrites pour certains passages (nom de bateau pour mémoire).
On peut le dire comme ça, surtout si on se limite à comparer certains récits de l'album "
WWII" avec les versions figurant dans "
Du sable, rien que du sable" ou "
Koïnsky raconte... deux ou trois choses que je sais d'eux".
Et la volonté de remanier et récrire certains textes par Pratt tient à sa préoccupation d'améliorer ou dépoussiérer certaines histoires. Un petit parallèle avec Hergé n'est pas interdit et ce ne serait pas le seul point de rapprochement qu'on pourrait établir entre les deux hommes et leur oeuvre respective.
Mais si on compare les épisodes réunis dans
WWII avec des fascicules de la Fleetway, on relève tout de même quelques différences qui témoignent qu'on a pris certaines libertés, si ce n'est chez Cong S.A., du moins chez Casterman.
Mogwai a écrit:On retrouve certaines de ces histoires dans Morgan, je crois, avec des différences.
Ahem... Dans "
Morgan", album posthume et dernière création de Pratt ?! Ça m'étonnerait...
Eh bien si, finalement. Après vérification, on y trouve "Le point d'appui" retitré "Le Porte-bonheur" et correspondant à la version remaniée par Pratt pour la revue italienne Corto Maltese en 1989.
Apparemment, le récit "Pathfinder" (War Picture Library #40 du 07/03/1960 puis Giant WPL #20 de 10/1964 et WPL #1035 de 02/1975) figure dans l'album "
Hugo Pratt 50" — que je n'ai pas — sous le titre "L'éclaireur".
Je puis toutefois affirmer qu'il existe pour ce Pathfinder-Eclaireur des différences entre la version de
WWII et celle du fascicule WPL #1035 (réédition de 1975) de la Fleetway Publications. J'ignore si des différences existent entre les trois versions de WPL.
J'ai également relevé des modifications dans le récit "Battle Stations" ("Postes de combat" dans
WWII) initialement publié dans WPL n°34 (05/63) puis dans Battle Public Library n°384 (02/1969) et dans WPL n°992 (10/1974) et enfin WPL n°1078 (06/1975). Notamment une case sombre à la 25e planche (vignette du bas de la page 659) entièrement redessinée (et sans doute pas par Pratt, hélas) dans
WWII. Dans la version
WWII figurent notamment des visages (absents du fascicule 992 de War Public Library) dont on peut douter qu'ils soient de la main de Pratt.
Ces modifications sont très certainement moins légitimes que celles effectuées par Pratt pour la republication de certains de ces récits de guerre dans les albums "
Du sable, rien que du sable" et "
Koïnsky raconte..." où Pratt avait voulu se réapproprier certaines histoires en les intégrant dans son oeuvre dans un désir d'unification de celle-ci. C'était le cas notamment pour l'album où Koïnsky (personnage central des Scorpions du désert) présente ces récits, comme si Pratt avait voulu souligner la filiation pouvant exister entre ceux-ci et les Scorpions, pointer la genèse de ce qui deviendra le Grand Oeuvre, permettre de comparer la pierre brute et la pierre taillée.
Car un fil — plus ou moins ténu
(1)— relie en définitive "
Ann de la Jungle" (dont le premier épisode a paru en Angleterre avant les premiers récits de guerre de WWII), la geste de "
Corto Maltese", "
Les Scorpions du désert" et "
Koïnsky raconte...". Et par conséquent, certains récits de guerre dont Pratt n'était pourtant a priori pas le scénariste. Récits dont le graphisme est parfois inégal mais représente le haut du pavé, l'élite, de ce qu'on pouvait trouver dans les publications en petit format, le dessin de Pratt y bénéficiant, au seuil des années 60, de l'expérience acquise sur Ernie Pike (scénarios d'Osterhoeld).
Citation de HP :
"On peut considérer que ces récits revus par moi sont des inédits. Il y a un nouveau texte, une mise en couleurs." Pratt envisageait, en réalisant ce travail pour la revue Corto Maltese, d'écrire et dessiner de nouveaux récits de guerre. Ce sera le cas avec "
Morgan", qu'il convient également de relier à notre fil. Et aussi avec "
Dans un ciel lointain".
(1)Trois personnages d'"
Ann de la Jungle" (1959) — Lord Personne, le lieutenant Tenton et le capitaine Mac Gregor — réapparaissent dans "
Corto Maltese", les deux derniers se retrouvant aussi dans "
Les Scorpions du désert".