Ben, je sais pas, je trouve le personnage de Kojiro attachant et on s'intéresse très vite à son sort, autant qu'à celui de Takezo, ça ça me paraît clair. Mais j'ai qd même une vague impression de baisse sensible du rythme.
Vagabond de Takehiko Inoué est la preuve flamboyante que le Japon peut s’interroger sur son identité sans fatalement retomber sur le modèle de pensée nationaliste.
Miyamoto Musashi est une figure essentielle de l’Histoire et du Folklore nippon. Fils de samouraï abandonné, il traversa le XVeme siècle en accumulant les duels dans le but de créer et perfectionner une nouvelle technique de sabre. S’incarne aujourd’hui dans l’image chevaleresque et philosophique de Musashi l’idéalisation d’une « âme japonaise », faite de rigueur et d’obstination, d’abandon de soi et de recueillement au plus près de la nature. Des associations d’idées d’autant plus fortes qu’elles furent flattées à de nombreuses reprises dans d’illustres créations artistiques.
Suivant la tradition biographique, le manga Vagabond s’ouvre sur le plus grand carnage de l’Histoire médieval japonaise, la bataille de Sekigahara. Sur le visage engourdi du héros sonne la pluie, autour de son corps gisent les cadavres de ses alliés déchus. Laissé pour mort, la défaite de son camp annonçant la naissance d’un ère shogounale (monarchie japonaise) qui durera 300 ans, son réveil a un goût de renaissance, le Japon des airs de nouveau monde. Commence l’errance d’un adolescent, à ce moment inaugural qui semble dès lors conditionner sa vie. Il s’agira à l’avenir de ne plus se précipiter dans la bataille sans réfléchir, et de maîtriser les techniques qui assurent la victoire. Suivant la tradition toujours, Musashi est à ce stade de son développement un jeune guerrier impétueux, pas encore samouraï, dont la puissance et la colère n’ont d’égale que l’immaturité et l’inconscience. Une jeune pouce trop rigide et trop verte qui attend un rayon de soleil pour s’épanouir. L’initiation au monde peut s’entreprendre.
Ici s’arrêtent les connivences avec les biographies romanesques précédentes, en particuliers celle, fondatrice, de La Pierre et le sabre. Si l’on retrouve les mêmes épreuves, les mêmes personnages en arrière-plan, les valeurs que recouvrent ce petit monde ont changé, pour épouser comme à l’accoutumée les angoisses et les interrogations d’un Japon de notre temps. Kojiro Sasaki en particulier, l’ultime némésis de Musashi, n’est plus le guerrier orgueilleux et fier de son art qui pavoisait dans les précédentes versions. Sourd et muet, Kojiro trouve dans la voie du sabre un mode d’expression alternatif qu’il embrasse d’autant plus fort qu’il est privé de moyen naturel. Ici, le handicap explique aisance et virtuosité du sabre, la ludicité violente et l’inconscience aussi. Dans l’opposition Musashi, travail et contrôle, et Kojiro, naturel du langage et libération débridée, se niche évidemment la parabole sur l’avenir incertain du Japon, pays qui retrouve après une longue absence le droit de posséder une armée.
Au-delà du symbole identitaire -qui trouve dans les variations au récit original de multiples échos avec l’actualité-, Vagabond fascine par la volonté de l’auteur à se mesurer au mythe. Même l’européen déconnecté de la mentalité nippone ne manquera pas de ressentir à chaque image le challenge. Voie du Sabre et voie du dessin sont liées au sein des pages, chaque combats témoignant leurs lots d’expérimentations et de changement d’outils. Une ode à la perfection humaine.
à noter que le tome 22 sortira (selon nicolas sur le forum tonkam) au mois d'octobre (donc juste 6 mois d'attente, ça va non)...
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