John Bolton accuse Trump d’avoir cherché l’aide de la Chine pour sa réélection
(Washington) L’ex-conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, accuse le président américain d’avoir cherché l’aide de la Chine pour gagner sa réélection en novembre, selon des extraits explosifs d’un livre à paraître, publiés par des médias américains mercredi.
Alarmés, mais aussi parfois moqueurs devant sa façon de gérer les relations internationales, plusieurs poids lourds du gouvernement Trump, dont son chef de la diplomatie Mike Pompeo ou John Bolton lui-même, ont envisagé de démissionner, d’après le Washington Post.
Figure de la politique américaine, l’ex-conseiller décrit des échanges entre Donald Trump et des dirigeants étrangers d’autant plus embarrassants qu’ils font écho à l’affaire ukrainienne, qui avait valu au président américain une procédure infamante de destitution.
Les fuites dans la presse surviennent au lendemain de l’annonce d’une action en justice de l’administration Trump pour tenter de bloquer la parution prévue le 23 juin de cet ouvrage, intitulé The Room Where It Happened, A White House Memoir, catapulté au sommet des ventes sur le site Amazon.
Dans l’un de ses passages les plus explosifs, l’ex-conseiller y raconte qu’en marge du sommet du G20 à Osaka, Donald Trump avait « détourné » la conversation avec le président chinois Xi Jinping « vers la prochaine élection présidentielle […] en plaidant auprès de Xi pour qu’il fasse en sorte qu’il l’emporte », selon les extraits publiés simultanément par le Wall Street Journal, le New York Times et le Washington Post.
Lors de cette rencontre en juin 2019, le président américain « a souligné l’importance des agriculteurs et de l’augmentation des achats chinois de soja et de blé sur le résultat de l’élection », écrit dans ses mémoires ce républicain, hostile au multilatéralisme et volontiers va-t-en-guerre.
« Les conversations de Trump avec Xi reflètent non seulement les incohérences de sa politique commerciale, mais aussi l’interconnexion dans l’esprit de Trump entre ses propres intérêts politiques et l’intérêt national américain », poursuit John Bolton, 71 ans, conseiller à la sécurité nationale d’avril 2018 à septembre 2019.
« Celle-ci et d’innombrables autres conversations similaires avec Trump ont confirmé un comportement fondamentalement inacceptable qui érode la légitimité même de la présidence », accuse-t-il, dans un extrait complet publié par le Wall Street Journal.
Destitution
John Bolton se tourne alors vers la procédure de destitution, lancée au Congrès américain par les démocrates contre Donald Trump fin 2019.
« Si les démocrates qui ont défendu la mise en accusation (de Trump) n’avaient pas été à ce point obsédés » par l’affaire ukrainienne, « s’ils avaient pris le temps d’enquêter de manière plus systématique au sujet du comportement de Trump à travers tout le spectre de sa politique étrangère, l’issue de la mise en accusation aurait pu être bien différente », assure-t-il.
Son livre avait d’ailleurs fait irruption avec fracas dans la procédure, avec la publication de premiers extraits en janvier.
John Bolton y rapportait une conversation d’août dernier au cours de laquelle Donald Trump lui avait expliqué ne pas vouloir débloquer une aide cruciale à l’Ukraine tant qu’elle n’enquêterait pas sur son adversaire démocrate Joe Biden – désormais candidat contre lui à la présidentielle du 3 novembre. Un point au cœur de son procès.
Donald Trump avait été acquitté en janvier par le Sénat, à majorité républicaine.
Rappelant que John Bolton avait refusé de témoigner à la Chambre des représentants, Adam Schiff élu démocrate et procureur en chef du procès en destitution, s’est indigné dans un tweet mercredi : « A la place, il l’a gardé pour un livre. Bolton est peut-être un auteur, mais ce n’est pas un patriote. »
Les camps Ouïghours, une « bonne chose »
L’ex-conseiller à la sécurité nationale à la célèbre moustache multiplie les souvenirs embarrassants dans son livre.
Alors que d’influents sénateurs républicains, alliés de Donald Trump, dénoncent sans relâche la Chine à propos notamment de Hong Kong et de son traitement des Ouïghours, John Bolton écrit que, toujours à Osaka en 2019 : « uniquement en présence des interprètes, Xi avait expliqué à Trump pourquoi, en gros, il construisait des camps de concentration dans le Xinjiang. Selon notre interprète, Trump a dit que Xi devait continuer à construire ces camps, dont Trump pensait que c’était exactement la bonne chose à faire ».
Selon le Washington Post, John Bolton s’était inquiété, auprès du secrétaire à la Justice Bill Barr, « de la volonté de Trump de rendre des services à des autocrates, dont le » président turc Recep Tayyip Erdogan.
Les responsables de l’administration Trump oscillaient, d’après l’ex-conseiller, entre profonde inquiétude et moqueries.
Dans un mot glissé à John Bolton lors du sommet historique entre Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en 2018, Mike Pompeo aurait ainsi écrit : « Il ne raconte que des conneries. »
Quand Pompeo estimait que Trump « ne raconte que des conneries »
Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, qui affiche une loyauté à toute épreuve à l’égard de Donald Trump, s’est montré plus d’une fois critique dans son dos, allant jusqu’à l’accuser de ne dire « que des conneries », rapporte John Bolton dans son livre.
L’épisode décrit dans ce livre remonte au premier sommet entre le président des États-Unis et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, en 2018 à Singapour.
À un moment de cette rencontre historique, Mike Pompeo fait passer à John Bolton, alors conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, une petite note se moquant du milliardaire républicain : « Il ne raconte que des conneries », glissait-il, selon un extrait publié par le New York Times.
Un mois plus tard, selon le conseiller limogé en septembre dernier, le chef de la diplomatie américaine étrillait la stratégie de rapprochement avec la Corée du Nord, qu’il n’a eu de cesse de défendre en public, estimant qu’elle n’avait « aucune chance de réussir ».
Et juste avant le sommet de Singapour, après avoir écouté une conversation téléphonique entre Donald Trump et son homologue sud-coréen, Mike Pompeo avait déjà dit à l’auteur du livre avoir « failli avoir un arrêt cardiaque » à cause des propos présidentiels.
John Bolton écrit également que lui-même, Mike Pompeo et le secrétaire à la Défense Mark Esper ont tenté à huit ou dix reprises de convaincre Donald Trump de débloquer une aide cruciale à l’Ukraine, que ce dernier avait suspendue en l’attente d’enquêtes de Kiev sur ses opposants démocrates – un dossier qui sera au cœur d’un procès en destitution finalement remporté par le président américain.
Selon le Washington Post, John Bolton assure par ailleurs que le secrétaire d’État fait partie des hauts responsables qui ont envisagé de démissionner. Il s’est par moments montré « furieux » de voir le gendre et conseiller du président, Jared Kushner, empiéter sur ses plates-bandes diplomatiques.
C’est la première fois que des propos critiques de Mike Pompeo sur l’hôte de la Maison-Blanche filtrent aussi clairement.
Ils ne sont pas sans rappeler ceux de son prédécesseur Rex Tillerson, premier secrétaire d’État de Donald Trump, qui, selon plusieurs médias, l’avait qualifié en privé de « débile ».
Les articles sur cet épisode avaient accéléré sa disgrâce, jusqu’à son limogeage en mars 2018.