yann gourhant a écrit:Il ne faut pas oublier que la critique n'est jamais objective. Il y a toujours un Homme derrière chaque article.
La critique est à la fois objective et subjective. Subjective dans la mesure où elle implique le critique en tant que sujet, objective pour autant que son argumentation soit construite en référence à des aspects de l'oeuvre identifiables par tous (éléments du scénario, du dessin). Son parti pris comporte donc une part certaine d'objectivité, qui n'est pas absolue mais relative. Cela n'empêche pas de l'assumer jusqu'au bout.
Je me souviens de la manière dont Télérama avait descendu certains films de Terry Gilliam ou Caro et Jeunet à leur sortie en salle. Pour retourner leur veste quelques années plus tard, et les encenser lors de la diffusion télé. Mais c'était trop tard... le mal était fait! Et je suis certain que les critiques se sentaient très "lucides" sur le coup...
Le problème qui se pose avec Télérama, les Inrocks, etc. c'est leur manque d'intégrité, le fait qu'ils soient mondains, superficiels, souvent très cons sous leurs airs vaguement intello, ce qui les prédispose à être de vraies girouettes parisiennes, faibles d'esprits, cyniques et opportunistes - et politiquement dépendants (du PS en l'occurrence), ce qui n'arrange rien. Ils sont à fond dans le consensus de leur milieu.
Leur niveau critique n'est d'ailleurs pas extraordinaire, c'est généralement faible et peu profond sur le plan de l'argumentation, du même niveau qu'une revue de mode quelconque. Parfois ils ont le courage de mettre en avant, à juste titre, des artistes dont personne d'autre ne parle jamais. Parfois, donc, ils sont très bons aussi - de moins en moins. En fait ils sont capables du meilleur comme du pire. Il faut prendre aussi en compte la pluralité de leurs équipes. Ils ne parlent pas toujours d'une seule voix. Et les équipes évoluent.
Mais admettons. Que reste-t-il au bout du compte, pour expliquer une prise de position, fût-elle passée? Les arguments.
Donc, pourquoi vouloir à tout prix "détruire" ou "boycotter"?
Derrière cette question il y en a une autre: tout travail qui se vend, qui a du succès, est-il vraiment abouti en tant que travail - indépendamment de la question du succès? Est-ce que la BD, dans son atelier, est prête pour en sortir? Il doit y avoir un moyen de sonder l'ouvrage, de se mettre à sa place, de s'identifier à cet univers que constitue toute BD, et de se demander, à sa place:
"Est-ce que, honnêtement, je peux me satisfaire de ce que je suis? Est-ce que mon univers tient la route? Pas la route d'untel ou de tel autre qui me lira, mais ma propre route avant tout? Est-ce que je peux me regarder en face? Est-ce que je m'assume vraiment, non au regard des critères d'untel ou de tel autre, mais au regard des mes propres critères? Y a-t-il vraiment un chemin entre le point de départ et le point d'arrivée de mon histoire? Les traits qui composent mon dessin sont-ils vraiment à leur juste tracé, à leur juste place? Les couleurs ont-elles les nuances qui correspondent exactement à l'ambiance du monde que je décris? Et tout cela va-t-il ensemble?"
Et si au terme de cet examen il apparaît, éléments de démonstration à l'appui, que cette BD n'en vaut pas la peine, alors il faut la détruire, ou la recommencer - et ce qui est présenté à tort à la critique comme un objet définitif sera détruit en conséquence.