J'imagine que ça ne saurait tarder à se retrouver éditer en français si ce n'est déjà fait, mais cette mini série s'est donc conclue il y a déjà six mois aux USA, et c'est avec ce retard que je m'attelais à sa lecture.
Alors vu le sujet et l'artiste choisi, je m'attendais à un récit dans une veine sérieuse, veine plus présente dans le troisième volume du
Punisher by
Ennis, et je ne fus pas déçu : S'il s'agit bien ici de Frank Castle, point de Punisher en vue. Un journaliste écrivain réuni quatre survivants du peloton auquel fut assigné le lieutenant Castle lors de son premier tour de service au Viet Nam, espérant ainsi trouver dans leurs souvenirs l'acte de naissance du justicier terroriste qu'il deviendra.
Au cours de cet entretien, on découvre à la grande surprise des quatre vétérans que l'écrivain à déjà fait le même boulot du côté vietnamien.
Ce procédé permet en fait à Ennis d'ancrer son récit dans une mythologie de l'humain dans l'adversité, et non un essai politico-critique. Il y à bien quelques saillies bien senties - "Notre guerre, c'était celle contre les français, une guerre de libération. Celle-ci est celle des américains, juste une sorte de fin de chantier avant d'enfin unifier notre pays" - mais aussi intéressantes soient ces considérations, l'enjeu est ailleurs. En fait, cet auteur en quête de "vérité" et dont le visage n'est jamais montré, c'est sans doute Ennis lui-même, à la recherche des sources de sa fascination pour la guerre, les récits violents, et son désormais indéfectible lien avec le Punisher.
Pour cet irlandais ayant été marqué au fer rouge par le conflit de son pays, cet obsession n'est finalement pas si étonnante, car la guerre du Viet-nam peut effectivement s'apparenter à une sorte de guerre civile morale, le moment où l'Amérique perds vraiment le nord. C'est donc logique d'établir l'origine du personnage si controversé dans le chaos moral et réel de cette guerre dont les protagonistes US ignorait les raisons mêmes pour lesquelles elle fut menée.
Mais Ennis est plus malin que par le passé, et à l'instar des quatre anciens camarades, comme nos pères ayant été envoyé perdre trois ans de leur vie - sinon plus - en Algérie, il ne nous livre point d'acte mythologique fondateur, du moins pas plein-champs.
Si les motivations d'un personnage féminin de l'autre camps demeurent présentées trop trivialement (disons qu'Ennis est plus à l'aise avec les alpha mâles macho...), elles le furent certainement vécues de la même manière à l'époque, et tout le récit ne traite plus alors d'autre chose que de réactions, de réflexes de survie plus ou moins spontanés : Castle est mis devant le fait accompli que tout jeune père de famille qu'il est, il se retrouve aujourd'hui sur un front de guerre. Il n'a pas choisi d'être là, et n'avait aucun pouvoir là dessus, il va simplement devoir trouver comment survivre, et avec qui, notamment face à une jeune combattante que cette guerre à déjà transformé en Punisher.
C'est donc l'histoire éternelle de frères d'armes, la camaraderie militaire qui cache bien des fêlures, et la team Ennis/Parlov est virtuose pour conter ce type de récits.
Il faut dire que les toutes premières bandes dessinées d'Ennis racontent déjà des histoires similaires, dans le contexte nord-irlandais :
True Faith, mais surtout
Troubles et sa suite
For A Few Troubles More (avant qu'il ne leur donne des suites parodiques avec les séries "
Dicks").
Si c'est l'humour noir (voir outrancier) qui à fait d'Ennis une star (The Demon, Hitman, Preacher, Punisher du début), cette nouvelle série autour de Frank Castle est une sorte de boucle avec ses initiales aspirations, mais ce moins la fougue et le panache des débuts, la maturité et l'universalité ayant pris le relais.
Deux mots pour finir, relever une fois de plus la beauté et l'inventivité du dessin de Parlov, maîtrise absolue de la mise en scène des scènes d'action, servie par une mise en couleur de Jordie Bellaire splendide et brumeuse (sa marque de fabrique perso), et enfin noter qu'Ennis présente cette histoire comme le premier tour de service de Castle, nous préparant déjà pour le suivant qui devrait je l'espère suivre avant la fin de l'année, entre autres punishereries qu'il nous promet.