de corbulon » 06/04/2019 17:21
Bon visiblement le premier volume reprends les deux premiers recueils publiés par DHF et Bulledog. Ce n'est pas le choix le plus intéressant à mon sens. Un vrai parti pris aurait été de respecter la chronologie de l'histoire. Donc il aurait fallu publier Innocence of Nihilism puis Stray Bullets Sunshine and Roses (qui devrait compter 5 recueils, 4 déjà parus, si on s'en tient aux propos de Lapham sur les vilains réseaux sociaux). Là, si ça marche, on va se retrouver comme les fidèles lecteurs vo de la série, et donc dans la peau d'un spectateur de l'inspecteur Colombo. Pas que ce ne soit pas inintéressant, c'est parfois tout aussi stimulant de voir le mécanisme amenant à la conclusion dont on connait déjà l'issue. Mais bon franchement vu la science de la narration de Lapham ça aurait été plus stimulant de ne rien savoir du destin des protagonistes de SB S&R.
Après Stray Bullets ça vaut quoi ? C'est polyphonique tout en gardant un fil rouge comme The Wire finalement. Parce que ce n'est pas juste une histoire de polar comme pourrait laisser le penser les deux premiers volumes de la série originale. Le troisième volume Somewhere in West laisse au départ son public aussi perplexe que celui de The Wire au début de la deuxième saison. Parce que Lapham donne un coup de barre à sa série, on va se retrouver peut-être aussi en raison du changement de côte dans une atmosphère à la Melrose Place. Enfin du Melrose Place sous acide, Lapham n'étant jamais aussi bon quand il s'agit de transformer un scénario qui pourrait être sortir d'un hollywood nights (Silverfish en est une autre démonstration) en quelque chose de beaucoup moins lisse, parfois à la limite du glauque et du malaise. Mais en dépit de ce côté grimmy, il y a toujours du fun pour contrebalancer tout cela, c'est ça qui rend la série infiniment plus respirable et plaisante à suivre. Le dernier cycle de la série originelle à savoir les cinquièmes et sixièmes recueils sera beaucoup plus orienté high school et donc splendeurs et misères de l'adolescence. Après avec Stray Bullets ; Sunshine and Roses Lapham ou plutôt les Lapham, puisque maintenant son épouse est créditée, reviennent à la base de la série les voyous du Baltimore de la fin des années 70. Et c'est très bien foutu, j'ai pas trop envie d'en révéler, mais les Lapham vont donner tout son sens, y compris littéral, à l'expression "équipe de bras cassés".
Ensuite il y a aussi un peu de Dick Stracy dans Stray Bullets, en tout cas en ce qui concerne le casting des truands, Blue Ed, Monster in primis Et aussi des personnages féminins qui finalement n'ont pas grand chose à envier à ceux de Love and Rockets, on ne peut être que fan de Virginia ou de Beth, et puis évidemment d'Amy Racecar l'alter ego fictionnel de Virginia.
Les épisodes où figure Amy Racecar, un par recueil, pourraient faire penser à des Stand Alone, mais en fait non ils ont toujours un rapport avec l'intrigue de l'arc en cours, et souvent donnent des indices sur sa résolution. Ce sont les épisodes les plus riches au niveau des idées what the fuck, les plus comic-books, ceux dont on ne pourrait pas faire une adaptation cinématographique, et ça révèle évidemment un grand amour du médium de la part des Lapham.
Après David Lapham en ce qui concerne la partie artistique, réaliste tout tout seul, à savoir il dessine, encre et aussi lettre (et le lettrage a son importance voir la façon dont est présentée les bulles de dialogues de Monster). Et c'est vraiment un maître du découpage et du rythme, à côté Risso et Phillips ce sont de petits joueurs. Il est aussi à l'aise dans les planches composées de nombreuses cases que dans les pleines pages. C'est assez magique comment tout cela sublime des intrigues. Stray Bullets c'est vraiment une oeuvre que j'aimerais conserver quoiqu'il arrive.