J'allais débarquer sur la pointe des pieds avec des grosses défenses rhétoriques, du genre "je n'ai fait que feuilleter l'album en librairie", "je suis loin de très bien connaître l'œuvre de Jodorowsky", "je vais peut-être dire de grosses conneries", etc. Mais en fait je me rends compte que pas mal d'avis corroborent mes impressions.
Donc, arrêtez-moi quand même si je me trompe, mais : j'ai l'impression que plus ça va, et moins Jodo se foule côté scénar. L'impression, quand je parcours
Borgia,
Le pape terrible ou donc ce
Sang royal, que l'imaginaire délirant d'antan s'est racorni et qu'il ne reste plus que quelques poncifs provoc' servis tels quels, tout nus tout crus. Non pas que le sexe, le sang, les tripes, l'inceste, les mutilations, le blasphème et autres attaques antireligieuses, aient été auparavant absentes de son univers et de ses préoccupations, bien sûr ; mais enfin, il me semble que c'était intégré à quelque chose de plus consistant ?...
Bouncer est peut-être la dernière série où Jodorowsky prend la peine [/me donne l'impression de prendre la peine] de développer vraiment un scénario - alors, un truc de malade, complètement désaxé, certes, mais un scénario, quoi. Là, pour
Sang royal, quand je lis la présentation de l'éditeur et que je tombe sur l'adjectif "shakespearien", m'est avis que les messieurs-dames du marketing n'ont pas mis les pieds dans un théâtre depuis un bail (ou alors ils se payent juste la fiole du lecteur-de-BD-forcément-inculte : "ça passera toujours...").
Si tel est bien le cas (et franchement n'hésitez pas à me détromper, ça me ferait plaisir, vraiment), c'est d'autant plus regrettable que - notoriété aidant, peut-être (Jodorowsky est maintenant un auteur bien "installé") -, la qualité graphique est souvent, elle, au rendez-vous. Boucq fait un travail superbissime sur
Bouncer, Manara signe peut-être avec
Borgia ses plus belles BD
(ce qui fait qu'un jour ou l'autre, je le sais pertinemment, je vais craquer et les acquérir malgré le scénario léger-léger), et ici le dessin de ce M. Dongzi Liu est, je trouve, admirable... mais quand je feuillette et que je vois un peu le scénario, bah, je passe mon tour quand même.
(En revanche, le projet avec Jean-David Morvan au scénario, vous pouvez considérer qu'en ce qui me concerne c'est déjà acheté. )