de Jetjet » 29/03/2016 09:12
Petit up pour cette série injustement méconnue et dont j'avais écrit une chronique inspirée.
A l'heure où on nous vend du superslip à toutes les sauces, pourquoi ne pas se laisser tenter par le Watchmen français ?
"Sans la récente lecture de l’excellent Cycloman réédité par Cornélius sur un sujet à priori similaire (les superhéros à la french touch) et la présence intriguée de cette grosse intégrale aux accents comics (les annotations Comics sont reprises dessus comme sur un bon vieux Strange), il y a de fortes chances que je serais passé complètement à côté de l’œuvre de Hervé Bourhis et quelle grave erreur ça aurait été !
Car si Cycloman est aussi rafraichissant et drôle dans notre paysage franco-belge, Comix Remix emprunte une voix bien plus sombre que ses dessins épurés et colorés et rappelle davantage Watchmen et Donjon avec une ambition plutôt impressionnante pour une œuvre passé aussi inaperçue…
Petit retour en arrière : dans une mégalopole aussi industrielle qu’étouffante se cotoyent êtres humains et monstres… Parmi cette population se distinguent les superhéros eux même retranchés en deux partis : la « Corporation », entité officielle garni d’êtres parfaits physiquement mais cachant de sombres desseins politiques et vendant ses attributs aux plus généreux et le clan des Clandestins, reclus de tous genres et de toute origine condamnés à exercer des actes dits terroristes pour lutter contre la suprématie de Miss Honolulu, mystérieuse femme à l’aura tentaculaire….
Le récit commence avec l’assassinat de Mister Mercure, le superhéros le plus adulé de la « Corporation » et la convoitise de son fils John-John et de sa veuve par tous les bords. Tout ceci va mettre le feu au poudre au sens propre comme au figuré et permettre à Hervé Bourhis de déployer un bestiaire des plus atypiques et riches rarement vus dans un récit de ce genre en confrontant monstres roses charismatiques et super collants fascistes sans oublier attaques de monstres géants dans un final apocalyptique des plus délétères !
Ne vous fiez pas au dessin enfantin ni au titre représentant davantage l’hommage de Bourhis aux lectures de son enfance, si le début du récit est âpre et déstabilisant avec cette exposition de personnages multiples et complexes, la narration se fait plus prenante et bien structurée, multipliant les points de vue et les actions de tout bord… Il n’existe de surcroit nul personnage véritablement vertueux, chacun possède ses failles et l’auteur utilise beaucoup de subtilités dont une seconde lecture permet de cerner certaines réponses à des énigmes sans pour autant les surligner d’un fluo.
Habile récit sur les différences raciales ou sociales, les dangers d’une politique manipulée par le profit et tout en s’appuyant sur des propos terriblement humains, Bourhis construit un récit rythmé et poignant dont le pessimisme transpire à chaque page sans pour autant négliger quelques pages d’humour avec le regard émouvant ou naïf d’enfants dépassés par leurs responsabilités ou des histoires d’amour inavouées aux destinées tragiques quand il n’y insuffle pas un peu de poésie noire dissimulée dans les bas-fonds d’une ville gagnrénée par l’incommucabilité de ses citoyens.
En finalement si peu de pages et sur 3 tomes au contenu incroyablement riche et doté d’une galerie de monstres exceptionnels s’affrontant pour un idéal perdu (voir le charismatique Epominodas, homme chewing-gum affronter le ténébreux Mister Spice est un pur régal), Comix Remix se dote des plus beaux atouts pour offrir un récit aussi riche qu’un Donjon et complexe qu’un Watchmen sur des bases totalement différentes.
Dans les quelques bonus de cette intégrale, l’auteur se réjouit du nouveau format plus adapté de cette intégrale en espérant qu’elle aura plus de lisibilité et d’impact en librairie et à la conclusion de cette jolie saga, c’est également tout le mal que je lui souhaite… Ne vous fiez pas au titre faussement parodique et imprégnez vous de l’univers unique et ambitieux de Hervé Bourhis, lisez Comix Remix, joli coup de cœur injustement passé inaperçu. "