Un petit sujet pour qu’on parle de planches.
Aaah, depuis le temps que j'attendais ce sujet! Je suis même surpris de ne pas avoir lancé cette discussion moi-même.
Je commence par un special Sergio Toppi. C'est un auteur qui m'a fait un peu le même effet que Will Eisner: au moins une invention formelle par album.
Pour commencer, voici un super exemple de rhétorique visuelle.
Voici le premier rhinocéros métaphorique! Cette créature en pleine page n'a aucune existence diégétique (ouvrez vos dictionnaires à la page "diégèse"
) et ses proportions surdimensionnées rendent la figure de style d'autant plus écrasante. On ne peut comprendre cette image qu'après avoir lu le texte...
Un autre cas marquant d'inter-dépendance.
Ici, ce qui m'a marqué, c'est les arabesques autour de la bulle. A première vue, on pourrait penser que c'est une extravagance formelle de l'auteur. Mais là encore, quand on lit le texte, tout devient plus clair. Le dessin et le texte se renforcent mutuellement, et on passe, ici aussi, dans le monde de la rhétorique visuelle...
Toppi a souvent donné une existence diégétique (encore!) à ses bulles.
Ici, le personnage en première case lance une incantation. Et c'est la bulle elle-même qui se transforme en créature lovecraftienne. Comme si la bulle, qui n'est qu'une convention pour représenter un son, assumait sa "materialité" (de l'encre sur du papier).
Dans le même ordre d'idée, la page qui m'a le plus marqué.
Ici, le personnage disparaît dans la jungle. Mais Toppi n'a pas dessiné simplement son personnage s'enfoncer dans la végétation dense, il l'a représenté dans l'espace inter-iconique (le blanc de la page) passer [g]derrière[/g] la case, comme si celle-ci avait une exitence materielle. C'est ce qui rend la scène plus forte et presque intemporelle. Le personnage n'a pas disparu dans n'importe quelle jungle, il est passé dans un autre monde: celui des idées, de la mémoire, des légendes...
Voilà pour aujourd'hui! Mais... I'll be back!