J'en ai encore les poils tout hérissés au moment ou je vous écris, il y a un texte d'un poilus qui est terriblement poignants et parfaitement illustré par Christian De Metter, en voici un extrait :
"Ô injustice et ingratitude humaines ! Tandis que vous vous promenez dans les rues ou les lieux de plaisirs de Paris, tandis que, mollement assis dans un bon fauteuil de velours , au coin d'un bon feu, à l'abri de la pluie et scandalisés si un grain de poussière ou une goutte d'eau viennent ternir l'éclat de vos bottines, vous discutez pour savoir si l'absinthe est un poison ou si le mot "bar" est mieux que "débit de boissons" ou "établissement", tandis que loin du danger vous vous demandez d'un air fâché et dédaigneux :"Qu'est-ce qu'ils font donc ?" Pourquoi n'avancent-ils pas ? Si j'étais au feu je ferais cela...", pendant ce temps, Messieurs les Députés, vos concitoyens français, vos frères, les fantassins dont le nom seul évoque on ne sait pourquoi le mépris le plus grand, les soldats en général sont en train de recommander leur âme à Dieu avant d'accomplir "dans l'ombre" sans rien attendre de la postérité le plus grand des sacrifices, le sacrifice de leur vie.... Et c'est vous qui êtes si prompts a vous décerner mutuellement des décorations plus ou moins méritées par quelque beau discours ou quelque puissant appui, c'est vous, dis-je, qui refusez d'accorder à nos soldats la petite "croix de guerre" si vaillamment méritée"; bien petit dédommagement en vérité, pour une jambe ou un bras de moins, qu'un petit morceau de métal suspendu à un ruban quelconque, mais ce sera pourtant tout ce qui restera dans quelques années d'ici pour rappeler la conduite sublime de ces malheureux estropiés que le monde regardera d'un œil dédaigneux.
De plus, c'est si simple et ça ferait tant de plaisir à ces braves, ça stimulerait tant le courage des autres..."
Maurice Antoine Martin-Laval, lettre datée du 22 Février 1915.
Simplement vivant, magnifique, émouvant.... Pouaaaah je me régale avec ce tome !