Aujourd’hui c’est un chat à la fois moche et beau, qu’en tant que chauve je regarde avec les yeux d’un père. Il est disponible sur mon site ici:
https://tampographe.com/polychromies/20 ... d-cat.htmlOn est vendredi, c’est jour de go-fast. Je me réjouis de rouler sur l’A6 et d’aller manger des frites au Restauroute. Ces quelques heures de trajet hebdomadaire me tiennent lieu de week-end. Je m’installe confortablement, je regarde le paysage qui défile, je pousse à bout les nerfs d’Eva en changeant de station radio sans arrêt. Le récepteur se cale sur Nostalgie et la voix de Michel Fugain remplit l’habitacle. On roule en écoutant ses paroles doucereuses (« C’est une chanson, c’est une belle histoire, c’est une romance d’aujourd’hui »). Les mâchoires d’Eva se serrent. Elle double un camion, il flotte, on y voit rien. C’est elle qui conduit, je suis dyslexique, ça fait de moi un danger public même sur un vélo. Elle me souffle nerveusement « Change de radio ». Je change. Encore Michel Fugain (« Fais comme l’oiseau, ça vit d’air pur et d’eau fraîche l’oiseau»).
-Putain il est partout. Il est mort ou quoi?
Je vérifie. Google me dit qu’il est vivant. Déception ombrageuse sur le visage d’Eva.
-Change de radio.
Je change. Encore lui.
-Merde éteins ça. C’est pas vrai.
Eva est en train de dépasser un 38 tonnes espagnol. J’ai le temps de voir les moustaches du chauffeur et la cabine joliment décorée avec des napperons, un peu comme chez ma grand-mère de Bilbao.
-C’est quoi le problème avec Michel Fugain? ». Je pose la question prudemment. Eva est nerveuse et un écart sur la route humide pourrait-être dangereux.
-Écoute. Je vois pas comment dire ça autrement mais Michel Fugain et son Big Bazar c’est l’équivalent français de Charles Manson et de la Famille. Même dégaine, même groupe de cinglés flippants qui suit derrière. Ça me fout les jetons. Quand j’étais gosse je quittais la maison en hurlant s’il passait à la télé.». Ses mains se crispent sur le volant. Je me tais.
On arrive en banlieue. Le flux des voitures ralentit et les premiers bâtiments familiers apparaissent. Un squat de roms, le centre anti-cancéreux de Villejuif, et bientôt au loin la tour Montparnasse.
On se sent en sécurité dans les bouchons, et l’air se charge d’une bonne odeur de particules fines. On est à Paris, On respire.
À demain à la galerie tampographique, ouverte de 11h à 19h comme toujours, 4 rue du repos métro Philippe Auguste.