Ayant lu a sa sortie
La garçonne et l'assassin de F. Virgilli et D. Voldman, suite à une excellente chronique sur France Culture, j'avais connaissance de ce fait divers très intrigant.
Résumons : Louise Landy et Paul Grappe se rencontrent et se marient en 1911. Paul, part au service militaire (à l'époque trois ans) où il se hisse au grade de capitaine. Quand il compte enfin rentrer, la Première Guerre Mondiale éclate et il doit se rendre sur les champs de bataille. Il constate bien vite que la guerre n'a rien à voir avec les exercises des casernes...
Traumatisé par ce qu'il y voit, il sombre dans la dépression et il s'automutile.
Mais, on veut néanmoins, en dépit de son état psychologique clairement fragile, le renvoyer au front. S'il refuse, c'est l’exécution pour haute trahison...
C'est là qu'il prend la décision de déserter en fuyant l'hopital. Pendant 10 ans il se travestira en femme, avec l'aide de son épouse, il deviendra Suzanne. Sombrant dans l'alcoolisme et la violence la fin de cette belle histoire d'amour sera tragique.
Ce livre d'histoire, outre le récit de ce fait divers incroyable, nous amène à nous interroger sur des questions comme la sexualité et le genre, ainsi que sur le regard que la société portait aux déserteurs considérés comme des moins que rien et porte aux personnes hors normes de part leur vie intime.
C'est avec un certain étonnement que je découvris que ce livre était adapté en BD. Hier, je l'achetai donc et je fus conquis.
Comme indiqué au début de l'ouvrage,
Mauvais genre est
librement adapté de la vraie vie de Louise et de Paul Grappe, ce n'est donc pas une vraie biographie de Paul et de Louise, c'est le reflet de leur vie et cette époque que fut l'après-guerre. Cela n'a au fond que peu d'importance.
L'auteure insiste particulièrement sur le traumatisme que fut pour Paul le contact avec la guerre et ces répercussions sur sa psychologie (sa « débauche » et sa consommation d'alcool excessive sont clairement liées à cela). Hanté par des souvenirs abominables, Paul ne fait que fuir, non seulement l'armée qui le cherche, mais également lui-même en devenant un autre, une autre dirais-je.
Dans une espèce de folie, il devient réellement « féminin » et va même jusqu'à entraîner son épouse dans les lieux les plus interlopes de la vie parisienne. Cela ne peut pas bien se finir.
Le trait de C. Cruchaudet, même si elle prend quelques libertés avec les faits,
( on peut déplorer qu'elle n'explicite pas davantage le destin de Louise à la fin de son ouvrage)
respecte les anatomies des vrais personnages (Paul est ainsi figuré sous son identité de Suzanne, par une photographie, en quatrième de couverture) et l'ambiance de cette époque avec une grande minutie. Se gardant bien de juger Paul, être ambigu dont on ne sait s'il est à plaindre ou à blâmer, elle étudie avec pudeur la complexité de la vie d'un couple, hors norme, qui va dériver, inexorablement.
Une très bonne surprise.