de Igalma » 05/01/2014 21:05
Je trouve que justement, ce côté neutre fait la force du récit. Chacun se fait son avis. Pour ma part, je suis évidemment sensible à la colère de l'épouse qui voit les rôles s'inverser, qui trime pendant que Suzanne claque le fric du ménage, de la voir perdre complètement le contrôle de ce qui était au départ une fantaisie complice. Il y a un sacré contraste lorsqu'elle aide Paul à se travestir et la fin, et au milieu, le couple qui s'éffrite. Tout est intériorisé et finit par exploser comme une cocotte minute.
Quant à Paul, c'est très bien vu cette schizophrénie qui s'empare de ceux qui ont à jouer un rôle. Quand on incarne un bon personnage quelques heures par semaine pendant un an, il est difficile d’ôter cette pelure, très vite, on peut se laisser dévorer par le role-play et la frontière entre soi/son perso peut devenir très floue, il faut un temps après le jeu pour redevenir soi-même, pour redescendre dans la réalité. Paul joue tous les jours pendant dix ans, presque sans pause, son personnage lui fait ressentir une liberté inconnue, des sensations grisantes, ces instants où il bascule sont très bien rendus. Cet anéantissement progressif de sa personnalité me parait normale, je pense que ça peut arriver à n'importe qui qui doit jouer un rôle permanent, un rôle où il s'amuse.
Au final, Paul a le choix : entre Suzanne la jouisseuse, la reine du bois, populaire auprès de tous et toutes, et Paul le déserteur, le looser qui va devoir retourner trimer à l'usine comme un (pauvre) homme : c'est très vite fait.