Cobalt 60 a écrit:Contrairement à toi, je ne suis pas du tout amateur de Don Heck, pour moi le pire dessinateur de l'écurie Marvel des débuts. Je le trouve fade, sans inspiration, pour tout dire vraiment médiocre. C'est bien simple, je boycotte l'achat des intégrales que je suis dès que ce dessinateur occupe plus de 50% de la pagination. Entre Kirby, Ditko et un peu plus tard Buscema ou Gene Colan, il faisait vraiment tache.
Ne le prends pas mal, mais tu as tort de boycotter Heck, et je t'invite, à l'occasion de tes lectures et relectures, à re-regarder son travail. C'est pas pour t'embêter, mais sincèrement, Don Heck a une base de dessin particulièrement solide.
En fait, ma théorie (enfin, c'est pas "ma" théorie, et c'est pas une théorie c'est plus une analyse, mais la première fois que j'ai lu ça, c'était chez Patrick Marcel, donc c'est pas vraiment une idée à moi…), c'est que Don Heck est un dessinateur réaliste qui n'a pas su s'adapter au "tout super-héros" du renouveau des
comic books dans la première moitié des années 1960.
Sur SP Comics Sanctuary (
ici), j'en parlais à l'occasion d'une discussion sur Don Perlin, vénérable dessinateur d'histoires de monstres dans les anthologies d'Atlas Comics des années 1950, mais que nous, en France, nous ne connaissons que pour ses planches fatiguées sur
Werewolf by Night ou
Defenders (et ses
Werewolf by Night étaient pas si mal, somme toute).
Scrolle un peu, parce que c'est en deux temps : d'abord Perlin, puis Heck (deux posts différents sur Heck).
Voilà ce que je disais sur Perlin :
Jim Lainé sur Comics Sanctuary a écrit:Don Perlin, c'est un "vieux" dessinateur, qui officiait déjà dans les années 1950, dans une veine réaliste tout à fait charmante et correcte. Nous, lecteurs de super-héros, on l'a surtout connu pour ses boulots chez Marvel dans les années 1970 et 1980 (Defenders est l'un des plus importants, mais on peut penser aussi à Werewolf By Night, où il collait mieux, déjà…), mais il souffre de ce que j'appelle le "syndrome Don Heck", à savoir qu'il est plutôt doué pour dessiner des personnages normaux dans des décors quotidiens, et qu'il n'est pas à son aise pour les justiciers costumés et la pyrotechnie explosive. Et dans le cas précis de Defenders, les histoires perdent énormément de leur impact et son trait n'est pas mis en valeur (malgré l'encrage solide de Sinnott sur certains épisodes). Par la suite, sur les derniers épisodes, il est encré par Kim DeMulder, et il y a un petit quelque chose de mieux. C'est des épisodes inédits (j'ai eu du mal à trouver les fascicules : les Essentials sont les bienvenus pour compléter…).
Et voilà ce que je disais sur Heck :
Jim Lainé sur Comics Sanctuary a écrit:soyouz a écrit:Heck, je ne l'avais jamais vu comme ça et les pages de Perlin que présente Jim montrent bien ce qu'il veut dire. Du coup, je vois mes Iron Man (j'ai bien les pages en tête, entre les scène de Stark et les scènes d'IM) bien différemment maintenant !
Sur Iron Man, y a deux grosses périodes : la période
Tales of Suspense, où Heck est en mode "dessin classique", et ça marche super bien parce que l'apparition du garde du corps en armure fonctionne sur le contraste (alors que le reste, c'est un défilé de mode, avec les costards chics de Tony et les tailleurs affolants de Pepper). C'est vraiment très très beau (et sur la fin, y a même l'ami Wally Wood qui vient faire de l'encrage, et tonnerre de tonnerre, que c'est joli). Et la période
Iron-Man, quand Heck revient dessiner la série entre (pour faire court) Johnny Craig et George Tuska (tiens, en voilà un autre, Tuska, que nous lecteurs de super-héros on a surtout connus en "fin de carrière" : alors que c'est un dessinateur formidable, auteur de strips d'aviateur et dessinateurs de récits policiers ou d'horreur vraiment chouettes). Et là, les épisodes de Heck sur Iron Man, ils souffrent un peu : les scénaristes (Conway, non ?) mettent plein de super-personnages (notamment le Zodiac, mais aussi des extraterrestres en armure volante…) et on oublie pas mal les "gens normaux". Et là, ça pèche.
(Mais bon, ça dépend aussi de l'encreur, de l'histoire : ses
Flash, à Heck, ils sont très sympas).
Il y a une chose qu'on oublie souvent, ici, c'est d'une part qu'on connaît certains dessinateurs par ce qu'ils ont fait à la fin de leur carrière (dans le cas d'un Ross Andru ou d'un Bob Brown, leurs boulots les plus connus en France, respectivement
Amazing Spider-Man ou
Daredevil, font partie de ce qu'ils ont fait de mieux, meilleurs que leurs
Wonder Woman,
Challengers of the Unknown ou
Detective Comics ; dans le cas de Heck ou Perlin, c'est un peu le contraire…), et d'autre part qu'on les connaît par leurs boulots dans le genre super-héros (qui ne convenait pas à tout le monde : un Colan pouvait tout dessiner, un Buscema avait de l'or dans les doigts, mais tout le monde n'est pas aussi bon…). Cela fait une vision un peu déformé du travail de certains auteurs.
Donc j'espère que tu auras quelques minutes pour cliquer sur le lien et regarder les planches que j'y ai postées. Et si ça t'incite à rouvrir tes vieux épisodes d'Iron Man de
Tales of Suspense, alors ça sera cool !
Mais clique sur le lien, scrolle un peu, et attarde-toi sur la planche "
old scout", et notamment sur le personnage principal, les drapés, le naturel de la pose, les mains… Continue un peu plus bas et regarde la planche "
the black clock", avec ses effets de noirs, ses drapés, ses volumes…
Non, vraiment, Don Heck, c'est super quali. C'est pas un très bon designer (ses robots, ses vaisseaux spatiaux, c'est pas toujours très léger…), et il avait un rendu bizarre des effets pyrotechniques dans les histoires de super-héros (moi, j'adore, c'est tellement marqué, comme patte…), mais question rendu du quotidien, vêtements, décors, ambiances, quand il avait le temps, c'était formidable. C'était un mec fait pour dessiner du polar, ce genre de choses.
(Et moi, question mauvais dessinateurs du Marvel du début des années 1960, j'ai nettement plus de mal avec Larry Lieber ou Dick Ayers… sans compter que des gens comme Alex Toth, Bob Powell ou Al Hartley ont livré certaines de leurs planches sur du super-héros, à l'époque : entre le genre qui impose ses règles et des conditions de travail parfois industrielles, ça n'aide pas, même les meilleurs !)
Jim