25 ans ? Tu ne les fais pas
25 ans et 35 albums achetés, pas seulement lus hein, achetés.
Le premier ? C'était il y a peu, 5 ans (je me remettais sérieusement à la BD), sur les conseils de mon libraire,
La Mémoire dans les poches tome 1.
À force de traîner devant ses linéaires, il a commencé à cibler mes goûts le bougre :
"Une série intéressante, pas encore terminée, mais avec une qualité d'écriture qui ne devrait pas te laisser insensible.
C'est juste et profondément humain, une histoire de famille, de vie, une lecture qui hante pendant quelques temps..."En mouton discipliné et influençable, j'ai suivi son conseil. En lecteur curieux et pressé, j'ai englouti ce tome 1.
Ma première réaction ?
Tiens, il parle d'immigration, de métissage, de pauvreté, d'entraide, d'HLM, de racisme, de préjugés, de quête de ses origines, d'amour aussi... ?
Et c'est quoi ce trait et ces couleurs ? Ça fait vieillot mais en fait ça marche et ça colle au ton et au rythme.
Puis j'ai acheté le tome 2 (avec un sourire complice et de satisfaction de ce même libraire...)
Comme je débutais dans ce "retour" à la BD, et que je suis curieux, je découvrais par "pelote de laine" : tu tombes sur un truc qui te plait et tu tires le fil de ce que les auteurs ont fait.
Naturellement,
Le Pouvoir des Innocents s'est imposé. Je suis friand de thriller, le côté conspiration, politique a fini par me convaincre.
Et je lis le T.1 ; NY, élections, un traumatisé de la guerre, une milice de quartier et... des enjeux qui dépassent tous les petits destins dépeints. Qui les dépassent ? Vraiment ?
J'enchaîne le T.2, le T.3, comme cela jusqu'au bout avec toujours cette petite boule au ventre au fur et à mesure que tout prend forme, se met en place dans ma tête ou sous mes yeux et que je pense saisir les tenants et les aboutissements.
Ce mélange de plaisir et d'adrénaline quand tu te rends compte de ce qu'on te raconte (et/ou que tes impressions étaient fondées ou totalement erronées ).
Je refermes le tout et je me dis que j'ai lu une grande série. Avec des défauts, sûrement, avec un dessin qui n'a rien à voir avec ce qui marche tant à l'époque, mais avec une sensibilité et une densité qui me permettra d'y revenir plus tard, avec le même plaisir.
Un truc à mettre à côté de
Berceuse Assassine, du
Poisson-clown et
Les Enragés,
Du plomb dans la tête, et autres
Sin City (normal...) tout en haut de ma pile de thrillers/polars modernes.
Et je tire sur la pelote et le reste suit :
- L'esprit de Warren
- Le Sourire du Clown
- Lloyd Singer/Makabi
- Holmes
- Urban
- Leviathan
- Bob Morane Renaissance
Quelque chose me frappe dans ces séries, jamais (ou alors rarement), les choses ont été simples.
Comme si Luc représentait à lui seul le fameux adage "pour créer l'artiste doit être torturé"... Des histoires de dessinateurs, de délais, d'éditions, etc. et forcément cette dépression. Une maladie qui en général ne sort pas de la sphère intime ou alors pour être moquée, enfin montrée du doigt, comme un mal honteux.
Toi (oui je te tutoie) tu l'annonces, l'expliques, l'affiches, comme une partie de ta thérapie sûrement.
Peut-être aussi est-ce une façon de "t'excuser" pour les délais, la forme ou je ne sais quoi, parce que le résultat n'est pas comme ce que tu avais imaginé.
Ce que je retiens aussi, et c'est une vraie qualité,
c'est que tu ne tires pas sur la corde.
Tu racontes ce que tu as en tête et
tu sais t'arrêter. S'il faut y revenir, cela fera l'objet d'autre chose, dérivé ou pas, mais tu ne rajoutes pas un tome, encore un et encore un, pour le chèque.
Graphiquement ? Toujours des choix de collaboration judicieux, incroyables : Cecil, R. Ricci, L. Hirn, E. Leroux, Servain, (et ceux que j'oublie...) un graphisme qui se marie à merveille avec le sujet, le ton et des dessinateurs qui, je pense, partage la même sensibilité, le même amour pour vos personnages.
De ces 25 années de BD,
je retiendrai donc Joshua, Providence, Jessica et Amy, Lloyd, Patsy et Zéna, Warren, Johnny et Green, Holmes et Watson, Sidoine et Laurent, Grocko, Clock, Desternod, Djin et Fatiha, Zach, Niels et Springy... leurs tourments et les épreuves traversées.
Et bientôt Léa, Edwige, Rédouane et Antoine et plein d'autres encore, je l'espère.Enfin,
je retiens aussi une écriture humaine avec des histoires ancrées dans un contexte social qui n'a rien de superficiel ni d'angélique. On pourrait t'opposer toujours verser dans le côté larmoyant ou torturé de tes personnages, mais je n'ai jamais trouvé ça gratuit. C'est toujours bien construit, amené, ça ne fait pas artificiel, ça sert le récit et participe à la psychologie des personnages.
TL;DR
En fait, pour moi, c'est ça Luc Brunschwig, un conteur hors pair à la plume "socio-humaniste", qui quelque soit le genre s'attache à des thèmes universels, qui le touchent, en construisant des personnages à la psychologie travaillée, qui crée une proximité avec eux et qui sait conclure ses histoires.Ça donne des BD que je suis fier de prêter, de conseiller à ceux qui me demandent des lectures adultes, qui pensent que la BD se limite à Astérix, Yakari ou Les Blondes (
). Des titres qui marquent, remuent et ne laissent que rarement indifférent et que je relis avec plaisir.
Et que j'achète rien que sur le nom de l'auteur en étant, pour l'instant, jamais déçu de la qualité.