de nexus4 » 25/11/2011 16:08
Voici une adaptation intelligente, brillante même. Déjà il y a le plaisir de la langue avec des dialogues qui, même si ils sont issus de l'oeuvre de de Musset relève de la tragédie shakespearienne, à la fois dans le propos et dans certaines tournures.
Ensuite, graphiquement, il y a cette entrée en matière très carnaval de Venise, tel qu'il est présent dans notre inconscient collectif avec quelques anachronismes, comme le chapeau melon ou la cigarette. Du coup, temporellement, on ne sait pas trop ou se situer. Ca donne un coté fantastique aux premières scènes et pas moins fantasque aux premières apparitions de Lorenzaccio, tout en soulignant son décalage et son anticonformisme.
Quand les masques tombent, à la fin du carnaval, on se rend compte que Penet a placé l'intrigue non pas à la renaissance comme on s'y serait attendu mais à une époque assez contemporaine de Musset. On en a un écho habile, plus tard avec la représentation d'Antigone en arrière plan, dont rappelons-le la version d'Anouilh (sur une mise en scène d'André Barsacq) avait été présenté en 1944 sous l'occupation avec des costumes contemporains, dont les imperméables noirs des gardes qui ne laissaient aucun doute sur leur affiliation avec ceux de la Gestapo et le mimétisme de Créon avec l'occupant. Par cette analogie de mise en scène avec Anouilh, Penet place clairement Lorenzaccio en résistant contre le pouvoir en place.
Il est assez rare de voir une telle réflexion sur un projet d'adaptation de la part d'un auteur qui nous propose une mise en place ingénieuse. Le Lorenzaccio de Penet est une oeuvre à part entière. Plus qu'une relecture, c'est représentation, au sens littéraire, théatrale et picturale du mot.
Ca nous change des mot à mot lénifiants des autres adaptions.