Message précédent :Voilà un one-shot qui figurera assurément dans mon top-10 de l’année !
Pourtant, à la base, la sexologie des vieux n’est pas le sujet qui m’interpelle le plus. Mais comme il s’agissait de Pascal Rabaté et que j’avais adoré son adaptation du roman de l’homonyme du célèbre Tolstoï ("Ibicus"), c’est d’un pas décidé que je me suis dirigé vers cet album en rentrant chez mon libraire.
Par contre, au premier feuilletage j’ai carrément du demander confirmation à mon libraire qu’il s’agissait bien du même auteur, car le style est totalement différent. Alors que le dessin d’Ibicus est allongé, malsain, sombre et grisâtre, celui-ci est léger et la colorisation douce.
Cette capacité à adapter son style au ton du récit est incroyable. Un dessin sensible parvenant à illustrer des scènes amoureuses entre vieux avec pudeur et justesse, tout en plongeant le lecteur dans un cadre campagnard plein de quiétude.
Car Rabaté ne va pas seulement se contenter d’aborder le sujet original, délicat et tabou qu’est la sexualité du troisième âge, il va également nous livrer une chronique villageoise pleine d’humour.
D’abord Rabaté va nous emmener dans le monde du troisième âge que l’on connaît, celui de la solitude et de l’enchaînement de petites tâches quotidiennes qui rythment la vie paisible et monotone des sexagénaires. Puis Rabaté va lentement nous ouvrir le jardin secret des vieux en abordant leurs désirs sexuels de façon intelligente et sensible et en alternant sérieux et humour.
Plus que l’histoire touchante et le sujet original, c’est également l’authenticité du cadre et des personnages qui font la réussite de cet album.
Il y a surtout Emile, qui à la mort de son ami Edmond va prendre conscience que sa vie n’est pas totalement derrière lui. On s’identifie totalement à Emile, Emile c’est nos parents, Emile c’est nous dans plusieurs années et Emile c’est surtout un type vachement attachant qui finit par nous enlever un peu de cette peur de vieillir, car si vieillir c’est devenir comme Emile, alors il y a de quoi être optimiste car la vie nous réservera encore assez de surprises juste avant de quitter cette planète.
Mais il y a aussi cette ambiance de terroir légère et drôle, ce cadre campagnard avec ses personnages de comptoir qui respirent l’authenticité, l’harmonie et les rituels d’une petite communauté villageoise.
Et finalement il y a Rabaté qui mélange le cadre, les personnages et son sujet pour nous produire un petit chef-d’œuvre. Il construit un pont entre cette période où le viagra était encore tabou et l’éventualité d’un monde où l’on trouvera normal de voir un septuagénaire feuilleter un magazine de cul un pétard à la main. Il nous livre un message d’espoir sur une vieillesse que l’on craignait sans avenir à la porte de la mort.
Il nous livre une belle leçon de vie de 94 pages et un autre regard sur les vieux, un regard plein d’optimisme, de justesse, d’humour et de tendresse.
Vive le troisième âge !