On m'a indiqué cette discussion, je suis donc allé voir, et je me permets de rebondir sur un sujet et des exemples qui me semblent intéressants.
nexus4 a écrit:On peut évoquer Frank Miller qui a eu 3 styles :
Le comics gros bras de base, sans interet à mon avis :
Une premiere tentative d'évolution faussement brouillonne à base de hachure et de petites bulles :
Et son style définitif depuis Batman, évoluant légérement selon la technique : Couleur, N&B.
Mais toujours à base de larges d'aplats N&B, devenant l'un des maitres du genre avec Mignola :
Batman
Sin City
300
Frank Miller, j'aurais tendance à dire qu'il n'a pas de "style définitif". Parce que depuis
Sin City, il a essayé d'autres choses. Et
Sin City marquait aussi une rupture avec
Dark Knight Returns. D'ailleurs, à ce sujet, je conseillerais de regarder les pages intérieures de
Elektra Lives Again, dont certaines ont été réalisées à la hauteur de
Dark Knight Returns, et d'autres un peu avant
Sin City, et on voit les changements.
Mais Miller, il a toujours dessiné pareil, avec des angles, quelque chose de très sec, de tranchant. La structure du dessin, de
Daredevil à
Ronin à
Dark Knight, est grosso modo la même, c'est l'habillage qui change.
Les recueils
Frank Miller Visionaries : Daredevil présentent des crayonnés de Miller en vis-à-vis des encrages par Klaus Janson (qui est l'encreur de
Dark Knight Returns, n'oublions pas), et l'on voit qu'à cette époque, Janson arrondissait les angles, adoucissait les saillies sur les joues et les mâchoires, et mettait de gros aplats noirs là où Miller pensait en hachures. Ceux d'entre vous qui ont le dernier
Daredevil dessiné par Miller (le #191) et encré par Terry Austin verront qu'Austin respecte les hachures et les angles du crayonné. Si bien que les expériences de
Ronin apparaissent comme une évolution naturelle du travail sur
Daredevil.
Sur le côté "
comic gros bras de base, sans intérêt", je ne peux qu'être en désaccord : déjà, une BD sans intérêt, selon moi, ça n'existe que dans l'esprit de celui qui le dit. Ensuite, le
Wolverine de Miller dont la couverture est reproduite ici est plutôt intéressant. D'une part parce que Miller travaille sur un scénario d'un auteur très en vogue à l'époque (et pas sur l'un des siens), d'autre part parce qu'il aborde un personnage de plus en plus populaire à l'époque et se frotte à une iconographie bien installé et moderne (qu'il revisite) et enfin parce qu'il est encré par Rubinstein, qui a son propre regard sur le travail de Miller (et le fait que les personnages aient les joues creuses témoigne du respect de l'encreur pour les crayonnés).
Mais j'ai du mal à penser le
Wolverine de Claremont et Miller comme du "gros bras de base" : c'est un récit qui a posé le personnage comme anti-héros, qui propose une réflexion sur la place du héros dans l'imaginaire, et qui donne à Miller l'occasion de s'exprimer question narration. Les verticales, les horizontales, il pose un système fort qu'il utilisait dans
Daredevil, qu'il va systématiser dans
Ronin avant de le chambouler dans
Dark Knight Returns.
Pour répondre plus précisément par rapport au sujet, j'ai surtout l'impression, sur Miller, que l'évolution a été progressive. Effectivement, si l'on regarde ses premiers
Daredevil ou son
Wolverine, et que l'on compare à
300, par exemple, on sent comme un saut quantique. Mais je crois qu'à y regarder de plus près, on voit bien que c'est une lente transformation.
C'est d'ailleurs assez intéressant de voir un auteur évoluer, ne pas rester figer. La comparaison avec Mignola me semble pertinente : Mignola commence dans un style post-Ploog, assez rond, avec des modelés. C'est à la hauteur de
Cosmic Odyssey (et notamment sa rencontre avec l'encreur Carlos Garzon, puis plus tard avec Al Williamson dans
Fafhrd and Grey Mouser) qu'il commence à placer des aplats noirs, à mettre des angles sur les silhouettes, à synthétiser. Là encore, sa manière de bâtir les personnages est à peu près la même (si l'on regarde son Géant Vert dans
Hulk ou Box dans
Alpha Flight, puis Darkseid dans
Cosmic Odyssey, puis Hellboy ou certains golems, c'est la même chose ; pareil pour les personnages féminins…).
Les évolutions de ce genre se situent surtout en terme de rendu, d'habillage, de finitions. Mais passée la première étape d'apprentissage, ce genre d'auteurs fixe sa manière de travailler, de poser les masses, et c'est dans l'enrobage que tout se joue, je crois. Pareil pour le système de narration.
Jim